Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
(François Villon, Ballade des pendus)
C’est sous le signe de la poésie et de l’accueil que je conclurai cette curieuse année. La poésie parce qu’elle est nourriture de vie, l’accueil parce qu’il mène à l’hospitalité, à l’ouverture, au partage, à la solidarité, en somme à l’humanité et à ce que Patrick Chamoiseau appelle dans son livre Frères migrants (Seuil, 2017) la "mondialité" : voir en tout individu le Frère humain avec qui on peut créer du lien. Il oppose cette notion à la "mondialisation" dont on nous rebat les oreilles et qui n’est autre que voir en tout individu uniquement le consommateur esclave de ce Marché qui "ne relie que les « pierreries glacées » des capitaux et des multinationales, [qui] ne dégage la voie qu’à des avidités, [et dont les] contacts sont des frappes, [l]es échanges sont des prises, [l]es régulations n’installent que des asservissements".
Je viens en effet de finir l’année avec le livre de Chamoiseau, un essai poétique et percutant sur les migrants, dont je vous livre quelques extraits de la "Déclaration des poètes" qui en est le dernier chapitre.
"6 - Les poètes déclarent qu’en la matière des migrations individuelles et collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu’aucun délit de solidarité ne saurait décemment exister.
8 - Les poètes déclarent qu’une politique de sécurité qui laisse mourir et qui suspend les libertés individuelles au nom de l’Ordre public contreviendrait au principe de Sûreté qui seul peut garantir l’exercice inaliénable indivisible des Droits fondamentaux.
9 - Les poètes déclarent qu’une Constitution nationale ou supranationale qui n’anticiperait pas les procédures d’accueil de ceux qui passent qui viennent et qui appellent contreviendrait de même manière à la Sûreté de tous.
10 - Les poètes déclarent qu’aucun réfugié, chercheur d’asile, migrant sous une nécessité, éjecté volontaire, aucun déplacé politique, ne saurait apparaître dans un lieu de ce monde sans qu’il n’ait non pas un visage mais tous les visages, non pas un cœur mais tous les cœurs, non pas une âme mais toutes les âmes. Qu’il relève dès lors de l’Histoire profonde de toutes nos histoires, qu’il incarne dès lors l’histoire de nos histoires, et devient, par ce fait même, un symbole absolu de l’humaine dignité.
12 - Les poètes déclarent que, quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l’enfance ; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salut de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office.
15 - Les poètes déclarent que toute Nation est Nation-Relation, souveraine mais solidaire, offerte aux soins de tous et responsable de tous sur le tapis de ses frontières."
Un essai très littéraire, mais qui en dit, sur l’accueil des migrants, plus que tous les sociologues, tous les économistes et tous les politicards de tous bords, car il reste dans l’humain d’abord. Il nous rappelle aussi qu’en chacun de nous il y a un "Trump" qui sommeille, et qu’il convient d’y veiller.
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Et maintenant quelques vœux pour 2021:
- que l’on essaie de vivre plus humainement, pour maintenir du lien social et amical avec les vieillards, les personnes fragiles : malades, solitaires, harcelé.es, SDF et… les migrant.es.
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que la fabrication et le commerce d’armes fassent faillite, ce qui
contribuerait à l’extinction des guerres. On peut et même on doit toujours rêver !
- que les Palestiniens, les Kurdes, les Ouïghours, les Rohingyas, les Mapuches et autres peuples opprimés ne le soient plus.
- que les établissements culturels rouvrent pour nous apporter le supplément d’âme nécessaire à notre équilibre.
- qu’on puisse se revoir en famille, en association, entre amis et s’embrasser encore.
- etc, etc...