vendredi 21 février 2020

21 février 2020 : de la maltraitance, encore


Les faibles mangés par les forts ;
Tout comme le prêchent nos codes.
La loi c’est malheur au vaincu.
(Henri Rochefort, Sur la « Virginie », novembre 1875)

J’ai déjà traité de la maltraitance médicale en France, et particulièrement à notre encontre pendant la maladie de Claire (cf mon papier du 9 août 2019). Il s’agissait en fait déjà de maltraitance institutionnelle (hospitalière, quoique le fait d’un individu).


Aujourd’hui, après la lecture d’un dossier dans Fakir n° 91, il convient aussi de signaler la maltraitance institutionnelle de type judiciaire, et concernant les placements d’enfants abusifs. Il est vrai que dans ce domaine, on sait à quel point la justice a oublié d’être juste : que ce soit pour les condamnations par citation directe ou comparution immédiate (il vaut mieux être homme politique et richissime que pauvre et gilet jaune quand on a affaire avec la justice), pour les internements abusifs d’adultes en CHP ou de vieillards en EHPAD, la justice – il est vrai victime d’un manque criant de moyens – n’y va pas avec le dos de la cuillère… Vite fait, bien fait.
Mais, avant de lire le dossier de cinq pages dans Fakir titré "entendre les enfants pleurer", je n’avais que ouï-dire ce problème des placements abusifs, par Patricia G., qui m’a raconté son enfance et sa jeunesse d’enfant placée, quand je l’ai accompagnée lors de la phase terminale de sa maladie de 2010 à 2012 (cf mes papiers du 17 avril et 19 juin 2012). Car si elle fut placée dans une famille d’accueil formidable, ce ne fut pas le cas de son frère, qui a fini par mal tourner et faire de la prison. J’en avais entendu parler aussi par le jeune homme que j’ai suivi quelque temps en 2010-2011 (cf mes papiers du 23 août 2010 et du 3 décembre 2011). Certes, je n’accuse pas toutes les familles d’accueil (et souvent, les enfants y sont placés pour abandon à la naissance), mais le problème, c’est quand il y a manifestement abus de placement, et notamment, ce qui est vécu dans le dossier comme "vol" de bébé à la naissance.
Les témoignages du dossier sont poignants. Et c’est encore sur les ronds-points de gilets jaunes que le problème a été mis en lumière ; des banderoles apparaissent : "Contre les placements abusifs d’enfants", la parole se libère. Chacune (il s'agit surtout des mères) s’aperçoit qu’elle n’est pas toute seule, et soudain naît l’idée de créer une association, de se regrouper, de ne pas rester chacune dans son coin, de contacter un avocat, d’essayer de se battre. Toutes ces mamans privées d’enfants, et leurs parents, souvent à la tête des revendications, décident de se faire reconnaître, de se battre pour voir leurs enfants volés et "placés" plus qu’une heure par mois, quand ce n’est pas moins, souvent à plusieurs heures de leur lieu d'habitation.
Les assistances sociales de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) n’en peuvent mais : chacune a en charge au minimum une quarantaine d’enfants, à qui elles ne peuvent guère accorder au mieux que quatre heures par mois, comprenant les temps de déplacements, les comptes rendus, rapports et avis à donner. Résultat : on "pare au plus urgent". Elles savent toutes que le placement est un électrochoc, "traumatisant pour tout le monde". Et, "le plus choquant, c’est qu’une fois qu’un enfant est placé, c’est difficile de le faire sortir du placement". Les juges ne peuvent guère étudier les dossiers et "confient leurs décisions à l’ASE pour une question de confort", ils n’ont pas le temps de faire autrement. Par ailleurs, "la voie des enfants n’est pas entendue", et "tout le monde pense de toute façon que le placement est provisoire".
"On place en se basant sur la notion de danger pour l’enfant, mais c’est extrêmement hétéroclite. Alors, dans le doute, tout le monde ouvre le parapluie institutionnel", dit une magistrate, qui ajoute : il faudrait remplacer "la notion de danger par celle de maltraitance avérée". On place aussi s’il y a des troubles de comportement scolaire – et on sait à quel point bon nombre d’enfants finissent par développer une phobie scolaire qui les marquera toute leur vie - mais qui s’y intéresse ? Il est plus facile pour les professeurs d’école (et autrefois les instituteurs) de suivre de près les "bons élèves", c’est-à-dire ceux qui entrent dans le moule scolaire que de s'occuper de ceux qu’ils traitent de nuls (comme si ça allait faire aimer l’école, quand on est traité ainsi).
Un éducateur raconte : "Un enfant que je connais bien a été mis en placement à quatre ans, parce qu’il se faisait pipi dessus tous les matins. La maman le défendait, se défendait, mais pas moyen de se faire entendre. Il a fallu huit mois pour comprendre qu’il était violenté par un autre enfant à l’école et qu’il se faisait dessus le matin en arrivant. Mais l’institution n’a pas voulu reconnaître son erreur".


Lyes Louffok, ancien enfant placé, a écrit un livre : Dans l’enfer des foyers. Il dit ici : "La maltraitance, dans les familles d’accueil et dans les foyers, elle est négligée, rarement sanctionnée par la justice…" Conclusion du dossier : "dans des milliers de cas, les décisions sont prises avec trop de légèreté, trop de routine, trop de mécanique, comme des dossiers à écluser, trop de différences en fonction de l’endroit".
Un dossier très instructif. Dans le même numéro de Fakir, j’ai été frappé par un article très fouillé sur les méfaits d’une contraception féminine, l’Essure, un produit Bayer (qui ne sévit pas que dans l’agriculture !), dont je n’avais jamais entendu parler. L’Essure, "petit bout de métal dans l’utérus des femmes", pratiquement irréversible, est cause de nombreuses maladies et morts chez les femmes implantées, pour cause notamment d’intolérance aux métaux composant l’engin. Explosif : encore un des méfaits de la science quand elle est mise au service de l’industrie et des actionnaires. Bref, on n’est pas sortis de l’auberge...

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