Nous
sommes seuls responsables de n'avoir pas osé la vie dont nous
rêvions. Le poids de la famille, du devoir, n'est jamais une excuse.
Si nous nous sacrifions, c'est que nous le voulons bien. Nous avons
toujours le choix. Seule la peur peut expliquer notre incapacité à
revendiquer un désir fort en nous.
(Blanche
de Richemont, Éloge
du désir)
J'ai
participé ce week-end avec C., qui est venue me rejoindre à
Bordeaux pour visiter le coin, et avec qui je vais repartir vers la
côte picarde, à la tenue bénévole du stand du mensuel L'âge
de faire
dans le cadre du Festival
de la nature et du bio
de Bordeaux, qui ouvre la semaine du développement durable. C'était
en plein air, une sorte de marché où toutes sortes de stands
occupaient le quartier Saint-James, tout près de la Grosse cloche.
Il
y avait là des artisans
(fabricants de bijoux de toutes sortes, C. a acheté des boucles
d'oreilles en origami à une Japonaise métissée de Chinois,
d'objets en cuir, sacs, chaussures, en poteries, en particulier un
étonnant fabricant de cuiseurs à la vapeur...), des vendeurs de
vêtements (en chanvre du Népal, en lainage angora...), des
viticulteurs (vins bio, on peut le supposer), des horticulteurs (qui
proposaient des plants), des fromagers (chèvre surtout, mais une
vache normande était exposée sur la place voisine), des apiculteurs
(miel, gâteaux, pain d'épices), habitat (feng shui), des vendeurs
de cosmétiques (savons et autres produits), des producteurs de
sirops et d'huiles diverses, un stand de qi gong, un autre de massage
avec démonstration de massage assis, des musiciens, etc.
Je
m'étais inscrit pour l'ouverture samedi matin ; le maire, Alain
Juppé, s'est arrêté à chaque stand et nous a achetés trois
numéros, puis dimanche de 13 à 17 h. Ce qui nous a permis
d'observer un peu le style des visiteurs et aussi des teneurs de
stands, car comme nous étions plusieurs, nous pouvions nous libérer
de temps en temps pour nous balader dans l'ensemble du marché. À
moment donné, l'un d'entre nous, après un petit tour, dit :
« Hou là, il est un peu allumé, celui-là », en parlant
d'un des animateurs de stand qui entremêlait ses discours pour
attirer les chalands de philosophie chinoise et de paroles du Christ.
J'ai rétorqué : « il vaut mieux être un peu allumé
qu'éteint ! »
Il
est tout à fait vrai que la plupart des animateurs de stands étaient
allumés. En effet, pour donner dans le bio, il faut bien être un
peu allumé, avoir conscience des multiples dangers que nous fait courir le
progrès, avec l'abus des produits chimiques de toutes sortes, des
pesticides de l'agriculture aux ajouts artificiels dans les cosmétiques,
des produits utilisés dans les peintures des bâtiments et teintures
des vêtements, avec les excès d'utilisation des énergies fossiles ou de
son succédané la radio-activité, etc. Beaucoup de visiteurs
étaient venus à vélo, pas mal vêtus en baba cool, comme on disait
naguère. Oui, donc, un certain nombre d'allumés, d'un côté comme de
l'autre !
Mais
aussi beaucoup d'éteints. Tous ces gens qui traversaient le passage
central en zombies regardant droit devant eux, le visage fermé, sourds aux
appels de notre voisin qui proposait des dégustations (excellents) de sirop de
thym et de romarin, et ne s'approchant pas de nos piles de journaux,
comme s'ils allaient se brûler à notre contact ou si nous étions
pestiférés. L'âge
de faire
n'est pourtant pas un brûlot subversif ; je recopie ce que je
trouve sur leur site (www.lagedefaire-lejournal.fr/) : "L’âge
de faire témoigne
des expériences alternatives en matière de réappropriation de
l’économie, de création de lien social, d’écologie et
d’engagement citoyen. Son credo : offrir à ses lecteurs des
outils qui leur permettront de mettre œuvre leurs idées. Il tire à
30 000 exemplaires, est distribué au niveau national et compte près
de 11 000 abonnés. L’âge
de faire
ne dépend que de ses lecteurs ! Son indépendance financière
(ni subventions, ni publicité) repose sur un mode de diffusion
original. Depuis son lancement, des particuliers, magasins,
associations… achètent chaque mois un certain nombre
d’exemplaires, qu’ils revendent parmi leurs connaissances,
déposent dans un commerce ou un lieu public. Il est aussi vendu sur
les foires et salons par un réseau de sympathisants. C’est grâce
à ces soutiens que L’âge
de faire
s’est fait connaitre et a fidélisé ses lecteurs."
J'ajouterai que le journal, sans publicité, est en scop (société
coopérative ouvrière de production). Je l'ai connu il y sept ou
huit ans et y suis abonné de longue date. J'ai déjà tenu leur
stand lors d'un salon nature à Poitiers en 2011.
Alors,
suis-je un allumé moi aussi ? Certainement, le simple fait que
j'écrive des poésies indique que j'ai un petit grain. Mais je tiens
surtout à ne pas être éteint, comme ma marraine qui vient de
s'éteindre à 95 ans, après avoir été éteinte toute sa vie,
après s'être interdit quasiment tout, après avoir eu peur sans
cesse, après n'avoir guère vécu...
"La
plupart des gens ont une vision conventionnelle de la vie, or il faut
s'affranchir intérieurement de tout, de toutes les représentations
convenues, de tous les slogans, de toutes les idées sécurisantes.
Il faut avoir le courage de se détacher de tout, de toute norme, de
tout critère conventionnel, il faut oser faire le grand bond dans le
cosmos : alors la vie devient infiniment riche, elle déborde de
dons, même au fond de la détresse",
nous dit Etty
Hillesum, déportée et morte à Auschwitz à vingt-neuf ans, dans son magnifique Journal.
Reportons-nous aussi au beau poème de Pablo Neruda, Il meurt
lentement, qu'on peut trouver sur tout un tas de sites
internet : par exemple,
http://fraternitelibertaire.free.fr/th_il_meurt_lentement.htm,
où l'on trouvera aussi le texte en espagnol, et dont je vous livre
les derniers vers :
Vis
maintenant !
Risque-toi
aujourd'hui!
Agis
tout de suite!
Ne
te laisse pas mourir lentement!
Ne
te prive pas d'être heureux!
Affranchissons-nous,
ne nous laissons pas éteindre !
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