mardi 8 décembre 2020

8 decembre 2020 : le poème du mois, Charles Vallet

 

À quoi bon la ruse et la guerre

Bien volé ne profite guère

(Charles Sanglier, Le renard et le chien, in Les fables du sanglier, Plein chant, 2016)


Je viens d’apprendre que nos anciens, confinés dans les EHPAD, n’ont droit qu’à une visite d’une demi-heure par semaine. Résultat, je ne peux pas aller voir Huguette cette semaine, et la semaine prochaine, vraisemblablement, en allant à Poitiers le 15 (si Jupiter ne nous en empêche pas, j’ai déjà mon billet de train), je ne pourrai pas voir Georges. Heureusement Qu’Odile n’est pas confinée en EHPAD et que je pourrai lui apporter un peu de chaleur humaine pendant deux jours, l’emmener en librairie ou au cinéma (si ces derniers ouvrent enfin). Veulent-ils faire mourir nos anciens de manque d’amitié et de solitude, à l’approche de Noël ?



Bon, aujourd’hui, c’est le jour du poème du mois, et l’occasion de rendre hommage à Charles Vallet, modeste employé des PTT, et écrivain prolétarien (1875-1963), dont les éditions Plein chant ont eu la bonne idée rééditer Les fables du sanglier (parues en 1935) et où il s’était amusé à pasticher La Fontaine sous un pseudonyme.

LES ANIMAUX SAUVÉS DE LA PESTE


Crachant microbes à foison,

Tel un monstre d’apocalypse,

Parut la peste à l’horizon.

Au camp des animaux chaque bête s’éclipse,

On fuit, la panique est partout.

L’âne, seul courageux parmi la troupe veule,

Va droit au monstre noir et lui casse la gueule

Avec ses deux sabots détendus d’un seul coup !…

Sur l’instant on lui rend justice,

On le proclame le sauveur.

À peine venu le solstice,

Lorsque personne n’eut plus peur,

On trouva moins certain le bel exploit de l’âne.

Un singe, sa grattant le crâne,

Démontra qu’en fuyant il avait dérouté

L’hydre nauséabonde au moment de l’attaque.

Cette bête démoniaque

A tremblé, dit la paon, sitôt que j’ai chanté.

À ma vue elle fut pantoise,

Assura l’ours en son jargon ;

Je n’ai jamais craint le dragon :

Qu’il approche donc d’une toise !…

Puis chacun fut d’accord sur cet unique fait

Que le lion avait tout fait

Par son rugissement sonore.

Sire, dit le chacal, souffrez qu’on vous honore

Pour votre courage si grand :

Vous nous avez sauvés, je m’en porte garant.

Quant à l’âne, il est si modeste

Qu’il avait oublié la valeur de son geste.

Et pendant que tous ces capons

Faisaient assaut de glorioles,

Loin de leur vanité, sourd à tant de paroles

Ignorant son mérite, il mangeait des chardons.


Les vrais héros parlent peu de leur gloire,

Ils sont vite oubliés.

Quand leur valeur a forcé la victoire,

D’autres ramassent les lauriers.




Eugène Charles Vallet, dit « Le Sanglier »

 

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