Et leur vie de déployait devant eux, autour d'eux et hors d'eux tandis qu'ils hurlaient sur la grande roue comme trois hiboux devenus fous. Quelle joie d'exister, quelle joie !
(Siobhan Dowd, Sans un cri, trad. Cécile Dutheil de la Rochère, Gallimard, 2007)
Encore les attestations, j’espère que ce sera fini le 15 décembre, parce que ça ne me donne même plus envie de sortir ; comme me dit un ami : »Maintenant, tu seras obligé de te sédentariser ! » Je me souviens que Michel Tournier m’avait dit quand il était venu dans le Gers : « Il y a deux sortes d’humains, les sédentaires et les voyageurs, les errants, les vagabonds ». Eh bien j’ai toujours été dans le camp des errants. Dès l’enfance, à la suite de mon père militaire, nous avons vécu à Bordeaux, à Marseille, en Tunisie, dans un village des Landes (Cauna), en Allemagne, à Mont de Marsan (internat, puis en famille), jeune homme à Pau puis à Bordeaux pour la licence, à Agen et à Marmande (professorat), à Paris (école supérieure des bibliothèques), puis à Tours (stage), et dans le cadre des bibliothèques, j’ai œuvré à Angers, Auch, Basse-Terre, Amiens, Poitiers, où j’ai fini ma carrière, puis retour à Bordeaux. Ce qui veut dire une bonne vingtaine de déménagements, sans parler de mes voyages assez nombreux.
Mais là, le confinement me laisse peu de choses à dire, je ne bouge plus guère, cinémas et théâtres étant fermés. Mais à partir du 15 je retournerai au cinéma, je me suis inscrit pour un spectacle de théâtre le 19 décembre dans une petite salle de Bordeaux, La lucarne ; je vais à nouveau bouger, revoir mes vieux amis de Poitiers et d’ailleurs, si la covid veut bien me laisser tranquille ! Mais le bonheur, c’est toujours pour demain, il vaut mieux regarder devant soi...
Je regarde peu la télévision. Toutefois, un film-documentaire de Sébastien Lifshitz passait sur Arte mercredi soir. J’aime bien ce cinéaste marginal, dont j’ai particulièrement apprécié ses documentaires sur des gens hors de la norme (je déteste les normaux) : Les invisibles (2012, l’homosexualité dans une époque peu tolérante), Bambi (2013 : portrait d’une transgenre), Adolescentes (2018 ; portrait de deux amies de deux milieux différents suivies pendant cinq ans d’adolescence) , Et voici avec Petite fille le portrait de Sacha, sept ans, né garçon, mais qui, dès l’âge de trois ans, proclamait : « Quand je serai grand, je serai une fille ». Dès les premiers plans, on la voit s’essayer à se costumer, puis jouer dans la neige avec sas frères et sœurs. Tous a l’air d’aller bien, cependant la mère (extraordinaire) est inquiète, elle se confie au médecin de famille qui la renvoie vers une spécialiste qui décèle la "dysphorie de genre" et aide à la déculpabilisation. Car malheureusement, à l’école, ça ne passe pas bien. Les enseignants, corsetés dans des principes rigides, obligent l’enfant à s’habiller et à se comporter en garçon. Il/elle ne peut porter des robes qu’à la maison. La tendresse des parents, soucieux d’aider leur enfant à mener la vie qu’elle veut et de s’épanouir, n’empêche pas qu’ils sentent que ce sera dur et éprouvant. Lifshitz capte la différence, le combat pour la métamorphose possible de l’enfant, et suit Sacha qui grandit peu à peu, s’ouvre et tente de s’assumer, avec l’amour attentif de sa grande sœur (aussi extraordinaire que la mère) et de son frère, sous l’œil attentif de ses parents. Un film malgré tout optimiste, mais qui ne cache pas les difficultés de la vie à venir, compte tenu de l’intolérance encore grande de la société en général et en première ligne, des enseignants prisonniers de la norme, qui ne sortent pas grandis du film. Un beau portrait de famille, au total.
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