Il m’arrive de penser "pas maintenant" quand je vois le nom sur l’écran [du téléphone], et mon sentiment de culpabilité est compensé par le soulagement de pouvoir me soustraire au besoin de s’épancher de mon entourage.
(Jens Christian Grøndahl, Quelle n’est pas ma joie, trad. Alain Gnaedig, Gallimard, 2018)
le Campanile, la Basilique et le Palais des Doges
Ma famille (du moins mes sœurs qui m'ont assisté à mon départ jeudi soir) s’est terriblement inquiétée de n’avoir pas de nouvelles durant ces trois jours. C’est que mon téléphone ne marchait pas à Venise, celui de Nadia non plus (du moins la nuit de notre arrivée). J’avais commis l’erreur de dire à mes sœurs que j’enverrai un sms ! C’est incroyable comme la peur domine les esprits. Si encore j’avais été seul, je crois qu’une arrivée à Venise en pleine nuit aurait eu de quoi les inquiéter. Je leur ai portant dit mille fois de ne pas s’inquiéter : ça ne leur fait pas de bien, et ça ne m’en fait pas à moi non plus de savoir qu'elles s'inquiètent ! Voilà où on en est à l’heure du smartphone triomphant : il faut faire savoir où on est à tout instant.
l'île principale et les Giardini vus du Campanile de San Giorgio Maggiore
On sait bien que j’aime voyager seul. Et, d’une certaine façon, je n’aime pas du tout la connexion perpétuelle. Je crois bien que mes voyages les plus heureux furent ceux où personne ne s'inquiétait de moi (je l'espère du moins) : mes périples à vélo en solo et ceux en cargo, où là, j’étais totalement déconnecté, bien qu’en compagnie de l’équipage et d’autres passagers. J’ai toujours été surpris, au cours de certains voyages de groupe (Cuba, Madagascar, Roumanie, et dans une moindre mesure Marrakech et Venise), par l’usage intensif du smartphone qu’en faisaient ses adeptes, qui m’ont toujours paru totalement soumis à leur engin-doudou. Ce fut bien sûr le cas à Venise avec mes deux ados. Qu’ont-ils vu de Venise, quand 80 % de leur temps, ils avaient l’œil rivé sur leur machine ? J’espère qu’ils en ont quand même retenu quelque chose.
nous passons en gondole sous le Pont des soupirs
Le premier jour, on a dû les réveiller vers 10 h pour pouvoir partir à la visite de la ville vers 11 h. Au programme, vaporetto jusqu’à San Marco, où nous avons fait une promenade en gondole d’une demi-heure sur les canaux du quartier avec passage sous le Pont des soupirs. Puis vaporetto vers l’île de San Giorgio Majore, située juste en face, où nous sommes montés au sommet du Campanile pour avoir une vue panoramique de Venise, puis balade sur cette petite île et visite d’expositions dont une consacrée à de grands artistes contemporains qui utilisent le feu pour leurs œuvres. Puis retour à l’hôtel, car ils avaient tous trois si peu dormi de la nuit (compte tenu de leur repas de ramadan à 4 h du matin, tandis que je dormais paisiblement, avec mes bouchons d’oreille et mon bandeau sur les yeux) que je les ai laissés pour une longue sieste et suis allé annuler ma réservation à l’hôtel que j'avais réservé.
fauteuil détruit par le feu à l'expo
J’ai pris un apéritif et écrit mes cartes postales dans un café proche de l’hôtel, puis j'ai retrouvé la petite famille pour aller au restaurant vers 20 h, à l’orée de la nuit. Les ados ont commandé des pizzas, Nadia des spaghettis aux fruits de mer, et moi des penne à l’arrabiata (j’adore cette sauce piquante). On s’est d’autant plus facilement passé de dessert qu’ils voulaient goûter aux fameuses glaces de Venise. Puis je les ai entraînés vers une visite nocturne du quartier du Dorsoduro et nous avons traversé le pont de l’Accademia et nous sommes assis sur un banc du "campo" voisin.
