Le silence de nouveau. Un silence absolu, lourd, agité. Momentané.
(Abdellah Taïa, L'armée du salut)
(Abdellah Taïa, L'armée du salut)
Ne pas croire que les nuits tangéroises sont affriolantes. Elles le sont sûrement, pour qui le désire, car comme le note Abdellah Taïa, "Aujourd'hui, au Maroc, il n'y avait que le sexe qui marchait, le sexe, le sexe, le sexe, du matin au soir, et même toute la nuit, du sexe partout, entre tout le monde, même à la mosquée. Le sexe, disait-il, c'est la matière brute de ce pays, son trésor, sa première attraction touristique." Et sans doute, beaucoup viennent ici pour ça.
Pour ma part, les nuits ont été propices à l'écriture, poétique surtout.
Je vous livre quelques poèmes écrits dans les nuits tangéroises, avant leur transformation définitive, donc bruts de décoffrage. Comme il y avait longtemps que je n'avais pas mis de poèmes sur mon blog, vous voilà servis !
LENTEUR
Dans le creux de ma main
les lignes s'entrecroisent
comme des voies ferrées
Il y a la ligne à grande vitesse, ma LGV
ligne de vie ligne de mort
puisque à quoi bon se presser vers le cimetière
Mais il y a aussi la ligne tortillard de montagne
ma ligne de chance
celle qui mène au bout du monde
ma ligne cosmopolite
celle qui rêvasse au soleil couchant
ma ligne impassible et tranquille
où s'accroche l'hameçon de mon destin
Ah ! Dieu, si tu es dans les parages
donne-moi chaque jour ma lenteur quotidienne !
LA BAIE
A l'orée du continent
la baie de Tanger, voilier qui appareille
vagabond de nuit d'ivresse
où s'effacent les destinations
nomade qui danse et dérive
dans les fumées du kif
et les échos de la nuit noire
soudain éclate le chant sacré du muezzin
fantasme d'irréel
MERS
Mais pour qui il se prend
l'océan vagabond
à faire le tour du monde sans passer au péage
Mais pour qui elles se prennent
ces montagnes nomades
à tutoyer le ciel et les nuages bas
Mais pour qui il se prend
ce fleuve impassible
à faire des méandres pour rejoindre la mer
Moi aussi je pourrais
boucler une circonférence
je tutoie bien Dieu
je trouverai un jour mon port
OEILLADE
Les reflets de la lune
ses yeux ronds dans le port intranquille
oeillade de Dieu ?
FUKUSHIMA
J'ai bien forgé l'orage, dit Dieu
Et le naufrage vient
la centrale noyée par les eaux
sonne l'hallali
du progrès
ligne droite qui tourne en rond
ILLETTRISME
C'était un soir de boisson triste
et de chansons à bras le corps
L'escale était au bouge
la bouteille à la mer
avait été posée dans l'aquarium
et le message avait l'air tranquille
du lecteur illettré
LES JOURS
Ô la douleur des jours
quand on rêve
qu'on sent l'appel des îles
qu'on se laisse bercer par le vent triste de la nuit
et qu'on mouille son âme
comme d'autres leur chemise
Ô le saignement de l'aube
quand on se pêche soi-même
pris au filet des cauchemars
quand on tente de sculpter le jour à venir
Mer, mer, ouvre-toi vite !
Je suis à toi !
MOUETTE
A force de hisser trop haut le mât de ses conquêtes
il était arrivé tout en bas
il s'enlaçait lui-même
pour étreindre son orgueil insensé
pour éteindre le cri rauque
du renoncement
semblable à une mouette
qui n'aurait pas
payé le droit de pêcher dans les vagues
Pour ma part, les nuits ont été propices à l'écriture, poétique surtout.
Je vous livre quelques poèmes écrits dans les nuits tangéroises, avant leur transformation définitive, donc bruts de décoffrage. Comme il y avait longtemps que je n'avais pas mis de poèmes sur mon blog, vous voilà servis !
LENTEUR
Dans le creux de ma main
les lignes s'entrecroisent
comme des voies ferrées
Il y a la ligne à grande vitesse, ma LGV
ligne de vie ligne de mort
puisque à quoi bon se presser vers le cimetière
Mais il y a aussi la ligne tortillard de montagne
ma ligne de chance
celle qui mène au bout du monde
ma ligne cosmopolite
celle qui rêvasse au soleil couchant
ma ligne impassible et tranquille
où s'accroche l'hameçon de mon destin
Ah ! Dieu, si tu es dans les parages
donne-moi chaque jour ma lenteur quotidienne !
LA BAIE
A l'orée du continent
la baie de Tanger, voilier qui appareille
vagabond de nuit d'ivresse
où s'effacent les destinations
nomade qui danse et dérive
dans les fumées du kif
et les échos de la nuit noire
soudain éclate le chant sacré du muezzin
fantasme d'irréel
MERS
Mais pour qui il se prend
l'océan vagabond
à faire le tour du monde sans passer au péage
Mais pour qui elles se prennent
ces montagnes nomades
à tutoyer le ciel et les nuages bas
Mais pour qui il se prend
ce fleuve impassible
à faire des méandres pour rejoindre la mer
Moi aussi je pourrais
boucler une circonférence
je tutoie bien Dieu
je trouverai un jour mon port
OEILLADE
Les reflets de la lune
ses yeux ronds dans le port intranquille
oeillade de Dieu ?
FUKUSHIMA
J'ai bien forgé l'orage, dit Dieu
Et le naufrage vient
la centrale noyée par les eaux
sonne l'hallali
du progrès
ligne droite qui tourne en rond
ILLETTRISME
C'était un soir de boisson triste
et de chansons à bras le corps
L'escale était au bouge
la bouteille à la mer
avait été posée dans l'aquarium
et le message avait l'air tranquille
du lecteur illettré
LES JOURS
Ô la douleur des jours
quand on rêve
qu'on sent l'appel des îles
qu'on se laisse bercer par le vent triste de la nuit
et qu'on mouille son âme
comme d'autres leur chemise
Ô le saignement de l'aube
quand on se pêche soi-même
pris au filet des cauchemars
quand on tente de sculpter le jour à venir
Mer, mer, ouvre-toi vite !
Je suis à toi !
MOUETTE
A force de hisser trop haut le mât de ses conquêtes
il était arrivé tout en bas
il s'enlaçait lui-même
pour étreindre son orgueil insensé
pour éteindre le cri rauque
du renoncement
semblable à une mouette
qui n'aurait pas
payé le droit de pêcher dans les vagues
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