Gardet
disait : « L’homme n’est pas fait pour penser aux choses
sérieuses. Quand ils étaient croyants, ils pensaient des conneries,
maintenant ils en pensent d’autres. Mettez-vous bien dans votre
petite tête qu’à part les intellectuels, qui sont fous, les gens
ne pensent qu'à ce qu’ils vont faire ! »
(André
Malraux, Non : fragments d’un roman sur la Résistance,
Gallimard, 2013)
Cette
fois le
bilan moral
de ce que j’ai vu et entendu sur la marche du monde en 2016.
Argent :
toutes les banques proposent d’investir dans l’immobilier. d’où
la hausse effrénée des loyers, puisqu’un investissement exige un
retour, et un retour rapide et fructueux. Me promenant dans Toulouse, j’ai été effrayé de voir les
loyers proposés, approchant ou dépassant 2000 €. Sachant que le
salaire
moyen tourne autour de ce nombre, que plus de la moitié de la
population gagne nettement moins (souvent moins de 1000 €), que le chômage a explosé, et
qu’en fait il y a de plus en plus de pauvres, et que de toute
façon, il ne suffit pas de se loger, il faut aussi manger,
s’habiller, etc, cherchons
l’erreur !
Économie :
notre économie de pays "riches" (paraît-il) repose sur la
délocalisation de la fabrication d’objets manufacturés dans des
pays à salaires très bas (quasiment des "esclaves"), sur l’exploitation à notre profit des
richesses de leurs
sous-sols et
de leurs matières premières, sur le commerce des armes et la
provocation ou l’entretien des guerres nécessaires à ce commerce,
sur le blocus économique imposé à ceux qui ne veulent pas de notre
système, sur les dictatures que nous entretenons complaisamment tant
qu’elles ne touchent pas à "nos" intérêts (en fait, ce sont les intérêts de
l’oligarchie financière qui mène la danse), tout le monde est
satisfait. Sauf quand les armes nous retombent dessus (là, il s’agit
de terrorisme, mais nos bombardements à nous n’en sont pas, bien
entendu, ce sont de très honnêtes frappes chirurgicales),
sauf quand les peuples suffoqués par la misère, les guerres et les
dictatures que nous soutenons frappent à nos portes (là, ils exagèrent, puisque tout
ce que nous faisons, c’est pour leur bien). Cherchons
l’erreur !
La beauté des pierres nous console de la laideur des hommes : Paris
Élections :
aux USA, pour avoir une chance d’être élu, il faut être
milliardaire (Trump ou Clinton, même combat) ; en France, il faut être seulement millionnaire.
Sachant que les pauvres votent régulièrement pour les plus riches,
cherchons
l’erreur !
Informatique :
paraît qu’il va falloir faire notre déclaration de revenus (comme
de plus en plus de choses) par voie électronique : j’ai émis,
en portant ma déclaration papier en mai 2016, une protestation
explicite
et justifiée par
écrit, car
enfin, nul n’est obligé d’avoir un ordinateur, et donc le
service des impôts devrait en mettre à la disposition des usagers
(il est vrai que ces derniers sont devenus des clients).
À ce jour, je n’ai pas de réponse. Paraît que bientôt, on sera
aussi obligés d’en passer par là pour presque tout : plus de
guichets aux banques, à la poste, à la sécu, à Pôle emploi, dans les gares, etc,
mais
des automates partout.
A-t-on
pensé à tous ceux qui ne sont pas familiarisés avec cette
technologie dictatoriale ? Un ami nonagénaire, qui n’a pas
d’ordinateur et de toute façon, n’y voit presque plus, a chargé
son banquier de faire cette fameuse déclaration : estimons-la,
en comptant très large, à une heure de travail, ça lui est facturé
600 €. Cherchons l’erreur !
Justice :
Une
ancienne ministre, devenue directrice du FMI, reconnue coupable d’une
"négligence"
(attribuer 403 millions d’euros d’argent public à un homme
d’affaire douteux, ce
n’est sans doute d’ailleurs pas une négligence, mais plus
probablement une bagatelle pour ces gens habitués à jongler avec
les milliards)
est dispensée de peine. Un
ministre du budget, champion
de l’évasion fiscale (mais lui aussi ne jongle-t-il pas avec les milliards, ce qui le rend inconscient), est certes condamné (encore
a-t-il fallu presque quatre ans d’attente pour le procès),
mais purgera-t-il sa peine ? D’ailleurs,
son unique crime, c’est de s’être laissé prendre.
Par contre, un
jeune de 23 ans qui
vole
un fromage, parce
qu’il est
resté trois jours sans manger, a
commis un crime impardonnable : punition
immédiate
de
trois
mois de prison ferme, sans
doute pour que le malheureux ne reste plus trois mois sans manger.
Cherchons
l’erreur !
Idem pour la beauté des plantes
Solitude / vieillesse :
j’ai été frappé, en sortant de Louise en hiver, et en discutant
avec deux spectatrices, du fait que l’une reprochait au film de
mettre en valeur la solitude (« qui est terrible », me
dit-elle), l’autre de choisir une héroïne "vieille"
(« la vieillesse, c’est terrible », elle a dit). Elles
ont usé du même adjectif, n’ont vu dans le film qu’un aspect,
et finalement, n’en ont pas profité pleinement. Oui, la solitude
et le vieillissement peuvent devenir "terribles", mais à
nous de faire qu’ils ne le soient pas, sortons, causons,
ouvrons-nous aux autres, aidons les plus âgés, les plus démunis ou les plus jeunes et cherchons l’erreur !
Violence :
entendu à la radio la semaine dernière un historien "expert"
(comme tous ceux qui pérorent à la radio, où on ne convoque que
des experts et des spécialistes autoproclamés)
nous expliquer que nous vivions
une époque formidable, nettement moins violente que ne l’étaient
la Préhistoire, l’Antiquité, le Moyen âge, les Temps modernes,
et même notre
XXe
siècle, qui semble en effet avoir battu des records, avec
ses deux guerres mondiales, sa bombe atomique, ses camps de la mort,
l’usage
scientifique de la torture, la
guerre chimique au défoliant au Vietnam, etc.
Après son discours, aux infos, on
ne parlait que
d’attentats, de bombardements, de terrorisme, de drones
pratiquant des
assassinats ciblés,
de viols et autres joyeusetés dénuées, comme chacun sait, de toute
violence. Cherchons
l’erreur !
Idem pour la beauté des animaux
Oui,
nous vivons une époque formidable, comme disait l’autre...
Et
l’année à venir va être encore plus formidable !!!