mercredi 8 juin 2011

8 juin 2011 : père et fils

Mais nous devons continuer à faire ce que nous aimons par-dessus tout comme si c'étaient les illusions de l'humanisme qui étaient réelles, et les réalités du nihilisme qui se révélaient être un cauchemar.
(Cyril Connolly, Ce qu'il faut faire pour ne plus être écrivain)

Et il faut répéter combien c'est difficile d'être père, et que tout le monde n'est pas fait pour ça. Deux films actuellement traitent du problème de la paternité, ou plus exactement, de la recherche du père par un garçon. Trois même en comptant The tree of life, que je n'ai pas vu.
 
Monsieur Papa raconte l'histoire de Marius, élevé seul par sa mère Marie (Michèle Laroque, excellente), femme d'affaires à la poigne de fer, mais qui ne sait pas comment s'y prendre avec ce fils qu'elle a eu par le hasard d'une nuit (et dont elle ignore qui est le père !), et de toute façon, elle n'a pas le temps de lui parler, de s'occuper de lui. Le gamin fantasme sur son père. Pour expliquer sa longue absence, sa mère lui a dit que c'était un aventurier, qui était allé en Afrique, en Amazonie, etc., et bien entendu, Marius est fasciné par ce père étrange et voyageur. Et il commence a accumuler les mauvaises notes en classe, voire les bêtises. Marie pense que ce serait bien que Marius rencontre son père, enfin, un père de substitution, et elle tombe sur Robert (Kad Merad, trop gentil, mais l'imagine-t-on dans un rôle de méchant ?), un type qui a été viré de la boîte, qui survit en faisant du repassage à domicile, et qui a besoin d'argent. On va lui faire jouer ce rôle de père. Bien sûr, à aucun moment, Marius ne croira que c'est son père, mais il fera lui aussi semblant. Et, en plus, Robert est drôle, il lui fait vivre une autre vie, il habite en cité et il entraîne les gosses du quartier au rugby le mercredi après-midi : Marius, jusque-là réfractaire au sport, s'y met pour de bon. Bref, Marius adopte ce père prétendu. Je ne raconte pas la fin, mais on est ici dans la tendresse, pour ne pas dire dans la sucrerie et l'excès de bons sentiments, avec des personnages un peu trop linéaires. J'ai apprécié tout de même les bons moments de la vie dans la cité.
Le gamin au vélo, lui, est d'une tout autre tonalité. Ici, plus de sucrerie, plus de fadaises, on est dans le monde dur de l'enfance abandonnée. Cyril en effet vit dans un centre spécialisé d'aide aux enfants en difficulté, où l'a placé son père. Jusque-là, il était élevé par sa grand-mère, mais au décès de cette dernière, le père n'a plus eu qu'une idée, se débarrasser de l'enfant. Cyril, bien entendu, croit que c'est provisoire, et il cherche à tout prix à joindre le père, au téléphone d'abord, mais il a déménagé et on ne sait pas où il est, il va jusqu'à fuir le collège pour retrouver l'appartement où ils habitaient, pour constater effectivement, qu'il est vide. Cyril cherche surtout son vélo, dont il ne peut pas croire que son père l'a vendu (on a dû le voler), et qui lui est rapporté par une coiffeuse, Samantha, qui se propose pour accueillir Cyril le week-end. Comment Cyril va retrouver son père (et finalement comprendre que c'est fini entre eux) et adopter Samantha (Cécile de France, rayonnante), faire la connaissance du Mal en la personne d'un malfrat à peine plus âgé que lui, vous le saurez en voyant ce film brûlant d'amour (ce que recherche Cyril, à travers son énergie, ses colères, son air buté, c'est une reconnaissance, c'est être aimé), chaleureux et tendre aussi, où alternent les scènes en solo (le gamin sur son vélo) et les scènes à deux ou à plusieurs, souvent paroxystiques. Une magnifique scène de balade à vélo réunit Samantha et Cyril le long de la Meuse, sous un ciel d'été lumineux. Et, de temps en temps, quand c'est trop dur, quelques notes du Concerto pour piano n° 5 l'Empereur, de Beethoven, nous font entrevoir une issue plus paisible. Un splendide film sur le bien et le mal : personne n'est entièrement blanc (sauf peut-être Samantha dans son dévouement exemplaire) ni noir (le petit voyou, Wes, par exemple, qui se sert de Cyril pour tendre un piège, se montre très humain avec sa grand-mère impotente et tombée du lit).
À noter aussi parmi les nouvelles sorties au cinéma, un terrifiant documentaire sur les déchets nucléaires, Into eternity, qui fait froid dans le dos. Les générations futures ne sont pas sorties de l'auberge, avec ces fameuses centrales et cette énergie qui a de quoi faire peur. J'en reparlerai. Comme chantait le poète québécois Gaston Miron, "Inutile de rebrousser chemin / par des chemins qui hantent les lointains / demain nous empoigne dans le rétroviseur", et j'ai bien peur que ce demain soit déjà aujourd'hui !

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