un des rois Kong de Richard Orlinski dans un beau petit parc public
Le deuxième jour, scénario presque identique pour la nuit et le matin. Vers 10 h et demi, nous sommes partis en vaporetto jusqu’à la station Arsenale pour nous promener un peu sur les quais puis entrer au Musée d’histoire navale admirer un peu l’histoire maritime de Venise : nombreuses maquettes de bateaux, figures de proue, une galère vénitienne entière au dernier étage, costumes, armes, etc. Je savais que ça plairait aux ados et ils étaient contents. En sortant, on s’est approchés des Giardini et nous nous sommes arrêtés dans un petit parc où il y avait des sculptures d’animaux et de monstres colorés (King Kong, ours, cheval, etc.). J’ai pris mon déjeuner succinct d’aliments (piqués au petit déjeuner de l’hôtel), puis nous avons repris le vaporetto pour le Lido, cette fois, traversant la lagune.
Au Lido, nous avons retrouvé la circulation automobile (et regretté l'île principale) ; ils ont acheté au supermarché de quoi se sustenter la nuit prochaine. Et je leur ai proposé de rejoindre la plage pour prendre le soleil et voir la mer. Près de la jetée, nous avons découvert un vélo échoué et couvert d’algues. On a prolongé la promenade jusqu’au Palais du Festival de cinéma et vu un curieux restaurant-snack installé dans un bus à étage. Puis nous avons pris un bus pour revenir à l'embarcadère du vaporetto. Au total, cinq bons km à pied, car l’île est longue.
le snack du Lido
Il était environ 16 h. Les ados avaient repéré, dans la nuit d’arrivée, près de la gare, un magasin Nike®, et voulaient y aller. Qu’à cela ne tienne, le vapoertto est direct du Lido à la gare, mais assez long, preque une heure, avec de nombreux arrêts. Je savais qu’ils seraient déçus. Mais il fallait leur laisser faire l’expérience ! Nous sommes descendus, je suis resté sur le quai, pendant qu’il y pénétraient. Cinq minutes après, ils me rejoignent : « C’est deux fois plus cher qu’à Bordeaux ! » Je leur fais reprendre le vaporetto pour descendre à la station Rialto mercato ; je savais le marché fermé, mais les marchands ambulants de souvenirs devaient trôner dans le coin. Je voulais y acheter des vêtements pour tout petits pour les jeunes enfants du gardien de ma tour et pour la petite fille des Bangladais. Affaire conclue.
près de la jetée le vélo échoué
il aurait fallu descendre pour m'approcher et j'ai eu peur de tomber sur les rochers
Et on traverse le pont du Rialto (une des curiosités de Venise) avant de reprendre le vaporetto, et refaire de jour le chemin qu’on a pris de nuit de la station San Toma jusqu’à l’hôtel ; vers 19 h, je descends manger seul au restaurant, en terrasse où j’observe des jeunes enfants (8-9 ans) faire du foot (l’un d’entre eux jonglait très bien avec le ballon). Nadia, Wissem et Wadi font une courte sieste, et on se retrouve à 20h 30 sur le campo, où ils achètent des portions de pizzas à manger sur un banc de la place, avant d’achever par une nouvelle tournée de glaces. Puis dernière promenade nocturne, où l’on croise des fêtards bruyants.
table avec roues de vélo dans une autre expo (oeuvre de Tavolo Gae Aulenti)
Nuit très courte (ponctuée par le petit déjeuner du ramadan) et réveil à 5 h pour tout le monde, afin de rallier le vaporetto jusqu’à la gare routière, puis le bus bondé vers l’aéroport. Au contrôle, on nous demande le pass sanitaire. Comme en septembre, on ne nous a pas demandé la fiche de traçabilité numérique européenne ni à l’aller, ni au retour : les employés de l’aéroport ont d’autres chats à fouetter ! Cette fois, l’avion n’a pas de retard. Et on arrive à Bordeaux à 11h, où on ne nous demande pas non plus la fameuse attestation de déplacement vers la France métropolitaine depuis les pays tiers : comprenne qui voudra toute cette paperasse inutile !
dans un autre parc, des têtes de chevaux sculptées
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