Les
enfants des pauvres, on le sait, doivent apprendre très vite à
sentir les duretés de la vie.
(Luigi
Pirandello, Ignorantes,
in Nouvelles
pour une année,
Gallimard)
Ah !
La violence ! On en avait de vagues échos au Maroc sur les
chaînes d’infos en continu captées, soit Cnews et Euronews. Il
n’y était question que de la violence des manifestants et des
casseurs. Je ne nie pas celle des casseurs, mais je comprends celle
des manifestants si vraiment elle a existé. Car ce que je voyais
surtout sur ces chaînes et ce que je vois sur internet, c’est la
violence sadique
insensée
de la répression policière : des femmes âgées en gilets jaunes
aspergées à bout portant de lacrymo, des vieux hommes traînés à
terre et tabassés avec une férocité stupéfiante
par la police, mais
aussi bien des jeunes
battus ou recevant des tirs quasi à bout portant dans le visage et
sur les mains, enfin bref une répression en règle qui a mobilisé
presque 90000 policiers samedi dernier. Je ne doute pas que ceux qui
devaient s’en réjouir le plus, c’était les terroristes qui,
pendant ce temps-là, avaient
le champ libre pour nous rappeler leur existence, comme je le disais
à quelques-uns. Bingo, puisqu’on ne s’occupait plus guère de
les surveiller, et pour cause.
La
violence d’État dans toute sa splendeur. Car on oublie trop
souvent que l’État est hyper-violent : que peut faire un
manifestant désarmé contre des hommes hyperarmés (style robocop)
et surentraînés (surtout, reconnaissons-le contre les classes
populaires, jamais contre les richissimes évadés fiscaux et patrons
voyous), contre des canons à eau (on
doit penser, en haut lieu que ça doit être plaisant
de recevoir ça sur
la tronche au
mois de décembre, et bravo pour le gaspillage de cette matière qui deviendra rare, l'eau), des tirs de flashball et de grenades de toutes
sortes (à moins d’avoir un supercasque, un gilet pare-balles, un
masque à gaz, des oreillettes anti-bruit, des gants matelassés, des genouillères et protections diverses, on
peut se retrouver avec un œil crevé, une main arrachée et autres
joyeusetés), etc ?
Il
est vrai qu’on n’a pas entendu notre gouvernement protester
contre les destructions
d’écoles, de maisons, d’hôpitaux, les massacres
et mutilations perpétrés
par
l’armée israélienne à
Gaza,
ni
contre
les bombardements du Yemen par l’aviation saoudienne avec
du matériel français, ni
contre
les raids aériens en
Syrie (il est vrai qu’ils sont censés
être chirurgicaux
et tant pis pour les dommages humains collatéraux) ou ailleurs. On
entend peu sur
ces sujets nos
grands médias télévisuels ni nos hommes politiques non plus. Cette
violence d’État leur semble légitime : il faut bien qu’on vende nos armes de destruction massive, mon brave monsieur, et tant
qu’à faire, qu'on les teste en grandeur nature. Les Américains nous
avaient bien montré l’exemple à Hiroshima et Nagasaki, puis
en dévastant les forêts vietnamiennes à grands coups de
défoliants.
La
violence d’État, c’est aussi faire traîner des dossiers de
demande d’asile
ou de
visas, laisser des enseignants pourrir la vie d’enfants en les
traitant de nuls dès l’école maternelle (j'ai plusieurs témoignages), faire
languir des patients dans les couloirs des urgences pendant une
journée entière (Claire a bien connu ça), taxer
au maximum les pauvres et détaxer les riches (j’aimerais bien,
moi, payer un impôt sur la grande fortune : si je possédais un
yacht, des villas dans l’île de Ré, à Saint-Trop et à
Saint-Barth, un manoir en Corrèze, un appartement à Paris et un
autre à Megève, une Rolls Royce et un jet privé, je trouverais ça
normal, et
vous aussi, je pense ; et au contraire, le Sénat vient de voter l'allègement de l'exit tax le 10 décembre, une heure avant l'allocution du président, bravo pour la lutte contre l'évasion fiscale !),
etc.,
etc.
Que
peut-on contre cette violence-là ? Faire
des
sit-in sur la voie publique (finalement, c’est ce que font les
gilets jaunes aux ronds-points pour bloquer la circulation, et il y
faut
bien
du
courage, car il y a des automobilistes, des motards
et des camionneurs irascibles capables de leur foncer dessus) ; pratiquer
la
grève de la faim ; s’exercer
à l’objection
de conscience (y compris par le non-vote et
la décroissance de notre consommation) ;
s’appliquer
à la résistance passive (ne regardons plus la télévision,
n’écoutons plus la radio et refusons la publicité) ; défendre le pacifisme
absolu ; refuser le
nationalisme imbécile ; se battre contre l’exploitation
des êtres humains et la surexploitation des ressources naturelles ;
rechercher la
sobriété et la mesure ; bref, changer le monde en soi et autour de
soi.
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