le
fait de posséder vous congèle pour toujours en « Je »
et nous sépare toujours du « Nous ».
(John
Steinbeck, Les raisins de la colère, trad. Marecl Duhamel et
Maurice-Edgar Coindreau, Gallimard, 1947)
Je
dois avouer que, n’ayant pas la télévision dans les années 80,
je n’avais fait qu’entendre parler de Maradona, mais ne l’avais
jamais vu jouer. Par ailleurs, vous savez que j’ai toujours été
un footeux médiocre, nullissime même. De temps en temps, surtout en
cas de coupe du monde (masculine, à plusieurs reprises, ou féminine
cette année), je regarde un match ou deux à la télévision. Mais sans
grande passion, car le vrai beau jeu est très rare. Mais bien sûr,
je m’intéresse aux dieux du stade, même si l’esprit de
compétition m’est totalement étranger.
Maradona,
prodige argentin est transféré à Naples en
1984, club de seconde
zone du championnat italien dominé par les clubs du nord.
L’unique ambition
du club napolitain
est de ne pas descendre en seconde division. Le
cinéaste anglais
Asif Kapadia nous conte
le séjour napolitain de Maradona dans
un documentaire surprenant,
à grand renfort
d’images d’archives publiques et privées, commentées par un
Maradona actuel vieillissant que l’on aperçoit à la fin en train
de jouer au foot, bien péniblement, avec des jeunes femmes. Grandeur et
décadence d’un grand champion devenu mythe de son vivant.
Ses
atouts de joueur :
une technique hors pair, une
vitesse incroyable, une capacité de jongler avec le ballon, de
dribbler en contournant l’adversaire, de
courir avec le ballon
avec une virtuosité invraisemblable.
Je dois dire que j’ai
été bluffé et bouleversé par les scènes où on le voit jouer. Seul
peut-être Pelé, aperçu dans ma jeunesse lors de la coupe du monde
en Suède de 1958 retransmise à la télévision noir et blanc, m’avait
fait une impression aussi étonnante. On entre là presque dans le
domaine du sacré. On apprend qu’en l’espace de trois
saisons, Maradona amena le club de Naples sur la première marche du podium en 1987,
après avoir fini 8ème la première année, puis 3ème la deuxième
année, et de nouveau en 1990. Les interviews
de proches (famille, amies ou maîtresses, coach-soigneur)
ponctuent le
film. On voit Maradona parler rapidement italien lors des interviews de l’époque. Lui,
qui avait été plutôt malmené dans son club précédent (catalan),
devient rapidement le chouchou puis l’idole des Napolitains dont il
cherche aussi le respect.
Pourtant,
superstar
du football apportant beaucoup d'argent pour le
club, s'il est sanctifié (son portrait devient une icône),
il devient un symbole
sexuel et se trouve pris au piège des amitiés douteuses
de la Camorra napolitaine.
Sans compter les virées
en boîtes de nuit. Peu à peu Diego,
le gosse des
bidonvilles
de la banlieue de Buenos Aires, devient le
Maradona arrogant,
menteur, et
cocaïnomane. Voire
truqueur : dans
le quart de finale de
la coupe du monde de
1986 à Mexico contre
l’Angleterre,
il marque un but
avec la
main gauche. L’arbitre
ne l’a pas vu ;
Maradona ne dit rien, le but est compté.
Le match était vu
comme une revanche sur la guerre
des Malouines de 1982.
Et,
capitaine
d’une équipe d’Argentine très
moyenne, il la
conduit à la
victoire en finale contre l’Allemagne.
La star Maradona
commente modestement :
"Je
n’y suis pour rien. Ce n’est pas à Maradona qu’on doit ces
victoires, c’est à Dieu."
Et il a vu la main de Dieu dans le fameux but marqué de la main.
Mais
la descente s’amorce vite :
dépendance à la drogue (fournie par la Camorra), déboires
extra-conjugaux.
Tout le monde est au
courant, mais on ferme les yeux, tant que Naples gagne. D’ailleurs,
on lui refuse le transfert pour ailleurs qu’il réclame en vain. Mais en
1990, l'Italie organise
la coupe du monde, L’Argentine
est opposée en
demi-finale à l’équipe
italienne et,
ironie du sort, le
match se déroule au stade San Paolo de Naples. Le
cinéaste se demande
comment
les organisateurs de la compétition ont pu commettre une pareille
boulette.
Maradona va donc jouer
devant son public, mais
contre l’Italie ; il espère
que les Napolitains le
soutiendront. Mais
l’Italie perd aux tirs de
pénaltys après les
prolongations et
Maradona devient
très vite persona non grata. On le contrôle
positif à la cocaïne,
on le place sur écoute, et on le découvre parlant avec la
Camorra ou des call-girls. La Camorra l’abandonne. Maradona, déchu, quitta
Naples en catimini, comme
un pestiféré. Eh
oui, les Dieux du stade, soumis à la pression publique, au pouvoir
de l’argent, peuvent déchoir de leur piédestal.
Un
très beau documentaire, avec une bande sonore musicale superbe.
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