dimanche 17 juillet 2011

17 juillet 2011 : un quatorze juillet

nous sommes tous et chacun, à des degrés divers, comme des puzzles inachevés, nous côtoyant au gré des courants. Parfois un autre se rapproche de nous, ou nous nous approchons de lui.
(Jean-Pierre Otte, Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes)

Je suis devenu un vrai couch-surfeur. Enfin, pas tout à fait complètement encore, dans la mesure où, pour l'instant, je n'ai fait que recevoir du monde, j'ai été un hôte – hospitalier, je pense – mais pas encore un invité, par ce système du couch-surfing, qui montre qu'internet a aussi du bon, et permet de mettre une partie des relations humaines en dehors des valeurs marchandes.
En effet, je viens de recevoir Krzysztof et Jaček, deux Polonais de Lublin, qui m'avaient contacté au mois de mai, pour passer le quatorze juillet en France et, plus spécialement, à Poitiers. Qu'est-ce que le CouchSurfing ? C'est un service d'hébergement de personnes en ligne, sans publicité, ouvert depuis janvier 2004. CouchSurfing cherche à « rapprocher les personnes et les lieux dans le monde, créer des échanges de savoir, élever la conscience collective, diffuser la tolérance et faciliter la compréhension interculturelle » (définition trouvée dans Wikipedia). On s'inscrit sur le site, on définit son profil, on signale combien de personnes on peut accueillir, etc. Jusqu'à présent, je n'avais utilisé le système que pour mes repas du mardi soir chez Cédric, le célèbre couch-surfeur de Poitiers, et pour une rencontre autour d'un pot avec un Tunisien de passage à Poitiers.
Mais j'étais prêt à héberger du monde. J'avais signalé sur mon profil que je ne pouvais héberger que deux personnes. Krzysztof et Jaček étaient accompagnés de Youri et Maria, un couple d'Ukrainiens, qui avaient réservé une chambre à Citéa (appart'hôtel). Le quatuor n'a pas trouvé de couch-surfeur hôte à Paris, où ils venaient de passer trois jours (on sait bien que beaucoup de Parisiens préfèrent louer leur appartement, que là-bas, la gratuité est un gros mot, j'en excepte Claire et François, mes cousins que je remercie encore pour mes derniers séjours à Paris) et s'étaient logés dans un appart'hôtel pour quatre personnes. Ils sont arrivés le mardi après-midi. Ô surprise, pour commencer ! Jaček m'offre son recueil de poèmes (en polonais, évidemment) : j'ignorais que j'allais accueillir un poète !
Le soir même, nous mangions chez Cédric, pour un de ses fameux repas. Comme je lui amenais d'un seul coup cinq personnes à sa table, je lui avais apporté en complément une ribambelle de saucisses de Morteau, que les dix convives présents n'ont d'ailleurs pas achevées, tant il y avait à manger, après l'apéritif à l'épine, et à boire (rosé, puis rouge). Nous sommes sortis de table vers 21 h 30 pour faire une station au Biblio-café, qui vient de s'ouvrir et qui a un beau succès : c'est à la fois un café-salon de thé, et une librairie d'occasion, et on peut d'ailleurs lire gratuitement les livres autant que les acheter. Concept admirable (cf le Samovar à Bordeaux, où j'ai d'ailleurs fait des lectures à haute voix). Alexis et Marjolaine, les promoteurs, ont joliment aménagé la chose, on a envie d'y venir, et d'y rester. Il y a même la wi-fi pour les enragés du net. De là, nous sommes allés voir les illuminations de Notre-Dame-la-Grande : je ne sais pas si c'est à cause des Polonais et des Ukrainiens, ou si la luminosité était parfaite, ou s'ils ont amélioré la chose depuis les années précédentes, mais je n'avais jamais trouvé ça aussi beau !
