mardi 10 août 2021

10 août 2021 : le poème du mois, Maram Al-Masri

 

Maintenant, partout, dans la rue, au café, je vois chaque individu sous l’espèce du devant mourir […] Et avec non moins d’évidence, je les vois comme ne le sachant pas.

(Roland Barthes, Journal de deuil, Seuil/IMEC, 2009)


Je vous propose aujourd’hui des extraits d’un poème de Maram Al-Masri, Syrienne que j’ai eu la plaisir de rencontrer lors d’une manifestation de la Maison de la poésie de Poitiers, extrait, je crois, de Je te menace d’une colombe blanche (Seghers, 2008). Il peut nous aider à vivre dans cette époque fétide et à conjurer les diverses peurs entretenues pas les médias et la pseudo-information qu'ils délivrent.



 

Le monde d’après

[…] Nous sommes le monde d’avant et nous sommes le monde de maintenant et nous sommes le monde d’après.

Nous sommes la Terre et le ciel.

Les chevaux, les lions, les faucons, les oiseaux sont nos frères.

L’air et la mer sont nos âmes.

Nous sommes les transformateurs et nous sommes les fixes,

Nous sommes les acteurs et des fois les objets.

Le monde avec ses vieux vêtements commence à se déshabiller pièce par pièce et à enfiler ses nouveaux habits de prudence, de peur on ne peut plus prendre les gens dans nos bras ni serrer leur main. Le bonjour reste sur les lèvres comme un oiseau qui a perdu ses ailes. […]

Heureusement, le soleil se lève à chaque aube et le printemps n’a pas raté son arrivée magistrale, l’oiseau et le papillon ont remplacé les bruits des avions et les bruits humains.

Le monde est calme, le silence de l’angoisse plane autour comme un long serpent rapide, il se faufile partout, cruel et brusque,

Et la mort attend pour séparer les êtres et éprouver encore et encore combien nous sommes fragiles. Même si nous faisons semblant d’oublier sa présence.

Le cœur du monde bat, fatigué, effrayé, comme le cœur des déplacés aux frontières, comme les cœurs des enfants sous les bombes de guerre et les frappes de la violence parentale,

Plantes abandonnées qui agonisent de soif.

Quand nous allons comprendre que nous vivons dans la même maison

Et que la sécurité de l’autre nous concerne aussi

Et que nous devons veiller sur les autres car si leurs maisons brûlent la nôtre sera aussi brûlée.

S’ils sont malades nous le serons aussi.

 

Je ferme les yeux et rêve d’un monde meilleur.

De l’air pur, propre, pas de pauvreté,

La richesse répartie équitablement.

Pas de guerre, pas de maladies. Un monde humain fondé sur les valeurs justes et nobles.

Il va nous falloir réviser l’importance relative des choses et que l’humain soit la plus importante.

Il va nous falloir réapprendre à vivre ensemble sur cette Terre. […]

 

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