Vous
allez demander : et où sont les lilas ?
(Pablo
Neruda, L’Espagne au cœur)
À
marquer d’une pierre blanche : j’ai pu enfin aller au
cinéma en 2017. Je n’y étais pas retourné depuis avant Noël
2016. En dehors de mes voyages en cargo, un tel délaissement du
cinéma est assez rare, puisque j’y vais au moins deux à trois
fois par semaine, et souvent pour voir plusieurs films à la suite,
habitude que j’ai prise (non sans mal) dans les festivals de
cinéma !
J’avoue
n’avoir que peu d’intérêt pour les films biographiques, sauf
lorsqu’ils offrent un point de vue de vue sur le personnage :
ex. : La prise du pouvoir
par Louis XIV,
de Rossellini,1967).Ici,
ce qui m’a plu, c’est que le
film ne décrit qu'un
épisode de la vie de Neruda,
en 1948 : sa
fuite en Argentine,
pour
échapper à
l’arrestation de tous les communistes et syndicalistes chiliens
ordonnée par le gouvernement de droite dirigé par Gabriel González
Videla (précurseur
de Pinochet, je n’en sais rien, en tout cas, à la remorque des
USA ou sur leur ordre, comme toujours en Amérique latine, encore aujourd'hui, où les USA étranglent le gouvernement vénézuelien, coupable d'indocilité).
Ce
qui m’a diantrement intéressé, c’est que le sénateur Neruda
est
poursuivi par un policier
obstiné, l’inspecteur
(ou commissaire, on ne sait pas trop)
Oscar Peluchonneau (joué par l'excellent Gabriel
García
Bernal), dont
on subodore qu’il n’existe que dans l’esprit de Neruda :
il est décrit par un autre personnage comme "À moitié
abruti, à moitié con."
Peluchonneau, l'homme à la moustache = le policier traqueur
Avis
aux admirateurs de Neruda (mais on sait que pour tous les écrivains,
l’homme et l’œuvre sont deux choses parfois éloignées) :
le Neruda,
défenseur du peuple et des travailleurs, en
prend un coup.
On
le voit participer à des partouzes et fréquenter assidûment les
bordels, il
se montre comme un monstre d’égoïsme et de satisfaction. Mais
pourquoi vouloir en faire un saint ?
Simplement,
on est ici dans la subjectivité du policier,
anticommuniste primaire.
Peluchonneau est aussi
bien
une invention de Neruda, que le
Neruda
décrit par Peluchonneau n’est que l’invention
d’un flic
assez
réactionnaire (mais
qui cependant a lu Neruda) (et peut-être invention de Neruda
lui-même, décidé à déboulonner sa propre statue),
et
qui espère être celui
qui arrêtera le
communiste le plus recherché
de son pays. Au fond, Neruda eut été ravi d'être arrêté !
On
est donc dans un film en trompe-l’œil,
en miroir, en abyme, donc dans un récit complexe qui demande la
réflexion du spectateur. Sans être dans l'enthousiasme absolu, je suis allé
jusqu’au bout, et ça m’a tout bonnement donné envie de relire
Neruda, notamment le Chant
général
(Canto
general), que je n'ai lamais lu, et
dont les poèmes très virulents apparaissent dans le film ! On
comprend comment les fachos de l’époque ont tenté d’éliminer un tel poète,
car, visiblement, le peuple chilien prenait goût à ses poèmes !
Comme tout écrivain, même si j'en suis un très modeste, je passe mon temps dans la vie à imaginer la vie des personnes que je rencontre ou que je côtoie : c'est dire que si ce film m'a intéressé (j'ai préféré presque tous les autres films de Pablo Larrain que j'ai vus), c'est par ce point de vue de l'écrivain qui est au centre du film !
Comme tout écrivain, même si j'en suis un très modeste, je passe mon temps dans la vie à imaginer la vie des personnes que je rencontre ou que je côtoie : c'est dire que si ce film m'a intéressé (j'ai préféré presque tous les autres films de Pablo Larrain que j'ai vus), c'est par ce point de vue de l'écrivain qui est au centre du film !
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