L’outil répressif, mobilisé différemment selon la classe sociale à laquelle il est confronté, voit ses atrocités recouvertes par une hystérie médiatique déplaçant systématiquement les enjeux, aveuglant quiconque chercherait à s’y frayer un chemin et comprendre ce qui est en train d’arriver. Asservir, intimider, et sinon, « neutraliser ». Voilà comment fonctionnent ceux à qui nous sommes confrontés.
(Juan Branco, Abattre l’ennemi, M. Lafon, 2022)
Avec la férocité répressive actuelle, on assiste au grand retour de la poésie engagée. Ça nous manquait, ça me manquait. Je ne suis pas assez doué (ou pas assez engagé) pour en écrire, encore qu’on peut deviner parfois, ici et là, dans mes poèmes publiés, quelques textes issus de ma colère et de ma révolte sociales. J’avoue que j’aime mieux ça que la poésie éthérée ou absconse de certains poètes. J’apprécie également les exagérations qu’on trouve ici et là (Le Monde traité ici de "journal de la dictature").
Chant de la main arrachée
En dépit de
récents interdits alimentaires
comme disait Paz
les
classes riches aiment bien la chair
des bipèdes domestiques
la
classe bourgeoise redivivus
vivant pour la défense de
ses privilèges
nue dans sa vérité
de classe
jouit
ce soir au spectacle total
et affirme sa passion fascisante
et
sa préférence
toujours nazie plutôt que sociale
pour les
Bolsanaro en herbe arracheurs de mains
« je ne parle pas
Lallement » nous dit Porte
et les Salpêtrière version
BFM où l’on dissèque
sec
le prolo en sang
avec le
journal de la dictature Le Monde
qui aura toujours une
passion d’avance
pour le milliardaire qui finance
la
vérité
soutient tout un régime
le Second Empire et
demi
vaut la peine il
a créé la Nation qu’importent
les
Hugo les Rimbaud les Courbet on a
des Mérimée des Verne des
Daudet des
Macron ça suffit bien et puis
les
colonies
dedans
je vous en prie dans nos métropoles
et
dehors
bien entendu avec nos Totaux
le régime qui
vaut
tous les Anthropocènes
et les collapses que vous
voudrez
depuis que l’homme est loup c’est-à-dire
la
fin du néolithique quand
il lève l’arme sur son
frère
puis
viole sa femme et sa fille
nous vivrons
sous les dômes dans l’enfer
que nous aurons créé
d’aucuns
disent
que nous vous suivrons de près
bah nous les loups
le sang
nous excite
la mort
nous pare
nous rêvons
au fond
d’en finir avec notre lâcheté
de poule planquée
derrière nos miradors
nous
petits bourgeois
blasés
derrière nos lampions massacreurs
arracheurs de
mains et d’yeux
qui vous retournont à la gueule
le
langage
République ha ha
nous prenons vos vies
et
celles de vos enfants
et ce qu’on nomme la vie en
général
parce que c’est peut-être nous qui ne sommes
rien
historiquement
et anthropologiquement
d’où
notre férocité
notre dangerosité
notre inutilité
fondamentale
et ce chant de la main arrachée comme
une
insulte à tout ce qui a sens et vie
que nous vous envoyons à
la face.
A paraître dans Manifeste d’action directe. Poèmes contre l’ordre qui vient, de Victor Martinez, éditions La clé à molette
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