Se
suicider était l'acte le plus logique et le plus raisonnable que
pouvait accomplir un homme dans sa situation.
(Agatha
Christie, L'heure zéro,
trad. Jean-Marc Mendel, France loisirs, 2014)
Je
sais ce qu'on va me répéter encore et encore : « T'es
complètement maso d'aller voir des films qui parlent de la mort et
des maladies incurables ! » C'est comme ceux qui me
reprochent de penser trop à la vieillesse ou plutôt au
vieillissement, à la mort aussi : pour moi, tout ça n'est pas
tabou, et je préfère y penser pour anticiper un peu. Si on nous
avait dit ce qui allait arriver à Claire dès le début de sa
maladie, je suis sûr qu'on aurait mieux lutté et qu'on l'aurait
mieux vécue. Se voiler la face n'est pas une bonne solution.
Julián
(Ricardo Darain), acteur de théâtre argentin installé à Madrid,
est en phase terminale de son cancer et ne veut plus d'une nouvelle
chimio. Il envisage de se supprimer, ce qui choque son entourage.
Mais auparavant, il veut faire adopter son chien Truman par des gens
qui l'aimeront. La visite de son ami de jeunesse Tomás
(Javier Cámara, un des acteurs fétiches de Pedro Almodóvar), exilé
au Canada, est l'occasion pour Julián
de faire le point, de s'expliquer, quitte à en choquer plus d'un. Je
ne veux pas dévoiler l'intrigue, qui nous balade de Winnipeg à
Madrid et à Amsterdam, et n'en dirai pas plus. Mais c'est le très
beau portrait d'un homme lucide, confronté à la déchéance et à
l'agonie qui s'annonce. Inutile de dire que ça m'a parlé, et même bouleversé ! Par
ailleurs, je le recommande à tous les amoureux des chiens. Enfin,
les acteurs et actrices sont excellents, et le film mérite ses Goyas
(l'équivalent espagnol des Césars).
Autre
merveille, dans un genre très différent : on sait que j'adore
les films d'animation mais que je déteste les dessins animés
américains actuels, avec leurs personnages d'une laideur absolue
(ex : les Minions), et de plus presque tous en 3D,
la pire invention du siècle, qui est en train de formater le cerveau
des enfants, comme le smartphone formate celui des plus grands. Mais
là, La tortue rouge est un film somptueux, d'une beauté absolue, de
cette beauté qui "sauvera le monde" selon Dostoïevski.
Ici, pas de personnages idiots, pas de dialogues insipides censés
nous faire rire. Non, on entre dans la magie d'une île déserte,
d'un naufragé qui tente de survivre et de s'en évader en
construisant des radeaux. Et puis le rêve, la tortue rouge... Je
n'en dis pas plus. Ici, aucun dialogue, la seule force des images, la
seule beauté des décors (j'ai pensé aux albums pour enfants
japonais des années 70/80) et d'une histoire qui tient du conte, de
la romance sentimentale et du récit de survie. Mon amie C., de Vannes,
m'avait dit qu'elle était allée deux fois le voir tant ça l'avait
séduite. Je le recommande à tous les jeunes de 7 à 107 ans, qui ont encore du rêve
plein la tête, à mille lieues de cette pauvre technologie
contemporaine qui fait de nous des robots : ça décrasse l'esprit de tous ces films inutiles qui, hélas, pullulent et dominent le marché.
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