je
pense aux artistes – ils ne sont pas si nombreux – qui nous
aident par leur art à refuser la vitesse et à savourer le temps au
lieu de le tuer.
(Jean
Collet, Petite théologie du cinéma : [entretiens avec
Michel Cazenave], Éd. du Cerf,
2014)
Lu
dans un quotidien très populaire, il y a huit jours, le titre
suivant : LES PARENTS N'EN PEUVENT PLUS !
Il
s'agissait bien sûr, dans cet article, de fustiger sévèrement le
nouveau système de l'école, et les problèmes de garde ou
d'animation des enfants hors du temps scolaire. Pas une seconde, on ne
s'interrogeait sur le fait que les parents ont un rôle important à
jouer hors de l'école. Or, le vrai problème est là. La société
actuelle a tellement englué tout le monde dans une espèce de sauce
à laquelle personne ne saurait échapper, que personne ne se demande
s'il ne faudrait pas revoir d'abord certains comportements.
En
premier lieu, est-ce raisonnable de ne pas s'occuper de ses enfants,
quand ils sont tout petits et de les abandonner devant des écrans
(télévision, jeux vidéo, ordinateur, smartphone même, et j'en
oublie sans doute) comme si ces médiums froids
pouvaient éduquer. Outre que dans une période de transition
énergétique, toutes ces machines sont extraordinaires gourmandes en
énergie, les
enfants ont d'abord besoin d'attention, de présence réelle (et non
pas virtuelle, comme tous ces engins), de parole, d'apprentissage du goût,
que seuls peuvent leur apporter les adultes proches : parents,
grands-parents, oncles et tantes, amis... L'école ne peut en aucun
cas y suppléer, comme n'y supplée absolument pas l'écran, quel
qu'il soit. Et après, on s'étonne qu'il y ait tant d'enfants qui
manquent d'attention, qui sont distraits, dont le vocabulaire et la
capacité d'écoute sont réduits, et qui sont enclins à la
violence, très jeunes.
Par
ailleurs, les enfants d'aujourd'hui ne marchent plus guère : on
les emmène à l'école en voiture, on va faire les courses (et on
les y emmène, comme si c'était éducatif !) en voiture, on part en
promenade le dimanche en voiture, on les habitue quasiment au refus
de la marche à pied, qui est pourtant la caractéristique principale
de nous autres, êtres humains. On en fait des êtres à quatre
roues, habitués à la vitesse et à la grosse consommation d'énergie
que cette dernière suppose. Bref, si les parents n'en peuvent plus,
c'est qu'il ont fabriqué des enfants énergivores, et loin de nous
avancer vers une prétendue transition énergétique – à laquelle
d'ailleurs personne ne croit ! – on s'avance vers une demande
en énergie de plus en plus importante.
Nos
enfants ne savent quasiment pas ce que c'est que l'hiver, et ils se
promènent en toute saison en tee-shirt à l'intérieur des maisons
ou des appartements : chauffage insensé dévoreur d'énergie,
comme si on ne pouvait pas mettre des pulls en hiver, et chauffer raisonnablement ! Nos enfants
sont habitués à se changer tous les jours, quand ce n'est pas
plusieurs fois par jour, dès qu'un vêtement a été sali :
lavage insensé dévoreur d'énergie (et d'eau, qui manquera
peut-être avant la pénurie d'énergie), comme si tout cela était
indispensable ! Ah oui, ils sont d'une propreté incroyable, car
dès qu'ils se sont un tant
soit peu
salis en jouant, « va te nettoyer », susurrent
les
parents ; et hop, à la douche (parfois plusieurs fois par
jour), encore une dévoreuse d'énergie (car il faut en effet
chauffer l'eau, pourtant bientôt rare). Etc, etc.
Et
je ne parle pas des débauches de lumière, allumée dans toutes les
pièces de l'habitation et rarement éteintes, des musiques (?)
invraisemblables qui leur sont déversées dans les oreilles (faut
croire que ça marche tout seul, ces engins-là, et que ça n'a pas
besoin d'énergie !), car ils ont des écouteurs dès le plus jeune
âge, des quantités inimaginables de « jouets » et
objets de toute sorte qu'ils possèdent, comme si ça remplaçait
l'attention qu'on ne leur donne pas.
Ohé,
les parents ! Quand leur parlez-vous, à vos enfants ?
Quand êtes-vous avec eux ? Savez-vous éteindre la sacro-sainte
télé pour jouer avec eux, pour leur raconter des histoires (c'est
quand même autre chose que les dessins animés affligeants des
chaînes thématiques), pour goûter, marcher, courir, sauter avec eux ?
Bref, pour jouer votre rôle de parents... En paraphrasant Marguerite
Duras qui disait ces mots en parlant des amants, je dirais que les
parents "se
« voyaient » avant, ils avaient une expression à quoi on
les reconnaissait, commune, qui était celle de la coïncidence d'un
étonnement réciproque devant l'existence de leur amour"
pour leurs enfants. "Maintenant,
c'est frappant, cela se voit, ils n'ont plus rien en commun qui se
voit".
Triste
époque... Il est temps que je tire ma révérence !
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