Le lendemain, mercredi 13, après un tour au marché où la bande des quatre a acheté moult victuailles, je les ai emmenés au Futuroscope, et les y ai laissés pour la journée. À 23 heures, je les récupérais, contents – et fatigués – de leur journée. Leur idée était, pour me remercier, de préparer un repas polonais et ukrainien pour fêter notre 14 juillet, d'où les achats de légumes, de viandes du mercredi matin. Ce repas, dont les préparatifs commencèrent le matin – avant une visite pédestre de Poitiers – pour Jaček (un plat à base de chou dénommé bigos), poursuivi à partir de 13 h par Maria et Youri pour le bortsch ukrainien (soupe à base de betteraves, pommes de terres, carottes, oignons, viande, épices) et les fameux piroguis au fromage (les raviolis russes ou polonais). Bref, j'étais affamé quand nous sommes passés à table vers 16 heures seulement, mon petit déjeuner datant de 7 h du matin ! Nous avons fait honneur aux trois plats, et il restait encore du bortsch et des piroguis. Je leur ai proposé de se reposer avant d'aller en ville pour assister au feu d'artifice (Krzysztof est venu pour ça !). Ce que nous fîmes. Nouvelle promenade dans les rues, station au Biblio-café, où mes deux Polonais trouvèrent moyen de dévorer encore une assiette de fromages et charcuterie et, vers 20 h 30, nous étions sur la Place d'Armes, où nous nous munîmes d'un lampion (fourni par la mairie) pour la marche jusqu'au Parc de Blossac, où le feu d'artifice allait être tiré. Et à 23 h, nous étions à pied d'œuvre pour assister au plus beau feu d'artifice que j'aie jamais vu. Par la grâce de mes hôtes ?
Couchés tard, nous nous sommes pourtant levés assez tôt, car, cerise sur le gâteau (pour eux), comme ils avaient manifesté l'intention de clôturer leur programme poitevin par une visite de La Rochelle, je leur ai proposé, plutôt que d'en louer une, d'utiliser ma voiture, et qu'on y aille tous ensemble. Ce fut magnifique. Très belle journée. Balade dans les rues, visite d'églises et des rues à arcades, des Tours médiévales, bus de mer, repas au restaurant (qu'ils ont eu l'amabilité de me payer, puisque je leur avais offert la voiture), plage l'après-midi : Jaček, Krzysztof et Youri se sont baignés, j'ai trempé mes pieds, ainsi que Maria. Et, de retour à Poitiers, nous achevâmes le bortsch (que j'avais épaissi avec des farfalles et des légumes) et les piroguis. Youri m'offrit son disque de jazz ukrainien, car il est artiste et participe à un groupe. En retour, ils ont eu droit à mes trois livres... Certes, en dehors de Krzysztof, aucun ne parle français, et notre langue de communication aura été un anglais un peu sommaire. Comme Youri et Maria repartaient tôt le samedi matin pour Paris, je les ai reconduits chez Citéa, à deux pas de la gare. Où nous nous sommes dit "do widzenia" (au revoir en polonais).
Le samedi matin, j'ai emmené de nouveau Jaček et Krzysztof en balade, cette fois pour admirer l'église Saint-Hilaire, puis récupérer mes légumes à mon jardin associatif, qui a beaucoup intéressé Jaček. Il envisage d'exporter l'idée à Lublin, dans le cadre des projets municipaux à mettre en place. Après un dernier repas chez moi, une dernière visite : notre petit centre scientifique de Poitiers, l'Espace Mendès-France, car Jaček projette aussi une telle création dans une gare désaffectée de Lublin. Décidément, je leur aurai proposé pas mal de découvertes au travers de quelques jours bien chargés (et très fatigants pour moi !). Après quoi, je les ai amenés à l'aéroport, d'où ils embarquaient pour Londres.
Que je les décrive un peu : Jaček, Krzysztof, mes deux invités, se portent très bien et mangent comme des ogres ! Youri et Maria sont, eux, minces. J'ai cru comprendre que le polonais et l'ukrainien sont des langues très voisines et ils se comprennent très bien entre eux. Et pour moi, ce fut un quatorze juillet pas comme les autres, des rencontres extraordinairement conviviales : inutile de dire que je suis invité à Lublin et à Lvov ! Irai-je, c'est une autre affaire ?

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