L’attente est un des moteurs les plus forts de la vie.
(Enis Batur, La maison aux livres, trad. François-Michel Durazzo, Zulma, 2022)
Hier jeudi, je savais que ça allait être une grosse journée de canicule. Je me suis souvenu des pays chauds où j’ai vécu longuement (Guadeloupe) ou passagèrement (Côte d’Ivoire, Cuba, Madagascar)… Encore que, dans aucun de ces pays je n’ai vécu une chaleur de ce genre. Mais j’y avais appris que, si on veut profiter des meilleures heures, il faut se lever tôt.
Et donc, hier jeudi, je me suis levé à six heures. Mes préparatifs du matin, petit déjeuner, toilette, gymnastique, prière, crémage des pieds et habillage, m’ont pris une heure et quart. J’ai pris mon vélo, je suis sorti dans le couloir, nous avons pris l’ascenseur, et cinq minutes après j’étais dehors, prêt à partir pour faire le tour du Lac. En fait, pour éviter des travaux, j’ai pris une autre direction ; je me suis dit que j’allais traverser la Garonne par le Pont Chaban-Delmas, puis longer le rive droite, et revenir par le Pont de pierre, puis rentrer chez moi. C’est un circuit que je n’avais pas encore fait avec ma nouvelle bicyclette et j’anticipais déjà les plaisirs qu’il allait me procurer.
Le jour avait pointé, "l’Aurore aux doigts de rose", comme dit Homère, me nimbait de ses couleurs fraîches. L’air était relativement doux. Peu de circulation automobile (« Que les vacanciers restent où ils sont », pensais-je). Par contre, sur les trottoirs, les quais et les pistes cyclables, de nombreux coureurs à pied (à 90 % masculins) faisaient admirer leurs mollets et leurs cuisses, et j’étais un peu jaloux, moi dont les muscles ont fondu pendant mon séjour hospitalier et sont loin d’avoir retrouvé leurs formes d’avant.
Heureusement, un spectacle fabuleux vint me distraire, me forçant à poser pied à terre au milieu du pont-levant (Chaban-Delmas) : le soleil émergeait derrière les collines de Lormont. Et c’était comme un premier matin, totalement inédit. Bientôt la Garonne scintilla, et mon cœur bondit, et j’eus envie de chanter la chanson de Nana Mouskouri : C’est bon la vie :
Doucement, me bouscule pas,
Laisse-moi prolonger l’aube
Et chanter n’importe quoi…
J’ai attendu quelques minutes, le temps de laisser au roi Soleil le temps de finir d’émerger, de ressentir déjà la force de ses rayons sur ma peau tendue, et j’ai atteint la rive droite et le chemin cyclable assez ombragé, d’où j’apercevais de l’autre côté la ville portuaire et la perspective de ses magnifiques maisons et immeubles. Croisant les nombreux coureurs, je regrettais d’avoir arrêté en 1990, contraint et forcé par les médecins qui jugeaient mon dos abîmé (un disque lombaire usé) et m’ont conseillé le vélo où l’on est porté. D’ailleurs depuis qu’il fait si chaud, je ne cesse de dire à ma famille et à mes amis qu’on a bien moins chaud à vélo qu’à pied (ils en doutent un peu et me croient seulement du bout des lèvres : « Mais tu dois t’échauffer quand même, en pédalant », rétorquent-ils, et je leur réponds : « Faites-en l’expérience !) »
Bref, dans cette journée d’enfer, ce fut un coin de paradis et je suis revenu heureux comme tout. Parfois, les petits bonheurs nous tombent dessus, comme ça.
Je n'avais pas d'appareil de phot ni de smartphone (je me garde bien d'être importuné quand je suis à vélo) ; voici donc une autre photo de lever de soleil de ma fenêtre)
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