mercredi 4 octobre 2023

4 octobre 2023 : le poème du mois, retour de la poésie engagée

 

L’outil répressif, mobilisé différemment selon la classe sociale à laquelle il est confronté, voit ses atrocités recouvertes par une hystérie médiatique déplaçant systématiquement les enjeux, aveuglant quiconque chercherait à s’y frayer un chemin et comprendre ce qui est en train d’arriver. Asservir, intimider, et sinon, « neutraliser ». Voilà comment fonctionnent ceux à qui nous sommes confrontés.

(Juan Branco, Abattre l’ennemi, M. Lafon, 2022)


Avec la férocité répressive actuelle, on assiste au grand retour de la poésie engagée. Ça nous manquait, ça me manquait. Je ne suis pas assez doué (ou pas assez engagé) pour en écrire, encore qu’on peut deviner parfois, ici et là, dans mes poèmes publiés, quelques textes issus de ma colère et de ma révolte sociales. J’avoue que j’aime mieux ça que la poésie éthérée ou absconse de certains poètes. J’apprécie également les exagérations qu’on trouve ici et là (Le Monde traité ici de "journal de la dictature").

Chant de la main arrachée

En dépit de récents interdits alimentaires
comme disait Paz
les classes riches aiment bien la chair
des bipèdes domestiques
la classe bourgeoise redivivus
vivant pour la défense de ses privilèges
nue dans sa vérité
de classe
jouit ce soir au spectacle total
et affirme sa passion fascisante
et sa préférence
toujours nazie plutôt que sociale
pour les Bolsanaro en herbe arracheurs de mains
« je ne parle pas Lallement » nous dit Porte
et les Salpêtrière version BFM où l’on dissèque
sec
le prolo en sang
avec le journal de la dictature Le Monde
qui aura toujours une passion d’avance
pour le milliardaire qui finance
la vérité
soutient tout un régime
le Second Empire et demi
vaut la peine il
a créé la Nation qu’importent
les Hugo les Rimbaud les Courbet on a
des Mérimée des Verne des Daudet des
Macron ça suffit bien et puis
les colonies
dedans
je vous en prie dans nos métropoles
et dehors
bien entendu avec nos Totaux
le régime qui vaut
tous les Anthropocènes
et les collapses que vous voudrez
depuis que l’homme est loup c’est-à-dire
la fin du néolithique quand
il lève l’arme sur son frère
puis
viole sa femme et sa fille
nous vivrons sous les dômes dans l’enfer
que nous aurons créé
d’aucuns disent
que nous vous suivrons de près
bah nous les loups le sang
nous excite
la mort
nous pare
nous rêvons au fond
d’en finir avec notre lâcheté
de poule planquée derrière nos miradors
nous
petits bourgeois blasés
derrière nos lampions massacreurs
arracheurs de mains et d’yeux
qui vous retournont à la gueule
le langage
République ha ha
nous prenons vos vies
et celles de vos enfants
et ce qu’on nomme la vie en général
parce que c’est peut-être nous qui ne sommes rien
historiquement
et anthropologiquement
d’où notre férocité
notre dangerosité
notre inutilité fondamentale
et ce chant de la main arrachée comme
une insulte à tout ce qui a sens et vie
que nous vous envoyons à la face.

A paraître dans Manifeste d’action directe. Poèmes contre l’ordre qui vient, de Victor Martinez, éditions La clé à molette

Aucun commentaire: