samedi 29 mai 2010

27 mai 2010 : Jeanne-Marie



Maintenant, je commençais d‘entrevoir que tout peut arriver si on se porte vers les événements et les gens en faisant semblant de n‘avoir peur de rien, en croyant à sa bonne étoile.
(Anne-Marie Garat, Les mal famées)


Journée de repos. Petit déjeuner « anglais » chez Thérèse. Je pars en compagnie de son mari pour Besançon, je laisse mon vélo chez leur fille. Puis je rejoins Christian à la sortie du tunnel pour une journée de balade dans la ville : maisons natales de Victor Hugo et Charles Nodier, quartier Battant, Citadelle, librairie principale, bords du Doubs… Christian, ex-bibliothécaire à Cholet, grâce à quoi nous nous sommes connus, pas revu depuis dix-huit ans, est à peine changé ! Je le trouve fringant. Pas comme moi !
Repas de midi dans un restaurant typique : Assiette comtoise comprenant notamment de la saucisse de Morteau, une espèce d’énorme saucisse fumée et grillée (j’en remangerai aux trois repas suivants, c’est très bon !), accompagnée de cancoillote dans un pot. Je me contente d’en goûter une cuillère, j’ai un haut-le-cœur, ce n’est pas pour moi, je la soupçonne d‘être au beurre, celle-là, et en plus, fondante et tiède, beurk : décidément, toujours mon problème avec les produits laitiers !

Puis en fin d’après-midi, nous allons chez Jeanne-Marie, qui doit m’héberger. Cette amie de Christian est extraordinaire à sa façon. Atteinte de polyarthrite rhumatoïde, depuis sa plus tendre enfance, à la suite de la vaccination contre la variole, elle ne peut pas plier ses genoux, a les mains très déformées, les articulations en compote (elle a deux prothèses aux hanches), et cependant elle marche. Une volonté d’acier l’anime, de croquer la vie par tous les bouts, en dépit des méchancetés de la maladie. On a envie de lui tresser un poème. Elle me rappelle les gitans dont parle María José Martinez dans La place du leïko : « Nous, les gitans on chante parce qu‘on espère la vie, celle qu‘il y a, et on sait que la meilleure vie n‘est possible pour personne. »
ancibure.jpg

Jeanne-Marie virevolte dans son appartement, avec ses yeux dorés et sa voix cristalline. Je n’ose point trop bouger, je voudrais être plante sur son balcon pour qu’elle m’arrose de sa main délicate. Son chat s’étire longuement, on l’imagine féroce, non, il n’est que véloce, œil de velours, pattes de fer, braise de lumière qui fulgure dans l‘appartement. Comme il soigne sa maîtresse ! Et comme il est cajolé en retour !

Je passe une délicieuse soirée avec elle et Christian, et leur ami Georges Bidalot. Ce dernier a aidé Jeanne-Marie à faire ses courses, et mange avec nous. Cet historien de Besançon est très original, voir son site en tapant son nom sur google. Encore un original comme je les aime, et à bas la normativité ! Allan Bloom, dans L’amour et l’amitié, nous le dit : « Devenir homme exige un art que peu possèdent. Si les hommes naturels sont tous semblables, les hommes civilisés sont tous différents. » Acceptons donc les différences ! Jeanne-Marie, comme Georges, comme Christian, chacun à leur manière, vérifient cette assertion, et pratiquement tous ceux que je rencontre ici. Et qui sait, peut-être moi aussi !

Et je dors très bien, sur une méridienne, tandis que Pégase prend le frais sur le balcon, comme chez lui.


Aucun commentaire: