mercredi 24 avril 2024

24 avril 2024 : Ah l le smartphone 9 : il m'a tuer !

 

Ulysse […] n’est guère obsédé par cette ritournelle du XXème siècle : « Le monde change ! Il faut l’accepter ! » Dans la pensée antique, on ne s’inflige pas ce pensum formulé par Hannah Arendt : « la dégradation obligatoire d’être de son temps ».

(Sylvain Tesson, Un été avec Homère, Éd. Des Équateurs, 2018)



Comme Sylvain Tesson et Hannah Arendt ont raison ! Cette injonction d’être de son temps, comme presque toutes les injonctions d’ailleurs, est insupportable. Et plus je vieillis, moins j’en ai envie. On n’a pas renoncé aux injonctions religieuses pour succomber aux injonctions commerciales : ou alors, la consommation est devenue la nouvelle religion ! À voir la foule compacte dans la rue Sainte Catherine de Bordeaux et le peu de monde dans les église ou les temples, j’en serai presque convaincu. Quand je dis à certaines personnes que je n’ai jamais mangé un burger ni un kebab de ma vie, ni chez Macdo, on me dit : « Mais comment tu fais ! » Quand les jeunes du quartier me voient avec mon vieux vélo (acheté d’occase et recyclé), ils me disent : « Monsieur, quand est-ce que vous allez vous mettre au vélo électrique ? », je réponds : « peut-être que quand je n’aurai plus d’énergie musculaire, j’essaierai l’énergie nucléaire. » En fait, je ne le ferai pas, car dans ce monde où il faudrait se modérer sur le plan énergétique, je veux montrer l’exemple. Et tant pis si c’est désuet, à la fois un vieux vélo et montrer l'exemple.
                                                            le "vieux" vélo 
C’est aussi pour ça que j’ai reculé le plus possible de me mettre au smartphone ; je n’en voyais pas l’intérêt, et maintenant que j’en ai un, je n’en vois toujours pas. Et même ça va entraîner mon vieillissement prématuré par le stress permanent qu’il me procure : il faudrait à tout instant que je l’ai dans ma poche, que je réponde instantanément quand ce petit instrument me siffle, que je sois en permanence connecté grâce à ce machin, alors que justement je ne le désire pas. Une amie me disait que, justement, quand elle était en vacances, elle ne souhaitait absolument que l’on sache où elle était. Moi, c’est pareil, je n’ai jamais été aussi heureux, ni aussi détendu, que pendant mes nombreuses randonnées à vélo (seul ou avec Claire pendant les étés 1981 et 1982), en montagne, en cargo (où ça ne me coûtait pas de rester jusqu’à trois mois totalement hors du monde et où jamais je n’ai eu la moindre velléité de téléphoner !).
Par contre je suis beaucoup plus stressé, depuis que je possède ce phénomène. Au point où je me suis inscrit le mois prochain à un stage de bien-être : la première étape sera de ranger le bidule dans ses affaires et de ne pas y toucher pendant quatre jours. Tant mieux. Deux épisodes récents m’ont montré à quel point le smartphone m’a tuer comme était écrite sur le mur une accusation à Nice il y a quelques années.
Avant mes déplacements à Poitiers, Vannes et Toulouse, j’avais de la famille chez moi ; ils repartaient le jeudi matin 4 avril. J’ai donc sorti ce jour-là à 7 heures du matin le smartphone de ma chambre où il avait dormi en mode avion (pour ne pas recevoir des SMS intempestifs en pleine nuit comme ça m’était arrivé une fois) et je l’ai rangé, mal réveillé, dans ma veste rouge dans le cellier. Sauf que mon beau-frère avait placé lui aussi une veste d’à peu la même couleur rouge. Après déjeuner, j’ai pris mon vélo pour faire une course. Quand je suis rentré, ils étaient partis. Deux heures plus tard, mon autre sœur, Maryse, qui était chez moi, reçoit un coup de téléphone : mon beau-frère avait trouvé un smartphone, ne serait-ce pas celui de JP par hasard ? Je vais farfouiller dans mes poches du blouson, effectivement il n’y était pas ! Ils proposent de le rapporter le lendemain vendredi puisque je partais le samedi. J’ai eu beau rétorquer que je n’en aurais pas besoin, ils n’en démordaient pas et sont venus gentiment le rapporter (100 km quand même !).
J’avais donc mon smartphone quand je suis arrivé en Bretagne. Tout alla bien jusqu’au jour du départ, le jeudi 11. En l’attrapant dans la poche de mon blouson (noir cette fois) où il avait passé la nuit en mode avion, j’ai dû appuyer sur un des boutons extérieurs. Résultat, l’image était hyper agrandie, je ne pouvais la faire bouger et je n’avais pas accès à la ligne du code pin et au clavier qui le suit sur l’écran. Je veux l’éteindre, impossible ! J’ai pris mon mal en patience jusqu’à Nantes où heureusement j’avais deux heures de battement, et non loin de la gare, il y avait une galerie commerciale au Centre Leclerc, avec des boutiques de téléphonie mobile. L’employé d’Orange ouvre la partie arrière du smartphone et me dit : « c’est un Bouygues, allez à leur boutique, elle est là-bas. » l’employé de Bouygues ouvre le smartphone, enlève la carte sim et une autre carte, les replace, et me dit : « Maintenant, ça marche, entrez votre code ! » Je le fais, heureusement que j’avais 600 m de marche pour me détendre avant de reprendre l’autocar !
J’ai pensé que cet engin diabolique sait que je lui voue une haine féroce et n’est pas près de finit de m’embêter. J’ai presque envie, lors de mes prochains voyages, de ne pas l’emporter, ce qui serait un comble dans notre monde de communication instantanée perpétuelle. Si seulement les cabines téléphoniques existaient encore, pensais-je avec mélancolie... Mais y a peut-être de l'espoir : cf le site https://www.carenews.com/carenews-info/news/reinstaller-des-cabines-telephoniques-en-france-le-pari-original-de-telecoop-et

 

 

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