mercredi 6 janvier 2021

6 janvier 2021 : lectures de romans

 

La fin du monde ! belle affaire ! Avec cela qu’elle est si gaie la vie pour ceux qui ont toujours la dent creuse et la colonne vertébrale en arc de cercle ?

(Ernest Gégout, Jésus, Théolib, 2012)



Eh bien, j’ai fini l’année et débuté la nouvelle avec de belles lectures, surtout de romans, mais aussi de quelques essais qui m’ont revigoré, requinqué même. Je me rends compte qu’il me reste tant de livres à lire, que ce soit dans ma bibliothèque où je déniche des pépites, où à la bibliothèque-médiathèque de Bordeaux, y compris celle de mon quartier, car pour l’instant je vais fort peu en ville, où la bibliothèque centrale est super bien pourvue… Voici donc quelques lectures récentes dont un prix littéraire 2020, le prix Renaudot.

Commençons par un classique, Pauline, un roman de 1838 de Dumas (Alexandre, le grand), un de ses romans contemporains et non pas historique

Il se présente sous forme de deux récits emboîtés dans un troisième où le narrateur n’est autre qu’Alexandre Dumas. Il retrouve un vieil ami, Alfred de Nerval, qui lui raconte l’aventure étonnante de Pauline, jeune femme dont il fut amoureux et qui est morte. Le premier récit enchâssé, raconté par Alfred de Nerval, narre la rencontre avec Pauline qui, en son absence, a épousé le comte Horace de Beuzeval. Il sauve Pauline d’un emprisonnement dans les souterrains d’une abbaye normande en ruine. Pauline raconte au jeune homme son histoire, second récit enchâssé, où Pauline est la narratrice : elle lui conte la rencontre avec son futur mari qu’elle épouse sans amour et qui lui tend un piège quand elle découvre ses secrets. Alfred redevient alors le narrateur et conte leur fuite en Angleterre, puis en Italie, après qu’il ait tué le comte en duel. C’est un roman romantique, avec des aspects gothiques (le château, l’abbaye, les souterrains), un personnage diabolique et une belle histoire d’amour-amitié. Un plaisir de lecture, comme souvent avec Dumas.

Continuons avec River de Claire Castillon, dont je n’avais lu jusqu’ici que des recueils de nouvelles fort réussies. Cette fois-ci, il s’agit d’un roman publié dans une excellent collection pour ados, Scripto (Gallimard).


River est le prénom d’une jeune fille de quinze ans, en dernière année de collège ; elle est bizarre, pas tout à fait dans la norme (heureusement, même si c’est plus difficile à vivre), hypersensible, maladroite, le « boulet » de la famille composée d’un père un peu effacé, d’une mère ultra-protectrice et d’une sœur plus âgée d’un an, avec qui elle partage la chambre et qui est la narratrice de ce roman. La nuit River réveille tout le monde par des hurlements affreux, consécutifs à ses cauchemars. Mais ses peurs sont bien réelles : un groupe de collégiens, les trois T, menés par un quatrième harceleur, Alanka, la menacent. Sa sœur, douée, brillante, intelligente, à qui elle se confie un peu, n’arrive pas à l’aider. River n’a pas d’amies : elle est trop « zarbi ». Le harcèlement prend des proportions graves et elle est obligée d’en parler à ses parents qui alertent l’administration du collège. Claire Castillon brosse le portrait d’une anti-héroïne, adolescente harcelée, plongée dans un univers hostile. Heureusement il y a une de ses deux grands-mères avec qui elle a su nouer des liens. Un beau roman sur l’adolescence et la différence.

Quant au prix Renaudot, c’est Histoire du fils, de Marie-Hélène Lafon, auteure que j’avais rencontrée à la Bibliothèque de prison de Poitiers et qui m’avait beaucoup plu.


Ce roman évoque la quête d'identité d'un homme qui n’a pas connu son père et que sa mère a confié tout petit à sa sœur et son beau-frère, comme enfant surnuméraire nanti de trois cousines plus âgées et qui vont le bichonner. Le récit est fait de chapitres qui se suivent dans un désordre chronologique de 1908 à 2008 : épisodes qui font naviguer le lecteur d’Aurillac à Figeac, de Chanterelle (Cantal) à Paris. Une fois le premier moment de surprise passé, on est ébloui par la construction, et on découvre peu à peu les secrets de famille, et on finit par retomber sur ses pieds, même si c’est seulement le fils du héros qui lève les dernières vérités sur le père du bâtard ! Une écriture simple, mais très concise et toujours juste, nous permet d’explorer les zones d'ombre, les trous d’une vie de famille. Il y a très peu de dialogues et pourtant on ne s’ennuie jamais. Le héros, André a grandi aimé, choyé, entouré, mais un jour, il découvre qu'il a un père. Il lui faudra attendre d’engendrer lui-même un fils pour essayer de retrouver sa trace. Un roman à la fois banal et dense et une prouesse d'écriture : j’ai aimé tous les romans de cette auteure que j’ai lus. Content qu’elle ai dégotté un grand prix littéraire !

Terminons sur Les yeux fumés de Nathalie Sauvagnac, le roman des cités de banlieue, forcément noir, sans être pour autant un roman policer : non, un roman social sur des gens dont on parle peu. 


Philippe, dix-huit ans, au chômage n’a jamais quitté la cité qui l'a vu naître et où il zone. Délaissé par sa mère au profit de son frère aîné plus brillant que lui, avec un père totalement effacé, des amis qui zonent eux aussi, sans but, Philippe est mal barré. Il déambule sans fin. Un roman d’une noirceur et d’une rudesse absolues, qui se lit d'une traite. Le mal-être de l’adolescent incapable de devenir adulte, l'étroitesse de ses perspectives, la tension provoquée par ses envies de liberté, laissent peu de place à la respiration du lecteur et on retient son souffle. Le personnage principal et narrateur est totalement immergé dans sa cité et je n’ai pu m’empêcher de penser aux zonards de mon quartier qui semblent tout autant dénués d’espoir. Et pourtant, on s’attache à Philippe, personnage bien campé. Un roman qui laisse des traces, une auteure à suivre.


Et un regard protestant sur la culture en berne, avant mon prochain départ pour quelques jours à Poitiers :

https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/ouvrez-les-lieux-de-cultes-et-de-cultures/?

 

 

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