dimanche 25 mai 2014

25 mai 2014 : durassophilie

La véritable mort d'une société, ce n'est pas la disparition de la science, c'est celle de l'écrit. Il faut entendre par là l'écrit pour rien, pour dire, pour tous, pour personne, sans incidence pratique aucune, sans raison d'être que celle de sa propre existence.
(Marguerite Duras, Pour une nouvelle économie de la création, 1985, in Le monde extérieur : outside 2, POL, 1993)




Petit codicille à ce que j'ai écrit hier, puis je vous fous la paix jusqu'à l'achèvement de mon travail d'écriture. J'ai pu laisser croire, par le titre d'hier, Durassitude, que j'étais fatigué de mes lectures. Ce n'est pas du tout le cas : au contraire, plus j'avance, plus je découvre des beautés nouvelles, dans l'écriture, dans les thématiques, dans les silences... Car Marguerite Duras, qui a beaucoup parlé, se révèle étonnamment économe dans son écriture, pleine de silences qui laissent le lecteur travailler lui aussi. Je dirai que c'est même à ça qu'on reconnaît un grand écrivain : il ne donne pas du tout cuit, il laisse de la marge, des avancées, des surprises, des questionnements, au lecteur.

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Et comme je suis allé voir hier au soir la magnifique adaptation théâtrale, réalisée par Maud Andrieux, de La douleur, un des plus beaux récits de Duras, celui où elle raconte son attente en 1945 du retour de son mari, Robert Antelme, des camps de la mort (cf mon post du 9 mai 2011 sur le livre de ce dernier, L'espèce humaine). Ce samedi 24 mai, on était dans la vraie vie, et aussi dans ce qu'il faut appeler une performance, au sens artistique du terme : je n'avais jusqu'à présent vu un acteur seul porteur d'un texte que pour Julien Gracq (Un balcon en forêt, joué par Éric Chartier au théâtre de l'île Saint-Louis, à Paris, il y a deux ans) et Mme de La Fayette (La princesse de Clèves, jouée par Marcel Bozonnet, à Poitiers, il y a une dizaine d'années). C'était fabuleux dans les deux cas.
Ici, Maud Andrieux joue avec sobriété ce texte magnifique qu'elle a fort bien adapté et découpé. J'ai relevé cette phrase de Robert Antelme qui, sauvé de justesse, a le pouvoir de « n'accuser personne, aucun peuple, aucune race, sauf les gouvernements qui ne sont que de passage » (de mémoire). Belle leçon de sagesse et de vie ! Que, bien entendu, aucun gouvernement n'a retenu. Il est vrai que nos gouvernants sont incultes...



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