Personne
ne faisait rien par pure générosité, il y avait toujours un profit
masqué quelque part.
(Karin
Alvtegen, Honteuse)
De
retour de Paris à Bordeaux pour pratiquer le couch-surfing chez moi et
accueillir une comédienne franco-suisse, N., qui avait pris contact
avec moi il y a deux semaines. Notons qu'il n'est nul besoin d'être inscrit sur ce site
pour le pratiquer sans le savoir. Ainsi faisions-nous avec Claire
quand nous accueillons à domicile les jeunes musiciens colombiens
pendant les saisons 2006/2007 et 2007/2008. Ainsi, devenu seul, ai-je fait à
Poitiers en hébergeant l'Anglaise S. pendant son stage de français
accéléré à l'université en septembre 2010, ou la
Franco-Américaine A., un jour par semaine pendant la saison
2010/2011, puis de septembre 2011 jusqu'à mon départ de Poitiers en
novembre. Que de belles heures avons-nous passées ensemble, à
apprendre à nous connaître, tous ces gens et nous, et moi maintenant, à créer un lien
d'humanité pour un monde meilleur... En tout cas, deux belles
soirées bordelaises et, je l'espère aussi, que N aura appréciées. Pour reprendre le
mot de la Suédoise, y a-t-il "un
profit masqué quelque part" ?
Je penche plutôt pour une générosité réciproque, pour un
rendez-vous de l'espoir... Je serai décidément toujours incorrigiblement
optimiste et sentimental : est-ce que ce serait ça, la foi ?
Inversement,
depuis quelques années, je suis reçu ici ou là (sans passer pour
l'instant par le couch-surfing, je me suis contenté de recevoir dans ce cadre), bien entendu dans la famille, chez mes
enfants, chez mes frères et sœurs, dans ma belle-famille, chez les
cousins de tous lieux (des Landes à l'Aveyron, en passant par le
Gard, l'Hérault, la Vendée et Paris), et aussi chez ces amis si
nombreux de Plescop (Morbihan) à Angoulins-sur-Mer
(Charente-Maritime) en passant par Arçais (Deux-Sèvres), Poitiers
(Vienne), Seilh (Haute-Garonne), Ornézan (Gers), Labeaume (Ardèche),
Besançon (Doubs), Baillif (Guadeloupe), Cracovie (Pologne), et en
attendant d'aller bientôt à Bédarieux et Sète (Hérault) et à
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), sans parler de futures visites à Zurich ou à
Glastonbury... J'espère que pour eux tous je ne suis
pas un boulet, que je réponds à leur générosité en leur
apportant mon goût du bonheur dans le présent, mon goût du partage
en leur donnant la meilleure part de moi-même.
Parlons
un peu de Paris : y a-t-il une ville au monde où l'on peut voir
tant de films (j'y ai vu entre autres un des premiers films de
Bergman, épatant : L'éternel
mirage –
qui oserait dire après ce film-là, si physique, que notre Suédois est un auteur
cérébral pour intellectuels ?, un film social inédit italien de 1962, Les
jours comptés
de Elio Petri – qui me touchait de près, puisque le héros, bien
que plus jeune que moi, confronté à la mort d'un inconnu, comprend
que ses jours sont comptés désormais – et un film coréen
sublissime, The
day he arrives ;
notons que ces trois films sont en noir et blanc, bon Dieu, que c'est
reposant, le noir et blanc, et qu'on a perdu en filmant tout en couleurs !), tant de
pièces de théâtre (je suis allé en matinée classique revoir
Le Cid,
et j'ai passé mon temps à sortir le mouchoir et m'éponger les
yeux, j'avais oublié que c'était la dernière pièce que nous
avions vue ensemble, Claire et moi, et les larmes me venaient aux
yeux toutes les deux ou trois répliques), tant d'expositions (là,
je dois dire que je suis seulement entré dans une galerie), tant
d'animations diverses (une soirée poésie dans une librairie mardi
dernier, et jeudi une soirée Eyvind Johnson, prix Nobel de
littérature 1974, à l'Hôtel de Massa, siège de la Société des
gens de lettres), où l'on peut se promener à vélo en découvrant
sans cesse de nouveaux quartiers (je suis monté dans les altitudes
des 18e
et
19e
arrondissements, pu constater à quel point Paris est cosmopolite).
Bien que j'aille à Paris surtout pour éprouver ma solitude (mise à
rude épreuve par un dimanche abominablement pluvieux, je me croyais
dans un roman de Simenon, impossible d'utiliser le vélib, j'avais le
bas du pantalon et les chaussures trempes à tordre), car il n'est
pas de lieu aussi propice à la solitude qu'une métropole (en dehors
du milieu de l'océan ou de la très haute montagne), j'y ai
fréquenté assidûment mes cousins et revu S., qui est désormais assistante
pasteur de la communauté anglaise de Zurich, d'où l'invitation à
aller la voir (pas avant l'été 2013, lui ai-je dit), ainsi que mon ami
traducteur du suédois, Philippe Bouquet, qui a joliment présenté son écrivain prix
Nobel.
Eyvind Johnson
Et
j'ai pu vérifier ce que dit l'écrivain marocain Abdellah
Taïa, dans Le
rouge du tarbouche :
"La
journée avait été particulièrement ensoleillée et les Parisiens
étaient redevenus, pour quelques heures, humains, souriants,
chaleureux".
Oui, après l'horrible dimanche, le soleil était revenu, et moi qui
désormais flâne quand je suis à Paris – jamais pressé, telle
est ma devise là-bas ! – j'ai constaté à quel point ça peut
rendre "heureux,
de prendre son temps, de paresser, de rêver, de vivre le rêve",
comme l'écrit aussi l'auteur dans ce même livre.
C'est
simple, je ne peux plus supporter la vitesse, et s'il y avait encore
des TER pour aller à Paris, je les prendrais de préférence aux
sinistres TGV, où la vitesse abrutissante endort la moitié des
passagers (moi compris) ! On a l'impression qu'on ne sait plus
attendre, aujourd'hui... Eh bien, avec le soleil, Paris avait repris
une nonchalance de bon aloi.
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