dimanche 5 août 2018

5 août 2018 : canicule, Ozu et Mozart



À bord, c’est l’aube que je préfère.
(Claire Fourier, Radieuse : une croisière en Adriatique, La Différence, 2016)


On me reproche, ici et là, de me lever tôt. Avouons qu’en ces temps de très forte chaleur, le meilleur moment de la journée est entre 6 et 9 h du matin ! Le soir, même à la nuit tombée, en tout cas ici en ville, les 30° sont allègrement dépassés ; il n’y a presque pas un souffle d’air, on étouffe, et la nuit va rester chaude, descendant à peine au-dessous de 25° vers le lever du jour. La végétation souffre, les animaux souffrent, les humains souffrent... Et ils continuent cependant à rouler en automobile, ce qui ajoute encore de la chaleur à nos rues et trottoirs cuisants. Marcher à pied relève de la gageure. Il ne reste que le vélo qui permet, à condition de rouler doucement, de ne pas s’échauffer et de fendre l’air avec délectation, surtout quand on reste côté ombre. C’est ainsi qu’hier je suis allé au cinéma, seul lieu convivial où il fait frais (attention, certains cinémas sont hyper-climatisés, de vrais frigos), donc l’Utopia (modérément frais) va me voir pas mal en ces jours de canicule...
Et j’y suis allé à vélo ; je suis sorti prendre un vélo de ville (Vcub), et sans me presser, pour éviter d’avoir encore plus chaud, je suis allé en ville avec une traversée du Jardin public (on a le droit d’y rouler à vélo) presque désert, sauf sous les arbres. Et j’ai vu deux films : Mon tissu préféré, un film syrien de Gaya Jiji et Printemps tardif, un des films de la rétrospective Ozu.


Mon tissu préféré nous plonge dans la Syrie de 2011, au début des événements qui vont plonger le pays dans le chaos. Nous sommes à Damas. L’héroïne, Nahla, est une jeune fille rêveuse, vendeuse dans un magasin de vêtements et qui  a des fantasmes érotiques sur un homme. Elle a deux sœurs, Myriam, du genre soumise et Line, une adolescente aux allures de garçon en révolte. Leur mère a fait venir des USA Samir, un Syrien émigré là-bas, mais qui désire se marier avec une compatriote : elle le destine bien entendu à Nahla, l’aînée, c’est un bon parti. Mais il ne plaît guère à Nahla. Dans ce huis-clos féminin assez étouffant, la seule échappatoire de Nahla est chez la voisine du dessus, Mme Jiji, femme libre et chez qui il se passe de drôles de choses. Film très prenant qui expose bien la difficulté d’être femme en Syrie (et encore ici, ne sont-elles pas voilées !). 

 
Printemps tardif date de 1949 et explore un thème fréquent chez Ozu : la désagrégation de la famille. Noriko, la vingtaine bien avancée, vit avec son père veuf, Shukichi, professeur d’université. Toutes ses amies de lycée sont désormais mariées, mais elle ne souhaite pas quitter son père. Une tante fait l’entremetteuse et tente de lui proposer un bon parti. Noriko hésite, mais comprend lors d’une représentation de théâtre no à laquelle elle assiste avec son père et où se trouve aussi une veuve que son père connaît par l’entremise de la tante, potentielle nouvelle épouse, qu’elle doit se sacrifier et partir. Le père ne veut pas être un frein égoïste et l’encourage à dire oui à un bonheur possible. C’est un film d’une finesse inouïe, jamais larmoyant, on rit souvent. Les acteurs sont parfaits (les mêmes que dans d’autres films d’Ozu) dans cette comédie humaine. Le bonheur aussi de retrouver un noir et blanc magnifié par la restauration. Superbe !


Et la soirée s’est achevée par la représentation sur Arte de l’opéra de Mozart, La flûte enchantée, en direct (ou léger différé) du Festival de Salzbourg. On sait que c’est avec Carmen et Pélléas et Mélisande mon opéra préféré. J’ai tenu jusqu’au bout, en dépit des costumes incompréhensibles (Papageno en garçon boucher alors qu’il est oiseleur, Tamina en ballerine de cirque alors qu’elle est censée être une princesse, etc...), des coiffures incroyables (la perruque de Pamina digne d’une mégère) et des décors bizarroïdes, quoique parfois assez beaux (le cirque). Pas sûr qu’un néophyte aura compris quelque chose à l’histoire (au contraire du merveilleux film de Bergman que je recommande pour s’initier à cet opéra), malgré la présence d’un narrateur qui contait l’histoire aux trois jeunes garçons intervenant de temps en temps dans l’intrigue pour guider Tamino et Papageno dans leur chemin, parti pris de mise en scène que j’ai trouvé acceptable. Mais enfin, il restait quand même Mozart, et que ne ferait-on pas pour écouter une fois de plus les airs exquis dont il a parsemé l’histoire ?

elle est belle, Pamina, n'est-ce pas ? Une princesse, ça ?

 

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