lundi 15 avril 2013

15 avril 2013 : allumés !




Nous sommes seuls responsables de n'avoir pas osé la vie dont nous rêvions. Le poids de la famille, du devoir, n'est jamais une excuse. Si nous nous sacrifions, c'est que nous le voulons bien. Nous avons toujours le choix. Seule la peur peut expliquer notre incapacité à revendiquer un désir fort en nous.
(Blanche de Richemont, Éloge du désir)


J'ai participé ce week-end avec C., qui est venue me rejoindre à Bordeaux pour visiter le coin, et avec qui je vais repartir vers la côte picarde, à la tenue bénévole du stand du mensuel L'âge de faire dans le cadre du Festival de la nature et du bio de Bordeaux, qui ouvre la semaine du développement durable. C'était en plein air, une sorte de marché où toutes sortes de stands occupaient le quartier Saint-James, tout près de la Grosse cloche. 
Numéro 76-Juin 2013  
Il y avait là des artisans (fabricants de bijoux de toutes sortes, C. a acheté des boucles d'oreilles en origami à une Japonaise métissée de Chinois, d'objets en cuir, sacs, chaussures, en poteries, en particulier un étonnant fabricant de cuiseurs à la vapeur...), des vendeurs de vêtements (en chanvre du Népal, en lainage angora...), des viticulteurs (vins bio, on peut le supposer), des horticulteurs (qui proposaient des plants), des fromagers (chèvre surtout, mais une vache normande était exposée sur la place voisine), des apiculteurs (miel, gâteaux, pain d'épices), habitat (feng shui), des vendeurs de cosmétiques (savons et autres produits), des producteurs de sirops et d'huiles diverses, un stand de qi gong, un autre de massage avec démonstration de massage assis, des musiciens, etc.
Je m'étais inscrit pour l'ouverture samedi matin ; le maire, Alain Juppé, s'est arrêté à chaque stand et nous a achetés trois numéros, puis dimanche de 13 à 17 h. Ce qui nous a permis d'observer un peu le style des visiteurs et aussi des teneurs de stands, car comme nous étions plusieurs, nous pouvions nous libérer de temps en temps pour nous balader dans l'ensemble du marché. À moment donné, l'un d'entre nous, après un petit tour, dit : « Hou là, il est un peu allumé, celui-là », en parlant d'un des animateurs de stand qui entremêlait ses discours pour attirer les chalands de philosophie chinoise et de paroles du Christ. J'ai rétorqué : « il vaut mieux être un peu allumé qu'éteint ! »
Il est tout à fait vrai que la plupart des animateurs de stands étaient allumés. En effet, pour donner dans le bio, il faut bien être un peu allumé, avoir conscience des multiples dangers que nous fait courir le progrès, avec l'abus des produits chimiques de toutes sortes, des pesticides de l'agriculture aux ajouts artificiels dans les cosmétiques, des produits utilisés dans les peintures des bâtiments et teintures des vêtements, avec les excès d'utilisation des énergies fossiles ou de son succédané la radio-activité, etc. Beaucoup de visiteurs étaient venus à vélo, pas mal vêtus en baba cool, comme on disait naguère. Oui, donc, un certain nombre d'allumés, d'un côté comme de l'autre !
Mais aussi beaucoup d'éteints. Tous ces gens qui traversaient le passage central en zombies regardant droit devant eux, le visage fermé, sourds aux appels de notre voisin qui proposait des dégustations (excellents) de sirop de thym et de romarin, et ne s'approchant pas de nos piles de journaux, comme s'ils allaient se brûler à notre contact ou si nous étions pestiférés. L'âge de faire n'est pourtant pas un brûlot subversif ; je recopie ce que je trouve sur leur site (www.lagedefaire-lejournal.fr/) : "L’âge de faire témoigne des expériences alternatives en matière de réappropriation de l’économie, de création de lien social, d’écologie et d’engagement citoyen. Son credo : offrir à ses lecteurs des outils qui leur permettront de mettre œuvre leurs idées. Il tire à 30 000 exemplaires, est distribué au niveau national et compte près de 11 000 abonnés. L’âge de faire ne dépend que de ses lecteurs ! Son indépendance financière (ni subventions, ni publicité) repose sur un mode de diffusion original. Depuis son lancement, des particuliers, magasins, associations… achètent chaque mois un certain nombre d’exemplaires, qu’ils revendent parmi leurs connaissances, déposent dans un commerce ou un lieu public. Il est aussi vendu sur les foires et salons par un réseau de sympathisants. C’est grâce à ces soutiens que L’âge de faire s’est fait connaitre et a fidélisé ses lecteurs." J'ajouterai que le journal, sans publicité, est en scop (société coopérative ouvrière de production). Je l'ai connu il y sept ou huit ans et y suis abonné de longue date. J'ai déjà tenu leur stand lors d'un salon nature à Poitiers en 2011.
Alors, suis-je un allumé moi aussi ? Certainement, le simple fait que j'écrive des poésies indique que j'ai un petit grain. Mais je tiens surtout à ne pas être éteint, comme ma marraine qui vient de s'éteindre à 95 ans, après avoir été éteinte toute sa vie, après s'être interdit quasiment tout, après avoir eu peur sans cesse, après n'avoir guère vécu... 
"La plupart des gens ont une vision conventionnelle de la vie, or il faut s'affranchir intérieurement de tout, de toutes les représentations convenues, de tous les slogans, de toutes les idées sécurisantes. Il faut avoir le courage de se détacher de tout, de toute norme, de tout critère conventionnel, il faut oser faire le grand bond dans le cosmos : alors la vie devient infiniment riche, elle déborde de dons, même au fond de la détresse", nous dit Etty Hillesum, déportée et morte à Auschwitz à vingt-neuf ans, dans son magnifique Journal
Reportons-nous aussi au beau poème de Pablo Neruda, Il meurt lentement, qu'on peut trouver sur tout un tas de sites internet : par exemple, http://fraternitelibertaire.free.fr/th_il_meurt_lentement.htm, où l'on trouvera aussi le texte en espagnol, et dont je vous livre les derniers vers :
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd'hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d'être heureux!

Affranchissons-nous, ne nous laissons pas éteindre !

 


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