mercredi 1 juillet 2020

1er juillet 2020 : leur suite : "pire qu'avant"


Mentalement je peux placer des bombes dans beaucoup d’endroits : dans un ministère, dans une usine, dans un embouteillage, dans un de ces lieux où on entend de la musique à plein volume.

(Tomas Pérez Torrent, José de la Colina, Conversations avec Buñuel : Il est dangereux de se pencher au-dedans, Cahiers du cinéma, 2006)




Voici un extrait de l’éditorial de François Ruffin dans Fakir n° 93 de mai-juillet 2020 :


Que feront-ils de cette crise ?

Rien.

C’est leur but, que tout reprenne comme avant : « Comment on fait pour redémarrer notre économie au lendemain de cette crise ? » s’interroge le ministre Bruno Le Maire en un couplet connu, refrain automatique, répété par lui et par les siens depuis des décennies : « […] il faut que l’économie puisse redémarrer très fort… Nous avons la capacité de rebondir. Un plan de relance est prévu, et nous y travaillons… pour que, dès que nous serons sortis de la crise, la machine économique redémarre le plus vite possible »

« Rebondir », « relancer », « très fort » et « très vite », mais dans quelle direction ? « Il faudra que la pays reparte », nous dit-on encore, mais vers où ? Le sens n’est jamais énoncé, précisé : cette « machine économique » servira-telle les hommes, la planète ? Ou mènera-t-elle à notre destruction ? Ne pas poser ces questions, c’est déjà y répondre : que ça reparte de l’avant et comme avant, et même pire qu’avant. Car on devine la suite, leur suite, leurs éléments de langage récités en boucle : après ce « choc violent », des « efforts » seront « nécessaires » pour « remonter la pente », point de PIB après point de PIB. Déjà leurs experts nous préviennent : « Il faudra que l’on se retrousse tous les manches pour reconstruire, notre économie », « la seule solution, c’est la croissance, et donc le travailler plus ». Les milliards, les centaines de milliards, versés pour que ça « redémarre », pour que ça « relance », pour que ça « rebondisse », nous devrons les payer par des sacrifices.

Cest un dur chemin de croix qu’on nous annonce, et avec comme résurrection promise, au sommet de notre Mont-Golgotha : la croissance. C’est un calvaire, certes, mais rassurant peut-être, parce que connu, un boulevard emprunté depuis trente ans. Faisons-leur confiance alors : pour un retour à l’identique, tel quel, à des nuances près, ils seront les meilleurs, vraiment. Et pourtant, même les meilleurs, même les petits soldats de l’ENA, n’y parviendront pas. Ce ne sera que reculer devant la catastrophe pour moins bien sauter plus tard.

Le désastre écologique, patent, nous reviendra dans la figure, comme un boomerang, dans dix ans, dans vingt ans, peut-être moins.

Car on le pressent.

On le devine.

On le sait, intimement.


François Ruffin


Moi, comme Bunuel, j’aimerais bien mentalement utiliser une kalachnikov dans beaucoup d’endroits, et me faire un « dîner de têtes ».


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