jeudi 3 avril 2008

26 mars 2008 : Des renards et des enfants


Petit déjeuner agréable, bien à l'abri dans la cuisine. On papote, surtout de l'enseignement. Mme F. fut institutrice. Soudain, par la fenêtre, son mari aperçoit un écureuil qui bondit de branche en branche, sans se soucier de la pluie fine et tenace. La beauté, l'agilité, l'adresse à l'état pur !

Je quitte mes hôtes qui m'ont chaleureusement accueilli. Equipé de pied en cap, avec mon armure anti-pluie (surpantalon, gilet à manches longues fluo, chapeau), je ressemble plus que jamais à Don Quichotte, et deviens sur mon vélo, alourdi par tout ce harnachement, aussi maladroit que lui sur sa rosse. Et que la route paraît longue sous cette pluie ininterrompue !
Pourtant, l'étape est brève, 27 km. Mais ça monte aussi, et après un passage à Mouchan - où je salue la mémoire des beaux-parents de ma sœur Anne-Marie, qui nous recevaient pour le repas de midi quand nous passions avec le bibliobus, entre 1975 et 1981 - il y a même de rudes côtes, celle de Mouchan, puis celle de Cassaigne. Sous mon armure peu respirante, je sue abondamment. Je croise un renard mort, écrasé par une voiture.
Objectif : l'abbaye de Flaran, fondée en 1151 dans la vallée de la Baïse, bâtie dans le style cistercien par des moines bourguignons. Après être devenue bien national sous la Révolution, et avoir eu des propriétaires privés, l'abbaye a été rachetée par le Département du Gers, restaurée et est devenue le centre culturel départemental. On peut visiter l'église romane, le cloître, en partie conservé, la salle capitulaire et le jardin de plantes aromatiques et médicinales.
Le dortoir des moines sert de salle d'exposition : on y voit en ce moment la collection Simonow. Ce philanthrope anglo-saxon, Michaël SIMONOW, présente ici une trentaine de trésors issus de grands noms, connus ou moins connus, d’artistes européens, tels Cézanne, Renoir, Matisse, Monet, Braque, Tiepolo, Rubens, Courbet, Rodin, Picasso... Et il y a aussi une exposition Ruszkowski, artiste du XXe siècle : ce peintre polonais, Zdzislaw Ruszkowski, peu connu en France, est pourtant un artiste reconnu outre-manche. Dans les années 30, son parcours personnel et esthétique est intimement lié à notre pays, et plus particulièrement à Cézanne, qui le fascinait par sa touche et ses paysages. Après la 2e Guerre Mondiale, il s’installe définitivement en Angleterre. Il travaille de manière plus personnelle sur la vie des formes et la construction en aplats des paysages de Cornouaille ou du Devonshire. A partir des années 50, la couleur et la lumière l’influence de manière fondamentale. Je ne manque pas d'ailleurs de visiter tout ça dans l'après-midi.
Mais pour l'heure, je suis accueilli par Juliette, animatrice culturelle à l'abbaye, qui m'emmène manger chez Lucy, un restaurant de routiers de Valence-sur-Baïse tout proche. Je range Rossinante dans la salle où je devrai tout à l'heure faire ma lecture. Christine, la bibliothécaire de la BDP, qui a organisé ma feuille de route, mange avec nous. Dans la salle bondée, le repas est copieux, digne du "routier" que je suis !
A 15 h, les enfants que je dois animer arrivent. Ils ont 6 à 8 ans, quatre garçons et quatre filles... Je m'adapte à ce public si particulier qui se love sur les couvertures mises à disposition devant le cyclo-lecteur. Mais mes textes ne s'adressent évidemment pas à un public si petit ! J'ai bien peur de les avoir déçus quelque peu. Un conteur eut mieux fait l'affaire : après le renard entrevu mort ce matin, le Roman de Renart aurait été bienvenu, et aussi médiéval que le cadre... Bof, ils ont l'air content, et avec leur animateur, se lancent dans des dessins, avant qu'un petit goûter accompagné d'une boisson ne les achèvent.
C'est égal, ils m'ont vidé. Je ne me sens pas capable de revenir à vélo jusqu'à Mouchan, où Juliette et son compagnon doivent me recevoir : trop de côtes, et toujours la pluie ! Rossinante restera ici, puisque de toute façon, Juliette doit ici même reprendre son travail demain matin à 9 h.
Juliette et son Roméo, prénommé Cyril (instituteur de son état dans un IME) viennent de Dijon : "Là-bas, on n'avait pas de voiture, ici, il nous en faut deux !" Ils ont acheté une magnifique maison rurale fort grande avec des dépendances et du terrain. Ils ont deux enfants : Gabriel, 5 ans, et Martin, 15 mois. Là, je me sens mieux à mon affaire, et je peux jouer avec eux.
Pour le repas, ils ont invité leur voisine Sarah, 82 ans, qui récupère Gabriel, rentré de l'école. A la bonne franquette. Un repas végétarien fort sympathique, la discussion est gaie et touchante. Martin couché, je leur propose une lecture à laquelle Gabriel assiste !
Et toujours la pluie, le baptême est complet !!!


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