lundi 24 février 2020

24 février 2020 : de la jalousie



de deux personnes qui s’aiment, soit d’amour, soit d’amitié, il y en a toujours une qui doit donner son cœur plus que l’autre.
(George Sand, La petite Fadette, Livre de poche, 1973)

Je suis en plein dans « mes femmes écrivains », j’ai emporté dans mon bagage Louise Michel, George Sand, Virginia Woolf, Madame de Lafayette. Et, en fait, c’est surtout George Sand que j’aurai lu1 (études sur, nombreux titres sur ma liseuse, difficiles à trouver dans le commerce) relu (notamment La petite Fadette, un de mes livres d’ado qui m’avait marqué). Et je m’aperçois que si ni Louise ni Virginia ne prennent pour thème la jalousie, par contre chez George, ça arrive assez souvent. Il n’y a donc pas que Marcel Proust à avoir développé cette thématique (lire par exemple La prisonnière et Albertine disparue, deux des volumes de À la recherche du temps perdu qui ne traitent que de ça, mais le thème est omniprésent dans toute la série).


Rappelons ce que raconte La petite Fadette paru en 1840 : les Barbeau, des paysans cossus, ont eu deux jumeaux (dits bessons en Berry), Sylvinet et Landry. Si Landry est costaud, Sylvinet est fragile. Quand ils ont quatorze ans, le père veut en placer un des deux dans une ferme pour apprendre le métier. Les jumeaux tirent au sort et c’est Landry qui s’en va. Sylvinet, tout chagrin, ne s’en console pas. Il disparaît dans la nature. Landry, épouvanté, le recherche avec l’aide d’une petite sauvageonne (Fanchon, dite la petite Fadette) et le retrouve, esseulé, au bord de la rivière. Il le raisonne et Sylvinet rentre penaud à la maison. Mais Landry est tombé amoureux de Fanchon Fadet, et Sylvinet, trop fusionnel avec son jumeau, est victime d’une jalousie maladive : il dépérit. C’est La petite Fadette qui le soigne et tente de le guérir. Il finit par accepter le mariage son frère, mais sitôt après il s’engage dans l’armée, espérant mourir au combat. Ce beau roman campagnard nous montre un jumeau trop aimant son frère et jaloux de ce qui lui arrive, qui finit par en tomber malade.


George Sand reprend ce thème dans Jean de La Roche, un roman plus tardif (1859) et trop peu connu. Ce roman se passe dans le Velay, où l’auteur vient de passer un mois. Le héros, Jean de La Roche, est un jeune aristocrate taciturne, orphelin de père. Sa mère l’envoie un temps à Paris, mais il y mène une vie dissipée et revient penaud. Sa mère songe à le marier et à l’établir, elle lui propose, une jeune Anglaise de seize ans, Miss Love (Amour), qui s’est installée non loin de là avec son père, un savant, et son frère Hope (Espoir), âgé de douze ans. Jean fait connaissance de cette famille, s’insinue dans l’amitié du ,père et tombe amoureux de la fille : si Love, malgré des réticences, finit par l’agréer, Hope, tombe malade de langueur à l’idée de perdre sa sœur. Je n’en dis pas plus, mais l’étude de la jalousie est ici plus poussée encore que dans le roman précédent.

Il se trouve que la jalousie est un sentiment qui ne m’a jamais effleuré, et qu’en général, ça ne m’enthousiasme pas de la voir devenir un thème principal dans un roman, une pièce de théâtre ou un film. Les deux titres de Proust cités plus haut sont les parties de l’œuvre qui m’ont le moins intéressé. Mais j’admets cependant que, quand on évoque l’amour (et même l’amitié), il est difficile d’y échapper, tant ce sentiment est fréquent dans la société, souvent mêlé d’envie, de rancœur et parfois de haine. Donc difficile de ne pas l’évoquer quand on écrit sur l’amour, qui est le thème général de presque tous les romans de George Sand, romans sentimentaux par excellence. L’amour possessif ou exclusif (fréquent chez les jumeaux) est une passion qui peut conduire à la mort.


Je viens de relire également La princesse de Clèves, mon roman préféré (septième fois que je le lis, seul en théâtre, Hamlet a eu l’heur d’autant me plaire et d’être aussi lu sept fois), et Le prince de Clèves meurt littéralement de jalousie, une jalousie d’ailleurs mal placée, parce qu’il croit être trompé sur les apparences d’un faux rapport et ne l’est pas, mais même sans être trompé physiquement, il l’est moralement puisqu’il se trouve que sa jeune femme lui a avoué qu’elle était amoureuse d’un autre homme (la scène de l’aveu est une des plus célèbres de la littérature française) et qu’il subodore que c’est du duc de Nemours, le bellâtre de la Cour du Roi. Mais je reparlerai de ce roman une autre fois, et d’ailleurs, il y a bien d’autres thématiques dans ce livre.
Aimez si ça vous dit, mais ne soyez pas jaloux, ça ne fait pas aucun bien !
Sur ce, je vais partir voir le Carnaval à Basse-Terre ce soir.

1 Je la mets au masculin, puisque aussi bien, dans sa correspondance, quand elle parle d’elle, c’est toujours au masculin.

Aucun commentaire: