samedi 18 octobre 2014

18 octobre 2014 : transition énergétique bis : les parents n'en peuvent plus !



je pense aux artistes – ils ne sont pas si nombreux – qui nous aident par leur art à refuser la vitesse et à savourer le temps au lieu de le tuer.

(Jean Collet, Petite théologie du cinéma : [entretiens avec Michel Cazenave], Éd. du Cerf, 2014)



Lu dans un quotidien très populaire, il y a huit jours, le titre suivant : LES PARENTS N'EN PEUVENT PLUS ! 
 Il s'agissait bien sûr, dans cet article, de fustiger sévèrement le nouveau système de l'école, et les problèmes de garde ou d'animation des enfants hors du temps scolaire. Pas une seconde, on ne s'interrogeait sur le fait que les parents ont un rôle important à jouer hors de l'école. Or, le vrai problème est là. La société actuelle a tellement englué tout le monde dans une espèce de sauce à laquelle personne ne saurait échapper, que personne ne se demande s'il ne faudrait pas revoir d'abord certains comportements.

En premier lieu, est-ce raisonnable de ne pas s'occuper de ses enfants, quand ils sont tout petits et de les abandonner devant des écrans (télévision, jeux vidéo, ordinateur, smartphone même, et j'en oublie sans doute) comme si ces médiums froids pouvaient éduquer. Outre que dans une période de transition énergétique, toutes ces machines sont extraordinaires gourmandes en énergie, les enfants ont d'abord besoin d'attention, de présence réelle (et non pas virtuelle, comme tous ces engins), de parole, d'apprentissage du goût, que seuls peuvent leur apporter les adultes proches : parents, grands-parents, oncles et tantes, amis... L'école ne peut en aucun cas y suppléer, comme n'y supplée absolument pas l'écran, quel qu'il soit. Et après, on s'étonne qu'il y ait tant d'enfants qui manquent d'attention, qui sont distraits, dont le vocabulaire et la capacité d'écoute sont réduits, et qui sont enclins à la violence, très jeunes.

Par ailleurs, les enfants d'aujourd'hui ne marchent plus guère : on les emmène à l'école en voiture, on va faire les courses (et on les y emmène, comme si c'était éducatif !) en voiture, on part en promenade le dimanche en voiture, on les habitue quasiment au refus de la marche à pied, qui est pourtant la caractéristique principale de nous autres, êtres humains. On en fait des êtres à quatre roues, habitués à la vitesse et à la grosse consommation d'énergie que cette dernière suppose. Bref, si les parents n'en peuvent plus, c'est qu'il ont fabriqué des enfants énergivores, et loin de nous avancer vers une prétendue transition énergétique – à laquelle d'ailleurs personne ne croit ! – on s'avance vers une demande en énergie de plus en plus importante.

Nos enfants ne savent quasiment pas ce que c'est que l'hiver, et ils se promènent en toute saison en tee-shirt à l'intérieur des maisons ou des appartements : chauffage insensé dévoreur d'énergie, comme si on ne pouvait pas mettre des pulls en hiver, et chauffer raisonnablement ! Nos enfants sont habitués à se changer tous les jours, quand ce n'est pas plusieurs fois par jour, dès qu'un vêtement a été sali : lavage insensé dévoreur d'énergie (et d'eau, qui manquera peut-être avant la pénurie d'énergie), comme si tout cela était indispensable ! Ah oui, ils sont d'une propreté incroyable, car dès qu'ils se sont un tant soit peu salis en jouant, « va te nettoyer », susurrent les parents ; et hop, à la douche (parfois plusieurs fois par jour), encore une dévoreuse d'énergie (car il faut en effet chauffer l'eau, pourtant bientôt rare). Etc, etc.

Et je ne parle pas des débauches de lumière, allumée dans toutes les pièces de l'habitation et rarement éteintes, des musiques (?) invraisemblables qui leur sont déversées dans les oreilles (faut croire que ça marche tout seul, ces engins-là, et que ça n'a pas besoin d'énergie !), car ils ont des écouteurs dès le plus jeune âge, des quantités inimaginables de « jouets » et objets de toute sorte qu'ils possèdent, comme si ça remplaçait l'attention qu'on ne leur donne pas.

Ohé, les parents ! Quand leur parlez-vous, à vos enfants ? Quand êtes-vous avec eux ? Savez-vous éteindre la sacro-sainte télé pour jouer avec eux, pour leur raconter des histoires (c'est quand même autre chose que les dessins animés affligeants des chaînes thématiques), pour goûter, marcher, courir, sauter avec eux ? Bref, pour jouer votre rôle de parents... En paraphrasant Marguerite Duras qui disait ces mots en parlant des amants, je dirais que les parents "se « voyaient » avant, ils avaient une expression à quoi on les reconnaissait, commune, qui était celle de la coïncidence d'un étonnement réciproque devant l'existence de leur amour" pour leurs enfants. "Maintenant, c'est frappant, cela se voit, ils n'ont plus rien en commun qui se voit".

Triste époque... Il est temps que je tire ma révérence !

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