Depuis
un siècle, en France, aucun reniement à gauche n’égale celui de
François Hollande en deux ans et demi.
(Jean-Luc
Mélenchon, L'ère du peuple, Fayard, 2014)
« La
gauche peut mourir », nous annonce l'ineffable Manuel Valls,
qui se charge de la faire crever avec une constance incroyable, et
avec rapidité : à mon avis, elle n'existera plus après le
quinquennat Hollande, comme elle n'existe plus en Angleterre, après
les années blairistes. Comme nous l'indique Jean-Luc Mélenchon dans
son bel essai L'ère du peuple, qui vient de paraître,
"je
suis sidéré : je n'aurais jamais cru qu'il [Hollande]
trahirait ses électeurs aussi vite, aussi grossièrement, aussi
totalement". Il est vrai que
je ne suis pas aussi naïf que d'aucuns le prétendent, et je
n'attendais pas grand-chose de cet énarque. Résultat, il est de
plus en plus difficile de "faire
la différence entre notre idéal [celui de la gauche, si le mot a un
sens] et la supercherie qui gouverne en son nom"
aujourd'hui, et de plus en plus de gens disent : « gauche et droite, c'est pareil ! »
Jean-Luc
Mélenchon, en quelques chapitres sobres et éclairants, nous rend
compte de la difficulté qu'il y aura à sortir du marasme qui nous
attend, attisé par "l'infinie
cupidité des puissants, la perversité de l'égoïsme édicté en
norme suprême dans tous les domaines, la folie du fanatisme
religieux qui dilapide l'énergie de masses immenses", par
ce qui est devenu notre nouvelle norme en matière de politique
étrangère, "la servile
allégeance aux États-Unis d'Amérique et à leur dangereuse
politique impériale", par
l'oubli de la « dette écologique » qui, d'année en
année nous fait consommer de plus en plus tôt ce que la planète
est en état de reconstituer. Il
nous rappelle que non, nous n'avons pas les mêmes valeurs que les
USA : pratique de la torture (Guantanamo), prisons secrètes (en Pologne, et ailleurs), peine de mort, refus de signer
la Convention d'interdiction des mines anti-personnel, de ratifier la
Convention sur la Cour pénale internationale, la Convention
internationale des droits de l'enfant, celle concernant
l'utilisation des armes bactériologiques, celle de l'ONU sur la
biodiversité, le Protocole de Tokyo de lutte contre l'effet de
serre, etc.
L'auteur nous rappelle que
l'enjeu d'aujourd'hui est de "relever
le défi du cataclysme qui s'avance sur la civilisation humaine",
et que ce défi majeur est écologique.
Il attend donc un sursaut du "peuple,
c'est-à-dire [de la]
multitude quand elle devient citoyenne". Beau
programme, mais qui me semble difficile à mettre en route, car ça
supposerait que notre humanité
soit capable
"de s'arracher à
l'envoûtement des injonctions publicitaires et du harcèlement
idéologique, qui lui fait aimer la main qui la frappe et adhérer
avec enthousiasme à un mode de vie absurde fait de besoins
insatiables". On
a donc du pain sur la planche : mettre en œuvre une politique de
l'intérêt général, au lieu de celle qui consiste comme
aujourd'hui à appliquer les consignes de l'oligarchie financière ;
sortir de notre système de productivisme outrancier et de
l'idéologie consumériste qui le sous-tend ; repenser l'utilité
sociale de la production, des manières de consommer ;
réorganiser l'économie en
fonction des besoins réels ;
prendre en compte de manière
pérenne le défi écologique (ne pas consommer plus que ce que la
planète peut reconstituer), etc...
Faute
de quoi le capitalisme, comme toujours, avec son avidité insatiable
de profits, nous poussera tous à en sortir par la guerre
généralisée, qui se profile déjà largement à l'horizon dans plusieurs parties du monde.
Mélenchon en appelle donc à la révolution citoyenne et à un
sursaut du « peuple », tel qu'il l'a défini. Le seul
hic, c'est peut-être que c'est un peuple introuvable. Son livre fera
peut-être réfléchir quelques-uns : mais y a-t-il encore des
lecteurs pour autre chose que les gaudrioles de Mme Trierweiler ?
Il m'a fallu chez Mollat demander à un employé du rayon
« politique » s'ils avaient L'ère du peuple,
que je ne trouvais pas : il était bien caché derrière des tas
de piles de livres d'un intérêt douteux, mais sans doute plus
vendables...
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