le
bonheur, c’est autre chose. Il ne se voit pas tout de suite aux
yeux des hommes, comme le bien-être aux fenêtres des maisons. Il ne
se voit qu’à la longue, il ne se voit pas souvent, il ne se voit
presque jamais.
(Octave
Mirbeau,
La 628-E8,
Fasquelle, 1907)
J’attendais
beaucoup de ce film, La
la land :
la résurrection d’un genre que j’affectionne énormément, le
musical américain. Le rendez-vous avec le genre sera pour une autre fois. Oh, le film ne
démérite pas totalement. Il y a même deux belles scènes, celle du
début, sur l’autoroute surchargée, le ballet des automobilistes
immobilisés, et à la fin, la scène onirique du ballet "parisien"
sur fond de toiles peintes (hommage à Vincente Minnelli et à Tous
en scène
et Un
Américain à Paris,
aussi bien qu’à Jacques Demy et aux Demoiselles
de Rochefort).
Entre les deux, je me suis copieusement barbé, j’ai bâillé x
fois à me décrocher la mâchoire. La faute à quoi ?
D’abord
un scénario assez faible, ensuite des personnages trop peu
caractérisés pour qu’on s’y intéresse, une action assez
mollassonne, des chansons trop rares (et qu’on ne retient pas) et
des parties dansées globalement insuffisantes. Il ne suffit pas de
faire bouger la caméra pour donner l’illusion de la danse. Il faut
aussi un chorégraphe derrière. Et puis, les deux acteurs principaux
sont très peu charismatiques : c’est simple, Emma Stone a un
air de Marion Cotillard, qui n’a jamais brillé par son charisme,
et Ryan Gosling se demande parfois ce qu’il fait là, surtout quand
il chante. Et, comble de disgrâce pour une comédie musicale, l’histoire d’amour finit en eau de boudin.
Il
ne suffit pas de faire allusion à James Dean (les héros vont au
cinéma voir La fureur de vivre) pour que ça donne
aux deux acteurs l’aura (qu'avaient James Dean et Natalie Wood dans ce film) nécessaire à faire vivre leur histoire dans La la land. On retiendra tout
de même la mise en espace des scènes de cabaret et l’hommage au jazz. Dommage, j’aurais
bien aimé dire du bien de ce film qui a un succès phénoménal.
Mais on sait que les Français, qui n’ont jamais aimé les
chefs-d’œuvre du "musical" américain au moment de leur sortie (peut-être tout simplement à cause des sous-titres à lire), ont commencé à
faire un triomphe à certains films musicaux à partir de West
side story, qui en fut le chant du cygne, et ont exulté devant La fièvre du
samedi soir ou Flashdance, qui en signaient l’arrêt de
mort sur le plan esthétique.
La
faute incombe ici à une musique trop peu entraînante, à l’absence de chansons
que l’on a plaisir à fredonner, à la carence de la chorégraphie, au manque de
gaieté, d’émotion, et surtout de goût du bonheur, tous
ingrédients indispensables dans le genre si l’on songe aux
réussites que furent Chantons sous la pluie, Un jour à
New York ou Brigadoon ? Je ne sais pas :
j’attendrai cependant avec impatience le prochain film de Damien
Chazelle, en lui souhaitant d’avoir un scénario plus consistant,
et de faire appel à des chorégraphes confirmés et inventifs, à
des acteurs et chanteurs plus envoûtants et porteurs de la grâce
indispensable dans le genre.
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