Un touriste, c’est souvent un portefeuille qui commente le peu qu’il voit sur un ton sans appel.
(Lyonel Trouillot, La belle amour humaine, Actes sud, 2011)
Je
suis en train de mettre la dernière main à mon préparatif de
voyage vers la Suisse et, plus précisément le tour du lac de Genève
à bicyclette avec le groupe intitulé Cyclo-biblio
du 18 au 24 juin (site :
http://www.cyclingforlibraries.org/cyclobiblio/edition-2017/ ;
page facebook : https://www.facebook.com/cyclobiblio/?fref=ts
si vous voulez nous suivre).
On
nous recommande vivement d’apporter un appareil nomade :
tablette, smartphone, laptop (heureusement que j’ai fait mon voyage
en cargo de 2015, j’ai appris du passager québécois que mon
vulgaire notebook était un laptop !). Comme je ne me suis
toujours mis ni à la tablette ni au smartphone (oh ! le vilain
retardataire
!),
je recharge en
ce moment mon
notebook (petit ordinateur portable, il a 7 h d’autonomie, c’est
plus que suffisant pour mon usage restreint, et je n’emporterai pas
le cordon d’alimentation, voyager léger, ça demande de s’alléger
à tous points de vue)
que je prendrai peut-être, s’il reste de la place.
Car
on doit emporter aussi quelques cadeaux à distribuer (pris deux
bouquins peu épais, un cd et un dvd, et
quelques petites nourritures terrestres de la région)
à la foule qui ne manquera de nous suivre le long de la route (nous
en sommes les nouveaux GÉANTS) et de nous acclamer ici et là, car
nous
devons
faire l’advocacy des bibliothèques. Ben oui, on parle autant franglais à
Cyclo-biblio que dans le quotidien Libération.
Le mot promotion est nettement moins prestigieux qu’advocacy, dont
je n’avais jamais jamais entendu parler avant ce voyage et les
mails qui l’ont précédé (un mot qui semble utilisé aussi en
médecine, il est vrai que tous les congrès internationaux sont en
anglais !).
Bon,
tout ça n’est que broutilles. Je sens que je vais découvrir une
nouvelle langue de bois et qu’il va falloir m’adapter. Mais c’est
aussi pour ça que je me suis inscrit. Serai-je le seul retraité ?
Probable. Ça va m’amuser d’écouter nos jeunes
bibliothécaires-pédaleurs (ne l’étais-je pas moi-même
naguère ?), de les voir manier des concepts nouveaux, d’essayer
de comprendre
l’état
des lieux de la bibliothèque nouvelle (le mot médiathèque semble
déjà presque
dépassé).
Que
vais-je bien pouvoir leur apporter, à
mes camarades jeunots ?
De la même manière que j’ai eu l’impression, entre mon enfance
campagnarde landaise et mon départ à la retraite d’être passé
du Moyen âge au XXIème siècle, je vais sans doute avoir
l’impression, depuis mes débuts en bibliothèque (en 1960 tout de
même, à Mont de Marsan, en tant qu’usager) de passer des "Assis"
de Rimbaud (cf son poème du même titre où il se moque férocement
des bibliothécaires de Charleville : "Ces vieillards
ont toujours fait tresse
avec leurs sièges / - Oh ! ne
les faites pas lever
! C'est le naufrage...")
aux "geek-thécaires" actuels, toujours en avance sur leurs
usagers, toujours
à la pointe de l’innovation, de
peur sans
doute d’être
à la traîne. Je
revois encore ma vieille amie Monique R., condisciple à l’école
nationale supérieure des bibliothèques, qui me disait déjà, quand
je suis allé lui rendre visite à Lille en 1988 : « Nous voilà
transformés en bibliothécaires presse-boutons ! ».
Un
des derniers exemples est le changement de logiciel du site de la
Médiathèque de Bordeaux. Le précédent était très simple. Mais
pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué (c’est un peu
comme le site des impôts) : résultat, la moindre recherche
demande des plombes [je
viens d’y jeter un œil, j’ai l’impression que l’ancien
système est revenu, z’ont dû recevoir des plaintes, ou alors j’ai
fait un cauchemar et j'aurai rêvé le nouveau logiciel].
C’est
sans doute voulu. Ça me rappelle, quand je travaillais en
Guadeloupe, le bibliothécaire de Sainte-Anne. C’est la seule
tournée à laquelle je participais ; il ne classait pas les
livres, car son point de vue était le suivant : « il faut que
le lecteur cherche » ! Moyennant
quoi, il avait largement le temps, en Don Juan qu’il était,
d’admirer les formes suggestives des lectrices qui, effectivement,
cherchaient, et de nouer avec celles qui lui plaisaient des intrigues prometteuses ! Résultat :
les livres de la bibliothèque départementale, il fallait aller les
dégoter nous-mêmes, noyés au milieu des livres appartenant à la
Commune. On les retrouvait quand même assez vite, car notre
étiquetage n’était pas le même, mais tout de même ! Jamais
pu lui faire comprendre l’intérêt du classement alpha-numérique.
Bref,
je me prépare. Comme je vais faire un trajet train + vélo, j’ai
intérêt à rester léger. Parce qu’il faut chaque fois hisser le
vélo dans le train, l’accrocher en hauteur, récupérer le sac à
dos (qu’une
voiture-balai transportera pendant nos étapes),
j’en aurai un deuxième plus petit pour la journée, et que je n'ai plus vingt ans. J’ai fait
réviser le vélo. Le cycliste a
été révisé aussi,
je me suis même fendu de l’achat d’un brassard tensiomètre
(mais je ne l’emporterai pas), car les tensiomètres de poignet
sont trop peu fiables, je suis allé à l’assurance vérifier que
mon assurance peut assurer le rapatriement, etc.
Ma
seule angoisse, c’est le peloton ; je n’ai jamais roulé en
peloton, préférant le vélo solo ou à deux. Je pense que je me
mettrai à l’arrière. Ce sera plus prudent, non seulement pour
moi, mais aussi pour les autres. Et
vogue le vélo !
PS : pendant quinze jours, pas de nouvelles pages sur le blog !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire