mardi 12 août 2025

12 août 2025 : vive l'été !

 

le bonheur que j’avais vécu sur la route, félicité acquise au fil des rencontres mais aussi au cours de moments passés seul.

(Julien Leblay, Le tao du vélo, petites méditations cyclopédiques, Transboréal, 2016) 

 

 

                L'été est une saison assez bien aimée de la population : des enfants parce qu'il n'y a pas école, des adultes parce que c'est le moment des vacances, des citadins et des cyclistes parce qu'ils voient les villes délestées des voitures si encombrantes et si bruyantes pendant le reste de l'année, des vieux comme moi parce que dans l'ensemble, on est plus tranquille, les trublions préférant la foule et la fête... Mais certains détestent l'été : les habitants des communes touchées par l'excès de tourisme, et tous ceux qui ne supportent pas la chaleur.

                    En tout cas, je supporte bien la chaleur (je me déplace principalement à vélo, et comme je le répète sans cesse, quand il fait très chaud, on souffre moins à vélo qu'à pied, ce que je constate à chaque sortie en ce moment, puisque je marche aussi à pied), je suis ravi qu'il reste moins de voitures à Bordeaux, et je ne change pas mon mode de vie : je me lève plus tôt qu'en hiver, suivant ainsi le soleil, et je fais ma petite balade à vélo d'une durée d'une heure à une heure trente à la fraîche, partant au plus tard à 8 heures du matin. Je redeviens un enfant (ai-je seulement cessé de l'être ?) levé tôt quand on allait à la pêche dans l'Adour avec mon père qui nous réveillait à l'aube.     

                    Et puis, de toutes les saisons, c'est l'été qui me comble le plus. Il ne m'empêche pas de voir un peu de famille et d'amis, de voyager un peu, de rêver, de lire, d'aller au cinéma, de me dévêtir parfois pour une baignade, de me promener dans les bois, d'admirer les fleurs et de n'avoir pas... froid ! Eh oui, j'aime moins le froid  hivernal et les pluies trop nombreuses des saisons intermédiaires. Ciomme je disais à mes parents après avoir obtenu me licence : "Je ne travaillerai jamais à Bordeaux, il pleut tout le temps". Le nombre de parapluies que j'ai dû acheter, les perdant assez rapidement sur un banc de la fac ou une chaise de bibliothèque, quand ce n'était pas au cinéma.      

                        Alors, on peut critiquer le climat actuel, le réchauffement climatique, les canicules à répétition,  je continue à préférer l'été à l'hiver, non seulement plus froid, mais me privant de lumière, cette lumière qui, à mon âge, m'est très nécessaire. 


    

                

 

 

lundi 11 août 2025

11 août 2025 : vieillerie

 

Une vieille carcasse, soupirait-il, je suis devenu un vieux manche à balai, une cafetière cabossée, un moteur qui tousse, un sommier déglingué.

(Philippe Claudel, Le chasseur de cauchemars, in Le monde sans les enfants,, Stock, 2006)

 

                Il faut que je me fasse une raison : la vieillesse est là qui me torpille un peu plus chaque jour. Je vois la lenteur avec laquelle j'accomplis toute tâche : me lever, m'habiller, faire ma toilette, prendre mon petit déjeuner, faire mes balades à vélo si utiles le matin de bonne heure en ces temps de canicule (aujourd'hui j'ai beaucoup pensé à Claire, dont c'était la fête, j'ai fait un beau parcours d'une vingtaine de km en cet honneur, en démarrant à 7 h 30), lire, me décider avant de choisir un livre ou un film. Et même penser à mes ami(e) esseulé(e)s, à qui un coup de fil ou un sms procurerait un grand plaisir : il m'arrive de les négliger.

                Heureusement, je prends le temps de continuer à envoyer des cartes postales, mais je me rends compte que n'y mets pas la même énergie, que j'oublie certain(e)s de mes ami(e)s qui sont loin d'être aussi pourvu(e)s que les autres de ces cartes traditionnelles, qui jouent si fort pour entretenir l'amitié. De plus, j'y écris dessus des banalités à pleurer dont j'aurais eu honte il y a vingt ans.

                Et puis, il y a les nouveaux ami(e)s. Peu à peu, j'élargis mon champ avec de nouveaux groupes avec les affinités électives qui vont avec, et comme en général ils (elles) sont de Bordeaux, si je sens qu'ils (elles) sont esseulé(e) eux (elles) aussi, il faut que je programme des visites ou qu'on se voit en ville, ou qu'on se planifie des sorties communes. Alors même que je fais toutes choses de plus en plus lentement.

                Je ne regrette rien, ma vie est bien remplie, je rencontre les unes et les une avec un plaisir certain. Et je suis ravi de conserver un optimisme inébranlable, de continuer à oublier rapidement toutes mes mésaventures désagréables, et à garder en mémoire seulement les petits bonheurs qui m'arrivent : une rencontre nouvelle, un livre qui me séduit, un film puissant, un moment de vie éblouissant, un arbre charmeur dont j'ai envie d'enserrer le tronc, une fleur qui me touche, un arc-en-ciel inattendu, un enfant qui me sourit, une vieille dame qui me demande de l'aider, un nuage dont les formes m'enchantent, etc...          

                Mais le corps et, parfois, l'esprit ne suivent plus. Ainsi, j'ai crevé à vélo deux fois cette année, et dans les deux cas, j'ai apporté mon vélo à réparer chez des professionnels, comme si je ne savais plus changer une chambre à air ! La maladresse aussi fait des ravages. Pour mes déplacements, j'attends de plus en plus le dernier moment pour prendre mes billets. Je procrastine pas mal, ce qui est très nouveau pour moi. Ne parlons pas de l'écriture manuelle, qui est devenue un pensum : j'écris mes lettres à l'ordinateur, et j'en écris de moins en moins.

                 Quant à mes chantiers de manuscrits, ils sont aussi lents à voir le jour que ceux des centrales nucléaires du gouvernement. Je n'ai rien publié depuis 2017 et ma nouvelle Mais délivre-nous du mâle ! C'est bien la preuve que je ne suis pas un écrivain, mais un "écrivant" selon la distinction de Roland Barthes dans Le Degré zéro de l'écriture. Mais je m'en fiche un peu, je sais que je suis un dilettante de la plume.


                Et je m'apprête à participer fin septembre au 2ème Contre-salon des Vieilles et des Vieux organisé à Bordeaux par le CNAV (Conseil National autoproclamé de la Vieillesse)

 "3 Jours au Marché des Douves de rencontres, de partages, de réflexions, de spectacles qui réuniront des Vieilles et des Vieux qui veulent être entendus sur la place qu’ils souhaitent dans la société, qui veulent nouer des contacts et créer des ponts entre les générations avec écoute, bienveillance et joie". Youpi !


 

jeudi 7 août 2025

7 août 2025 : chanson du mois : ils étaient trois garçons

 

l’amitié est une des plus grandes choses qui soient. Et pour moi, toute relation de couple solide et durable, c’est d’abord une vraie amitié entre deux êtres qui s’aiment, parce qu’ils s’estiment et ont une vraie complicité.

(Frédéric Lenoir, La consolation de l’ange, Albin Michel, 2019)

 

                L'été est pour moi l'occasion de me souvenir des années de monitorat en colonies de vacances qui ont sans doute pour moi été les plus merveilleuses pages de ma vie. Et combien je regrettais de ne pas y avoir été moi-même quand j'étais enfant. J'avais toujours le sourire, je me suis rendu compte que je m'y prenais bien avec les enfants, je savais les faire jouer, nous faisions de longs jeux de piste en montagne, on découvrait la nature, et c'était une époque où on chantait beaucoup : en marchant pendant les balades, ou au camp pendant les veillées. Ces chansons sont restées gravées dans ma mémoire, et je me les chante encore volontiers dans ma tête.

