Âgés et au terme d’une vie vertueuse, qu’avaient-ils à craindre ? Ils allaient sans aucune appréhension à la rencontre de la mort, conclusion de toute vie humaine.
(Le Mahâbhârata conté selon la tradition orale par Serge Demetrian, Albin Michel, 2011)
Mon ancien chauffeur du bibliobus d’Auch vient de mourir. Je tiens ici à lui rendre hommage.
Paul, Anne-Marie et moi, mes deux grands amis de la Bibliothèque du Gers, je me sens orphelin !
Paul, je t'ai rencontré à la fin de l'année 1973, il y a plus de quarante-huit ans, lorsque, jeune conservateur de bibliothèque qui prenait la direction de la Bibliothèque centrale de prêt du Gers, je dus recruter un chauffeur pour le bibliobus.
Notre première rencontre se passa peu avant les épreuves du concours de recrutement, où je t'expliquai quelles seraient les épreuves : classement par ordre alphabétique, classement par ordre numérique, puis sous la houlette d'un professeur du lycée professionnel, une épreuve technique de détection d'une panne de moteur de camion et la réponse à quelques questions du code la route. Tu te tiras fort bien de toutes ces épreuves, l'autre candidat était nettement plus faible.
Tu m'avais appris que tu avais été coureur cycliste professionnel, que tu avais participé au Tour d'Italie et à d'autres grandes épreuves cyclistes, que tu étais marié, que tu avais deux enfants. Tu fis connaissance du reste du personnel de la bibliothèque, la sous-bibliothécaire Brigitte et la secrétaire Évelyne. Tu t'entendis parfaitement avec elles, et tu commenças à préparer ( étiquetage et plastification de la couverture) les livres pour les tournées de bibliobus. Et, vers le mois de juin 1974, tu partis chercher le bibliobus en région parisienne.
Nous avons commencé les tournées à la rentrée d'octobre, je crois. Tu faisais quatre tournées par semaine, deux avec Brigitte, et deux avec moi. Je tenais en effet à faire des tournées pour tâter un peu le terrain, voir si notre choix de livres convenait avec les désirs d'un public rural, et aussi pour voir comment tu te débrouillais avec un travail tout nouveau pour toi, puisqu'en tant que directeur, j'allais être amené à te noter et, éventuellement, à te faire progresser dans ton grade. Toute l'équipe de la bibliothèque était très satisfaite de toi, tu participais à la bonne ambiance.
J'avais même organisé une tournée de deux jours où nous dormions à l'hôtel de Saint-Mont, pour éviter de rentrer à Auch quand nous en étions le plus éloignés, à l'ouest du département. Ces tournées spéciales me donnèrent l'occasion de mieux te connaître et t'apprécier. Je te parlais de mon enfance landaise et tu me racontais quelques péripéties de ta vie d'avant le bibliobus. Tu me fis connaître ta femme, Mimi, chez qui je fus de temps à autre invité à manger.
Puis la vie nous a séparés, mais je ne vous ai jamais perdus de vue, je pense que vous avez toujours reçu ma carte de vœux annuelle, et à mon retour de Guadeloupe, nous fîmes un repas au restaurant, avec tout le personnel, où je vous présentai mon fils. Par la suite, nous nous sommes revus pendant ma tournée de cyclo-lecteur de 2008. Vous m'avez reçu chez vous lors de ma lecture à Seissan : à table, nous avons parlé du bon vieux temps, "les meilleurs moments de ma vie", tu m’as dit avec quelque exagération. Vous avez été très touchés de la mort de ma femme, et depuis, chaque fois que je venais dans le Gers, je passais chez vous et parfois j'y dormais, toujours reçu royalement.
Cher Paul, aujourd'hui tu nous as quitté, je sais que tu as gardé un très bon souvenir de ton vieux directeur des années 73-81. Sache que la réciproque est vraie, j'ai rarement eu des relations aussi chaleureuses avec un autre collègue qu'avec toi. Ce fut un plaisir de t'avoir sous mes ordres et j'ai toujours gardé une amitié indéfectible pour toi. Repose en paix.
1 commentaire:
Merci pour ce bel hommage !
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