jeudi 4 novembre 2010

4 novembre 2010 : princesses


Quand j'ai arrêté d'écrire, je me suis dit que la fiction, c'était peut-être ma façon de réduire la souffrance. De la maîtriser. Et surtout, de n'être jamais seul.
(Jean-Philippe Blondel, Blog)

Je me suis précipité au cinéma pour voir La Princesse de Montpensier le jour de sa sortie, ce qui est rare chez moi. Je préfère souvent attendre. Mais je voulais voir comment Tavernier, cinéaste que j'admire, traitait Madame de La Fayette, que notre cher président a involontairement remis au goût du jour, en prétendant qu'on n'avait pas besoin de la lire ! De plus, j'avais très envie de voir si surtout il s'en était mieux sorti que Jean Delannoy qui, en 1960, avait réalisé une Princesse de Clèves empesée et lourdingue, malgré les qualités d'interprétation de Marina Vlady et de Jean Marais et les dialogues de Cocteau. Et nul n'ignore que c'est mon roman préféré, le seul que j'ai lu quatre fois et que je ne devrai d'ailleurs pas tarder à relire.
La Princesse de Montpensier n'est qu'une assez brève nouvelle de l'auteur (trente pages) ; elle parle des mariages arrangés (comme dans La Princesse de Clèves) où les femmes sont « vendues » par les parents. Marie, l'héroïne, amoureuse du duc de Guise, épouse donc Montpensier. Ce dernier, partant à la guerre (nous sommes en plein dans les guerres de religion, l'histoire se déroule de 1567 à 1572), la confie à son vieil ami Chabannes, qui fut son précepteur, désormais au-dessus de la mêlée, lassé des tueries au nom du Christ et refusant de continuer à y prendre part. Chabannes lui apprend à écrire, lui fait découvrir la poésie, l'initie à la connaissance des étoiles et des plantes médicinales. Et, malgré son âge, la cinquantaine, il tombe à son tour amoureux d'elle : « Je croyais que l'âge m'avait affranchi des émotions amoureuses », lui dit-il. Mais Marie revoit Guise, et le duc d'Anjou, frère du roi, tombe aussi amoureux d'elle, et se montre presque plus jaloux que le pauvre Montpensier. Marie veut revoir une dernière fois Guise, et Chabannes se montre complaisant pour organiser cette entrevue. Il pousse même l'abnégation jusqu'à se substituer à Guise quand arrive le mari jaloux. Montpensier, le trouvant avec sa femme, mais ne pouvant se résoudre à tuer son ancien ami et précepteur, le chasse ignominieusement de la maison. Peu de temps après, Chabannes est assassiné pendant la Saint Barthélémy. L'ambitieux Guise fait à son tour un mariage qui l'arrange. Ainsi Marie de Montpensier a « perdu l'estime de son mari, le cœur de son amant et le plus parfait ami qui fut », comme l'écrit l'auteur à la fin de la nouvelle.
Tavernier a fait un film brillant, excellemment interprété, où l'amour est dans toutes les têtes et dans tous les corps. Au moment où je reviens du Maroc (je livrerai prochainement mes impressions marocaines), où comme au XVIème siècle chez nous, les parents choisissent les conjoints de leurs enfants (ça nous a été dit à plusieurs reprises), je me suis demandé, en voyant le film, si des histoires d'amour contrariées ne s'y déroulaient pas également. Tout le monde ne doit pas si facilement que ça accepter, comme la mère de Marie, que, tous comptes faits, finalement, c'est plutôt bien d'avoir échappé à l'amour... Il doit tout de même y avoir une souffrance à vivre avec quelqu'un qu'on n'aime pas. Mais peut-être que je me trompe et qu'en moyenne les mariages « arrangés »ne réussissent pas plus mal que les mariages « d'amour » ?

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