dimanche 15 octobre 2023

15 octobre 2023 : le film du mois : "La fiancée du poète"

 

Les sages affirment que rien n’a de sens. Les amoureux possèdent une sagesse plus profonde que les sages. Qui aime ne doute pas un instant du sens des choses.

(Amélie Nothomb, Tuer le père, Albin Michel, 2011)


Pour sortir de la dépression guerrière, pourquoi ne pas parler de quelque chose qui fait du bien, à mille lieues des choses qui font du mal ? Je vais donc parler de cinéma.

Non, ce n’est pas un film parfait, mais un film loufoque, drôle, émouvant, inattendu, poétique, fait pour les rêveurs, pour ceux qui espèrent une vie plus belle, qui recherchent l’enchantement, la liberté, la solidarité, la tendresse. Je veux dire La fiancée du poète, le bon film de Yolande Moreau, où elle joue le rôle principal.

Mireille, la soixantaine bien avancée, rentre dans son village, qu’elle a quitté quarante ans auparavant à la suite d’une sombre affaire de deal qui lui a valu trois ans de prison et la disparition de son fiancé, un poète qui fut son grand amour de jeunesse et qu’elle n’a pas revu depuis. Elle avait rompu avec sa famille, mais elle revient pour s’installer dans la grande maison familiale à l’abandon. Elle a trouvé du travail à la cafétéria de l’école des Beaux-Arts de Charleville. Et, pour arrondir les fins de mois, elle y ajoute quelques petits trafics de cigarettes. Elle retrouve le curé du village qui lui dit de s’ouvrir aux autres : elle prend des locataires, tous nécessiteux, en échange d’un loyer modeste, espérant avec cet appoint entretenir la maison familiale. Cyril, un étudiant des Beaux-Arts qui va portraiturer Mireille, Bernard, un curieux jardinier municipal, et Elvis, un musicien un peu perché qui se fait passer pour américain, s’installent donc dans la grande maison.

Je n’en raconterai pas plus pour vous laisser découvrir l’univers étonnant de Yolande Moreau. Avis à ceux qui attendent du réalisme, on est ici dans l’utopie loufoque et lunaire de la marginalité, aux antipodes de la "normalité". Mais ces personnages forment une ronde amusante, joyeuse, avec ce petit grain de folie qui nous les rend attachants. Ils peuvent panser leurs blessures plus ou moins profondes dans une entraide mutuelle. Ils forment une sorte de famille à laquelle vient s’adjoindre le fameux poète, que Mireille n’attendait plus, une tribu chaleureuse et tendre de gens solidaires qui se sont choisis.

Yolande Moreau a réuni autour d’elle des comédiens formidables : Grégory Gadebois, étonnant jardinier, Thomas Guy, le jeune étudiant des Beaux-arts surnommé Picasso, Estéban le musicien atypique, Sergi Lopez, le fameux poète, William Sheller, le curé extravagant mais tellement humain… Les seconds rôles participent au régal du spectateur. Jusqu’à une tête de cerf en béton qui nous salue au passage. Tous nous touchent au cœur, on est émus, bouleversés, en même temps qu’on rie des petites touches de subversion, on aimerait vivre avec de telles personnes, si généreuses, si tendres. Le film m’a fait du bien, on ne peut pas en dire autant de tous les films récents.



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