jeudi 8 février 2018

8 février 2018 : un juste


Pour Simone Weil, c’est là le tout du sens moral et c’en est toute la difficulté : être capable de se rendre attentif à la réalité, d’être concerné, modifié, voire défait par ce qui est.
(Gérard, Valérie, préface à Weil, Simone, Amitié : l’art de bien aimer, Rivages poche, 2017)


Vous savez que je lis peu la presse, presque en totalité inféodée aux puissances d’argent, et qui est parasitée par la publicité. Même Télérama, auquel je suis abonné depuis 1970, est devenu un sac à pubs, dont le contenu informatif a fortement baissé. Mes seules lectures hebdomadaires sont donc L’humanité-dimanche et Réforme : sérieux tous deux, orientés tous deux (communiste / protestant, ça fait une belle moyenne), mais presque exempts de pub, et avec des articles de fond solides. En mensuel, je n’en lis plus que deux ; La décroissance et Siné mensuel. Tous les articles de ces quatre organes de presse m’intéressent, même si je ne suis pas toujours d’accord avec eux.


J’ai commencé à lire Siné mensuel quand Siné a été viré, très malproprement, de Charlie hebdo, par Philippe Val ; "Siné sème sa zone" était la seule demi-page que j’arrivais encore à lire dans cet hebdo qui s’épuisait et qui ne s'est guère amélioré depuis. Dans Siné mensuel, je trouve chaque mois une pâture excellente, tant en dessins qu’en articles ou interviews, je le lis comme La décroissance, à petites doses (puisque c’est mensuel et qu’on a donc le temps).
Ce mois-ci une triple page a attiré mon attention, titrée : "Damien Carême : Sur les migrants, Macron est pire que Sarkozy et Valls". Damien Carême est maire de Grande-Synthe, tout près de Dunkerque. Il a créé un camp pour les migrants, sans le moindre sou de l’État, qui ne proposait que d’envoyer les CRS, il sait donc de quoi il parle. Il dit : "Si les associations n’avaient pas été là, la France serait la honte de l’Europe, voire du monde entier." À propos du tri des migrants, il dit : "S’ils quittent leur pays, leurs attaches, leur histoire, leur culture, tout ce qu’ils ont, ce n’est pas par plaisir !" Sur la télé-spectacle, il dit : "Rencontrer des gens, voir les solidarités, cela demande du temps et les médias ne le prennent pas." Et il ajoute qu’une commune aide les migrants ne fait pas monter le vote FN : "Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Grande-Synthe est la seule ville à 80 km alentour à ne pas avoir placé le FN en tête." Et les habitants de la ville disent : "On a été capitale française de la biodiversité en 2010, maintenant on est aussi celle de l’humanité." Damien Carême rajoute : "quand on traite des gens comme des animaux, quand ils sont pourchassés, traqués, malmenés, ils deviennent des animaux." Par ailleurs, le maire travaille à l’instauration d’un revenu de base, et annonce fièrement que dans sa commune, "l’accès à la culture est gratuit, les transports le seront à partir du mois de septembre, le repas à la cantine bio coûte de 0,4 € à 1,86 € ! Aucune coupure d’eau, de gaz, d’électricité, aucune expulsion depuis quinze ans !"
Bref, voilà un juste, et ce n’est pas la grande presse qui va nous le montrer ! Comme l’est à sa manière le médecin de Lampedusa (voir mon post du 18 décembre 2017). C’est si rare de notre temps : chapeau !


PS : passe justement demain à L'Utopia de Bordeaux Behemoth, le film chinois qui m'avait enthousiasmé à Venise en 2015 (cf mon post du 18 septembre 2015).

Aucun commentaire: