Beauté douce amère
Beauté éphémère des hommes
Que le temps donne et reprend
Et voleur, le temps s’envole
(Sénèque, Phèdre, trad. Florence Dupont, Actes sud, 2012)
En ce moment, Sylvain Tesson nous tresse "Un été avec Rimbaud" à la radio. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser en voyant ces trois films où des figures d’adolescent irradient. Des films solaires, des films d’été, des tragédies aussi, à l’instar du destin du poète, resté pour moi le poète incandescent de mes seize ans.
Seize ans, c’est peut-être l’âge d’Alex. Les vacances commencent. c’est l’été 85. Il ne sait pas trop ce qu’il va faire : continuer ses études comme le lui suggère son prof de lettres (Melvil Poupaud, méconnaissable), qui lui trouve un petit talent littéraire, ou entrer dans la vie active comme le souhaiterait son docker de père. Sa mère le laisse libre. Ce jour-là, son copain Chris indisponible lui prête son petit voilier. Alex, perdu dans sa musique, se laisse surprendre par l’orage. Peu familier du bateau, il chavire et se retrouve accroché au navire, au bord de la noyade, quand un autre voilier s’approche, dirigé par David, dix-huit ans, qui récupère le naufragé, l’emmène chez sa mère (il est orphelin depuis peu et a repris le travail de son père dans une boutique pour pêcheurs et marins) ; elle le prend en charge, le déshabille, le met dans un bain chaud et lui donne des vêtements usagés de David. David, plus déluré qu’Alex et très libre, trouve le garçon à son goût et le subjugue. le jeune homme tombe amoureux de David qui lui en impose, mais pour qui il n’est guère qu’une expérience de plus. Mais Alex dont c’est la première aventure amoureuse, se révèle possessif et jaloux, croyant au grand amour. Je n’en dis pas plus. Ce n’est pas le meilleur film d’Ozon, mais une belle et tragique histoire sur la force et les difficultés d’un premier amour. Les deux jeunes acteurs sont formidables.
Tout aussi solaire, film de plage également, Madre suit les traces d’Isabel qui a perdu son fils, disparu sur une plage de vacances où il s’était perdu, dix ans auparavant. Elle ne s’en remet pas. Elle a quitté l'Espagne pour s’installer sur la côte landaise là où les traces du gamin se sont perdues, et travaille dans un bistrot près de la plage. Elle pourrait refaire sa vie, est prête à être heureuse de nouveau, et à revenir vers son pays d’origine, l’Espagne. Son amoureux Joseba connaît ses blessures. Mais elle croise Jean, un adolescent de quinze-seize ans, mal dans sa peau et dans sa famille ; le gamin est fasciné par cette femme, avec qui il a plaisir à parler, à rester juste là, à côté l’un de l’autre, à la contempler. Il a l’âge qu’aurait son fils. Elle en est troublée. Et c’est le début de ce qu’on pourrait appeler une histoire d’amour, extrêmement pure à laquelle la société va s’opposer. Les parents de Jean d’abord, qui ne comprennent pas que leur petit Jean a grandi, mais l’amoureux d’Isabel aussi. Film sublime et délicat.
Mozambique
1917. Zacarias, 17 ans, fuyant
des parents qui ne le comprennent pas, s'est
engagé dans le
corps expéditionnaire chargé de défendre la colonie portugaise du
Mozambique contre
les attaques de l'Afrique orientale allemande ; à peine arrivé, le
paludisme le cloue et
sa
compagnie le laisse
dans un hôpital de campagne. Mais
il guérit
et décide, seul (accompagné
de deux "nègres"),
de rejoindre son unité partie guerroyer vers
le lac Nyassa. Commence
alors une odyssée proche
du parcours abyssin de Rimbaud.
Perdu
dans un milieu hostile, luttant contre le froid, la faim, la fièvre,
la solitude, Zacarias
n'est pourtant pas dans une aventure coloniale exotique. Le sujet
du film, c'est
le passage à l'âge d'homme, qui va se faire dans des circonstances
difficiles.
Au
début, il est sensible à la propagande guerrière
et raciste (envers les Africains) ou xénophobe (envers les
Allemands). Mais petit à petit, son
regard change, en particulier
quand
il devra
partager la vie d’un village autochtone, peuplé
uniquement de femmes et d'enfants avec
qui il doit oublier ses préjugés racistes.
Sa
conscience
s'ouvre
sur
le
monde et
quand il arrivera au lac, avec un déserteur allemand dont il est
devenu l'ami, il comprendra l'iniquité de la guerre. Un très beau film.
Trois destins d'adolescents, au seuil de l'arrivée dans l'âge adulte, confrontés à l'impitoyable dureté de l'amour et de la vie.
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