Lettre
du 28
mai 1967 : Rumine
ça un instant : colonisateur, usurier, foncièrement voleur,
assassin par intérêt, kidnappeur esclavagiste, fabricant de canons,
de bombes et de gaz toxiques, parasite égocentrique, langue
fourchue, cet homme étrange tente de nous faire croire que c'est
nous qui devons nous adapter à ses valeurs, que nous devons
apprendre à lui ressembler davantage ; et que si nous ne le
faisons pas, nous sommes des arriérés, des sous-développés, des
rustres…
(George
Jackson, Les Frères de
Soledad,
trad. Catherine Roux, Gallimard, 1971)
Au
moment où les violences policières, n’en déplaise aux médias et
aux ministres aux ordres, font de notre pays (et en
particulier de
Bordeaux le 8 février dernier) un sol de barbarie, je pense à nos
amis palestiniens de
Gaza et des territoires occupés,
encore plus que nous réprimés, bastonnés, martyrisés,
assassinés
et dans
le meilleur des cas
asservis, et j’ai choisi ce poème écrit là-bas par
un poète
druze
chrétien de Palestine. Avec le patronage de George Jackson, autre martyr de la liberté et de la résistance.
Je
résisterai
Je
perdrai peut-être – si tu le désires – ma subsistance
Je
vendrai peut-être mes habits et mon matelas
Je
travaillerai peut-être à la carrière comme portefaix, balayeur des
rues
Je
chercherai peut-être dans le crottin des grains
Je
resterai peut-être nu et affamé
Mais
je ne marchanderai pas
O
ennemi du soleil
Et
jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je
résisterai
Tu
me dépouilleras peut-être du dernier pouce de ma terre
Tu
jetteras peut-être ma jeunesse en prison
Tu
pilleras peut-être l’héritage de mes ancêtres.
Tu
brûleras peut-être mes poèmes et mes livres
Tu
jetteras peut-être mon corps aux chiens
Tu
dresseras peut-être sur notre village l’épouvantail de la terreur
Mais
je ne marchanderai pas
O
ennemi du soleil
Et
jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je
résisterai
Tu
éteindras peut-être toute lumière dans ma vie
Tu
me priveras peut-être de toute tendresse de ma mère
Tu
falsifieras peut-être mon histoire
Tu
mettras peut-être des masques pour tromper mes amis
Tu
élèveras peut-être autour de moi des murs et des murs
Tu
me crucifieras peut-être un jour devant des spectacles indignes
O
ennemi du soleil
Je
jure que je ne marchanderai pas
Et
jusqu’à la dernière pulsation de mes veines
Je
résisterai
Samih
al-Qasim (1939-2014)
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