dimanche 27 mai 2012

27 mai 2012 : couch-surfing



Personne ne faisait rien par pure générosité, il y avait toujours un profit masqué quelque part.
(Karin Alvtegen, Honteuse)


De retour de Paris à Bordeaux pour pratiquer le couch-surfing chez moi et accueillir une comédienne franco-suisse, N., qui avait pris contact avec moi il y a deux semaines. Notons qu'il n'est nul besoin d'être inscrit sur ce site pour le pratiquer sans le savoir. Ainsi faisions-nous avec Claire quand nous accueillons à domicile les jeunes musiciens colombiens pendant les saisons 2006/2007 et 2007/2008. Ainsi, devenu seul, ai-je fait à Poitiers en hébergeant l'Anglaise S. pendant son stage de français accéléré à l'université en septembre 2010, ou la Franco-Américaine A., un jour par semaine pendant la saison 2010/2011, puis de septembre 2011 jusqu'à mon départ de Poitiers en novembre. Que de belles heures avons-nous passées ensemble, à apprendre à nous connaître, tous ces gens et nous, et moi maintenant, à créer un lien d'humanité pour un monde meilleur... En tout cas, deux belles soirées bordelaises et, je l'espère aussi, que N aura appréciées. Pour reprendre le mot de la Suédoise, y a-t-il "un profit masqué quelque part" ? Je penche plutôt pour une générosité réciproque, pour un rendez-vous de l'espoir... Je serai décidément toujours incorrigiblement optimiste et sentimental : est-ce que ce serait ça, la foi ?
Inversement, depuis quelques années, je suis reçu ici ou là (sans passer pour l'instant par le couch-surfing, je me suis contenté de recevoir dans ce cadre), bien entendu dans la famille, chez mes enfants, chez mes frères et sœurs, dans ma belle-famille, chez les cousins de tous lieux (des Landes à l'Aveyron, en passant par le Gard, l'Hérault, la Vendée et Paris), et aussi chez ces amis si nombreux de Plescop (Morbihan) à Angoulins-sur-Mer (Charente-Maritime) en passant par Arçais (Deux-Sèvres), Poitiers (Vienne), Seilh (Haute-Garonne), Ornézan (Gers), Labeaume (Ardèche), Besançon (Doubs), Baillif (Guadeloupe), Cracovie (Pologne), et en attendant d'aller bientôt à Bédarieux et Sète (Hérault) et à Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), sans parler de futures visites à Zurich ou à Glastonbury... J'espère que pour eux tous je ne suis pas un boulet, que je réponds à leur générosité en leur apportant mon goût du bonheur dans le présent, mon goût du partage en leur donnant la meilleure part de moi-même.
Parlons un peu de Paris : y a-t-il une ville au monde où l'on peut voir tant de films (j'y ai vu entre autres un des premiers films de Bergman, épatant : L'éternel mirage – qui oserait dire après ce film-là, si physique, que notre Suédois est un auteur cérébral pour intellectuels ?, un film social inédit italien de 1962, Les jours comptés de Elio Petri – qui me touchait de près, puisque le héros, bien que plus jeune que moi, confronté à la mort d'un inconnu, comprend que ses jours sont comptés désormais – et un film coréen sublissime, The day he arrives ; notons que ces trois films sont en noir et blanc, bon Dieu, que c'est reposant, le noir et blanc, et qu'on a perdu en filmant tout en couleurs !), tant de pièces de théâtre (je suis allé en matinée classique revoir Le Cid, et j'ai passé mon temps à sortir le mouchoir et m'éponger les yeux, j'avais oublié que c'était la dernière pièce que nous avions vue ensemble, Claire et moi, et les larmes me venaient aux yeux toutes les deux ou trois répliques), tant d'expositions (là, je dois dire que je suis seulement entré dans une galerie), tant d'animations diverses (une soirée poésie dans une librairie mardi dernier, et jeudi une soirée Eyvind Johnson, prix Nobel de littérature 1974, à l'Hôtel de Massa, siège de la Société des gens de lettres), où l'on peut se promener à vélo en découvrant sans cesse de nouveaux quartiers (je suis monté dans les altitudes des 18e et 19e arrondissements, pu constater à quel point Paris est cosmopolite). Bien que j'aille à Paris surtout pour éprouver ma solitude (mise à rude épreuve par un dimanche abominablement pluvieux, je me croyais dans un roman de Simenon, impossible d'utiliser le vélib, j'avais le bas du pantalon et les chaussures trempes à tordre), car il n'est pas de lieu aussi propice à la solitude qu'une métropole (en dehors du milieu de l'océan ou de la très haute montagne), j'y ai fréquenté assidûment mes cousins et revu S., qui est désormais assistante pasteur de la communauté anglaise de Zurich, d'où l'invitation à aller la voir (pas avant l'été 2013, lui ai-je dit), ainsi que mon ami traducteur du suédois, Philippe Bouquet, qui a joliment présenté son écrivain prix Nobel.

Eyvind Johnson
 
Et j'ai pu vérifier ce que dit l'écrivain marocain Abdellah Taïa, dans Le rouge du tarbouche : "La journée avait été particulièrement ensoleillée et les Parisiens étaient redevenus, pour quelques heures, humains, souriants, chaleureux". Oui, après l'horrible dimanche, le soleil était revenu, et moi qui désormais flâne quand je suis à Paris – jamais pressé, telle est ma devise là-bas ! – j'ai constaté à quel point ça peut rendre "heureux, de prendre son temps, de paresser, de rêver, de vivre le rêve", comme l'écrit aussi l'auteur dans ce même livre.



C'est simple, je ne peux plus supporter la vitesse, et s'il y avait encore des TER pour aller à Paris, je les prendrais de préférence aux sinistres TGV, où la vitesse abrutissante endort la moitié des passagers (moi compris) ! On a l'impression qu'on ne sait plus attendre, aujourd'hui... Eh bien, avec le soleil, Paris avait repris une nonchalance de bon aloi.

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