                C'était aussi le temps de l'amitié, avec les jeunes colons, mais aussi entre moniteurs et monitrices. Et je me rends compte aujourd'hui que l'amitié a été la plus grande affaire de ma vie. Elle avait certes débuté à l'internat du lycée que je n'ai pas du tout considéré comme une prison (c'était l'avis de mon frère aîné), mais comme un lieu de découverte de la littérature (on avait beaucoup de temps pour lire à l'étude d'après dîner), de la rêverie, de la solitude, de l'admiration (de quelques profs) et de l'amitié (au point que je n'ai jamais perdu de vue mon ami d'adolescence, que je revois encore de temps en temps).

            Je vous livre aujourd’hui cette toute petite chanson qui marchait très bien avec les enfants.

Ils étaient trois garçons



Ils étaient trois garçons (bis)
Leur chant, leur chant emplit ma maison. (bis)


Ils semblaient si joyeux (bis)
Que je voulus partir avec eux. (bis)


Amis, où allez-vous? (bis)
Je suis si triste et si las de tout. (bis)


Ami, viens avec nous (bis)
Tu connaîtras un bonheur plus doux. (bis)


Tu connaîtras la paix (bis)
Bien loin, bien loin de ce qui est laid. (bis)


Ils étaient venus trois (bis)
Quatre s’en furent le cœur plein de joie. (bis)

Pour l'écouter

https://www.youtube.com/watch?v=kxjTNZFbpaM



mercredi 6 août 2025

6 août 2025 : le poème du mois

 

Tant que tu ne m’oublieras pas, je vivrai dans ton cœur.

(Toshikazu, Kawaguchi, Le café où vivent les souvenirs, trad. Géraldine Oudin, Albin Michel, 2023)

 

                En ouvrant le livre de Erri De Luca Le contraire de un (Gallimard, 2004), je tombe sur le premier texte, que je suppose être un vibrant hommage de l'auteur à sa mère. Je vous le soumets comme poème de ce mois d'août. Ce texte me rappelle mes chers disparus, comme j'en serai bientôt un, pour ceux qui m'ont aimé.

            Erri De Luca est un auteur italien que je suis depuis une vingtaine d'années : aucun de ses livres ne m'a déçu !


            MAMM'EMILIA

 

En toi j'ai été albumen, œuf, poisson,

les ères sans limites de la terre

j'ai traversé dans ton placenta,

hors de toi je suis compté en jours.

 

En toi je passé de cellule à squelette,

un million de fois je me suis agrandi, 

hors de toi l'agrandissement a été immensément mineur.


Je suis éclos de ta plénitude

sans te laisser vide parce que le vide

je l'ai emporté avec moi.


Je suis venu nu, tu m'as couvert

ainsi j'ai appris nudité et pudeur

le lait et son absence.


Tu m'as mis en bouche tous les mots

par cuillerées, sauf un : maman.


Celui-là le fils l'invente en battant ses deux lèvres

celui-là le fils l'enseigne.


De toi j'ai pris les mots de mon lieu,

les chansons, les injures, les blasphèmes,

de toi j'ai écouté mon premier livre

derrière la fièvre de la scarlatine.


Je t'ai aidé à vomir, à cuire les pizzas, 

à écrire une lettre, à allumer un feu,

à finir tes mots croisés, je t'ai versé du vin

et j'ai taché la table, 

je ne t'ai pas mis de petit-fils sur les genoux

je ne t'ai pas fait frapper à une prison

pas encore,

de toit j'ai appris le deuil et l'heure où y mettre fin,

je ressemble à ton père, à ton frère,

je n'ai pas été fils.

De toi j'ai pris les yeux clairs

pas leur poids

à toi j'ai tout caché.


J'ai promis de brûler ton corps

de ne pas le donner à la terre. Je te donnerai au feu

frère du volcan qui orientait notre sommeil.


Je te répandrai dans l'air après l'averse

à l'heure de l'arc-en-ciel

qui te faisait ouvrir grand les yeux.