lundi 17 juin 2019

17 juin 2019 : Palestiniens et gilets jaunes



Ces voleurs-là, dénoncés, ne rougissent pas, ils rient au contraire, peu soucieux d’être provocants. Ils ont eu les places aux plus hauts niveaux politiques et administratifs, ils en attendent d’autres, ces voleurs qui, plus que tout, volent, chaque jour, notre foi dans la démocratie.
(Alberto Lattuada, Souvenir de Giorgio, in Feuillets au vent, trad. Paul-Louis Thirard, Lattès, 1981)



Je n’ai jamais pu supporter l’injustice, l’oppression, le racisme, la mise à l’écart, le harcèlement, la violence institutionnalisée.

la Palestine grignotée ou l'impossibilité de deux états
 
Au moment où un député de l’Assemblée nationale a proposé à ses collègues de voter une résolution visant à assimiler la critique du régime israélien à de l'antisémitisme, on se voit obligés de se défendre contre cette résolution profondément anti-démocratique. On remarquera tout d’abord que ces mêmes députés ne se gênent pas pour critiquer d’autres régimes politiques : celui de la Corée du Nord, celui de l’Iran, celui de la Syrie, ceux du Venezuela ou de Cuba, par exemple. Je ne vois pas en quoi le régime israélien aurait seul le droit d’échapper à la critique.
Comparons avec les pays précités. Occupent-ils indûment, comme Israël, des territoires conquis où ils volent la terre agricole et détruisent les maisons des habitants, où les colons arrachent impunément les oliviers palestiniens, où l’armée israélienne déboule en pleine nuit dans les maisons palestiniennes pour arrêter l’un ou l’autre de ses occupants, arrachant les portes, détruisant tout à l’intérieur, emportant ordinateurs et smartphones, où les habitants sous occupation armée doivent passer des heures à des checkpoints de contrôle qui les empêchent quasiment de circuler, voire d’accéder à un hôpital en cas d’urgence, où les enfants sont molestés, quand ce n’est pas emprisonnés et victimes d’une torture psychique et physique qui les rend hagards et définitivement haineux à l’égard de leurs tortionnaires, où l’eau potable, l’électricité, les médicaments, la nourriture même, sont délivrés au compte-gouttes dans l'immense camp de concentration à ciel ouvert de Gaza où sont entassées près de 2 millions de personnes privées de sortir, et sauvagement assassinées quand elles manifestent pacifiquement pour réclamer le droit de sortir…
Est-ce être antisémite de dire tout cela ? Certainement pas, c’est exprimer une colère et une critique tout aussi légitimes que celles qui nous saisissent contre d’autres pays, tout aussi avares de la défense des droits de l’homme. Ce n’est pas parce qu’on porte un peu de culpabilité du sort fait aux juifs par les nazis qu’il faut applaudir nécessairement quand les Israéliens pratiquent une politique d’occupation qui n’a rien à envier à celle que les nazis ont pratiquée dans les pays qu’ils avaient occupés. Ce n’est pas non plus parce qu’il nous reste un petit remords de notre passé colonial (et des nombreuses horreurs que la France et ses colons ont commises) qu’on va se priver de manifester notre anticolonialisme viscéral, surtout quand il est né pour moi dès 1958, en observant parmi mes condisciples les effets de notre guerre d’Algérie, et qu'il s'est nourri en observant les dégâts pendant mes voyages dans nos anciennes colonies : Maroc, Côte d'Ivoire, Madagascar.
Non, les droits les plus élémentaires des Palestiniens sont bafoués. L’État d’Israël a tout fait pour empêcher la naissance d’un état palestinien viable, et on voit poindre le moment où va se produire un exode de grande ampleur. La vie en Palestine occupée (Cisjordanie et Gaza) est devenue tellement difficile qu’elle tend à l’impossible, même si les jeunes résistent à leur manière (lançant des cailloux, giflant un soldat), et on sent bien que l’objectif inavoué des dirigeants israéliens est de faire partir la population non-juive qui les gêne, les embarrasse… Le sionisme, nationalisme étroit qui prétend que les Juifs ne peuvent échapper à l’antisémitisme que s’ils vivent dans un pays où ils seraient entre-soi, et sur cette terre qui leur revient de droit, car ils en sont le peuple élu, est une idéologie mortifère. De nombreux juifs partout dans le monde se réclament d’ailleurs de l’anti-sionisme.


On doit pouvoir rester critique à l’égard d’un État (comme de tous les états d’ailleurs, à commencer par le nôtre), dont le nationalisme étroit et religieux s’accompagne d’un projet ségrégationniste d’apartheid, ce qui est le cas d’Israël (enfermement de Gaza, mur de Cisjordanie, citoyenneté de seconde zone pour les Palestiniens vivant à l'intérieur d'Israël). Ce n’est pas être raciste que de dire cela. C’est une opinion politique qui relève de l’observation de ce qui se passe dans le pays et dans les territoires occupés. En aucun cas, on ne peut faire l’amalgame avec un quelconque antisémitisme, ce dernier se trouvant d’ailleurs largement alimenté par l’apartheid légal mis en place par le régime. Affirmer sa solidarité avec les peuples opprimés en général, et avec le peuple palestinien en particulier, c’est soutenir la justice et les droits de l’homme.
 
Quand on se bat contre le racisme, on refuse de séparer l’antisémitisme des autres formes de racisme. Si l’antisémitisme a une longue histoire en France, où il n’a jamais disparu, je constate qu’aujourd’hui, l’islamophobie, le racisme anti-noirs, anti-gitans et roms, l’homophobie sous ses diverses formes, voire la méfiance envers les migrants, sont bien plus inquiétants et graves. Et ça n’est sûrement pas une excuse pour empêcher qu’on critique un État qui s’est manifestement érigé en état-raciste et de qui nous n’avons pas de leçons à recevoir.
Même si nous-mêmes, Français, n’avons de leçons à donner à personne, quand on voit le degré de violence de la répression des manifestations de gilets jaunes. Tout comme les Israéliens, nous utilisons les mêmes méthodes répressives : les gaz lacrymogènes sont loin d’être innocents (ils sont même particulièrement nocifs), et je préfère ne pas m’appesantir sur les flashballs et autres armes de guerre destinés à nous faire croire que notre peuple, dont nos dirigeants font semblant d'avoir si peur, est dangereux. En soutenant les droits des Palestiniens, nous soutenons les droits menacés de notre peuple, n’en déplaise à nos dirigeants !

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