mercredi 14 juillet 2021

14 juillet 2021 : triste fête "nationale"


Nous traversons des périodes compliquées, si on a les moyens d’aider, de faire du bien autour de soi, il ne faut pas hésiter.

(Romain Sans, Réforme, n° 2887, 25 février 2021)


Ah ! Que c’est beau, tous ces costumes rutilants, ces armes étincelantes, ces hommes dressés et disciplinés qui marchent au pas cadencé, ces avions, ces hélicoptères, ces chars d’assaut et autres matériels militaires, ces gendarmes, ces soldats, ces policiers, ces marins, etc ! Ah, on sent qu’on est bien gardé et sécurisé, dorloté, conforté dans un monde placide et presque humain, loin de ces endroits où la guerre hurle, tue (si encore ce n’était que des militaires, après tout, c'est leur métier, mais depuis belle lurette, ce sont essentiellement les civils qui trinquent, voir la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, le Soudan, la Palestine, etc.), à peine entraperçue dans nos petites lucarnes pour ne pas troubler notre sommeil ? "Affreux ? Mais il n’y a que le départ qui soit affreux, on vous laisse partir… C’est ça, c’est ça !… qui est affreux", dit un blessé de guerre dans le beau recueil de nouvelles du Hongrois Andreas Latzko, Hommes en guerre (Agone, 2003), paru à l'origine en 1917. 

 


Ah ! Que c’est beau, de voir défiler tout cela, bien à l’abri sur nos canapés. Et, pendant ce temps-là, des hommes en meurent, à cause de nous. Car, en admirant ces armes qui défilent, nous sommes complices, non seulement de l’usage qu’en font nos soldats sur des champs d’opération, mais des marchands d’armes, mais d'un commerce éhonté et largement clandestin, mais des dictateurs de tout poil qui les achètent et s’en servent en grande partie pour mater leurs peuples (et nos "démocraties" n’en sont pas exemptes, voir les traitements infligés aux gilets jaunes chez nous, les violences policières contre les minorités aux USA, contre les Indiens en Amazonie brésilienne, etc.)…

Ça donne envie de dégueuler. Liberté du commerce : oui, pourquoi pas ? Mais c’est bien le seul mot de notre belle devise que l’on porte haut : liberté économique, liberté des mouvements de capitaux, liberté pour les oppresseurs, pour les mafias qui nous gouvernent. Mais pour nous, qui voulons surtout garder de notre devise les beaux mots d’égalité et de fraternité, et voudrions les mettre en avant, il ne reste que peu de chose : le travail des individus et des associations qui pallient les manquements de l’État.

Mes protégés bangladais viennent de recevoir une bonne nouvelle : l’épouse, nantie d’un bébé de deux mois, vient de recevoir un titre de séjour temporaire (six mois), avec possibilité de travailler (!). Mais le mari, lui, doit refaire une autre demande, car il n’a pas été pris en compte. Ce qui l’oblige à travailler au noir, avec tous les risques que ça comporte, s’il se fait prendre ! Je continuerai à les aider, autant que je peux. Mais je suis triste, en un jour que devrait être un jour de fête, comme la Fête de la Fédération, qui fut célébrée le 14 juillet 1790, pour saluer la Prise de la Bastille de façon fraternelle et égalitaire, et qui n’avait aucun caractère militaire. 

Au sujet des migrants, un excellent roman vient de paraître en français : de Milena Agus, Une saison douce (trad. Marianne Faurobert, L. Levi, 2021). Un groupe de migrants venant de divers pays est assigné à résidence provisoire, accompagné d’une dizaine d’humanitaires, dans un hameau perdu de Sardaigne : comment les habitants vont-ils accueillir ces intrus ? Je ne veux pas dévoiler l’intrigue, mais c’est très beau. Et samedi dernier, je suis allé à la clôture du Refugee food festival qui avait lieu au Garage moderne, lieu associatif au départ garage de mécanique pour voitures et vélos (où on peut apprendre à réparer soi-même), cantine où on peut manger pour pas cher et, pendant le confinement, qui proposait des paniers repas aux nécessiteux et SDF. Il y avait là l'association SOS Méditerranée, qui projeta le documentaire Boza consacré à leur bateau l’Aquarius, et des groupes musicaux. Et, pour conclure, un repas festif destiné à faire connaître les cuisiniers réfugiés, dont un Tibétain et un Arménien. Ça console et nous fait croire encore à l’humanité !

 

Aucun commentaire: