Mais l’air était aussi immobile que le programme du gouvernement ou ceux de la télé.
(Driss Chraïbi, Une place au soleil)
D'aucuns m'ont soutenu qu'il fallait voter utile... Je me flatte au contraire de ne jamais voter utile (j'ai fait une exception, une fois, et ai pu mesurer la vanité de mon choix), du moins au premier tour, et de voter alors selon mon cœur, mes idées, mes penchants, presque mes désirs, en sachant bien entendu que ma candidate (il se trouve que ça a toujours été une femme, et cette fois encore en 2012) n'avait aucune chance. Quelle importance ? Sur un si grand nombre de bulletins, une voix de plus ou de moins ne compte guère. Et par ailleurs, voter utile voudrait dire qu'on trouve merveilleux le candidat et/ou son programme. C'était loin d'être le cas cette fois encore, alors même que ma candidate, qui a pourtant eu à subir les dénigrements de toute sorte, et même à être vilipendée jusque dans son propre parti (décidément, le machisme a encore de beaux jours devant lui), m'a toujours semblé, au travers de son programme, de ses interventions dans les journaux ou de ses prestations télévisées, de très très loin la personne la plus sensée, la plus juste, celle qui pensait le plus à l'avenir (et pas à être réélue dans cinq ans!), la moins engoncée dans des partis pris. Elle avait un parler vrai, et sans effet de manche. C'est vrai que ça change tellement de nos ténors politiques qui se croient toujours à la tribune, et de nos journalistes de presse ou télévisuels qui sont d'une goujaterie invraisemblable : l'ahuri Franz-Olivier Giesbert parlait d'une erreur de casting – le plus drôle, c'est qu'il avait trouvé notre cher président très bon ! – et hier au soir, alors qu'elle faisait son discours, fort opportun et intelligent, comme d'habitude, ces malotrus l'ont coupée pour donner la parole au père Le Pen.
Tout ça ne me fera pas changer d'opinion – il se trouve que je suis diablement minoritaire, un vieux fond de mon protestantisme, sans doute – même si je souscris absolument à ce qu'écrivait André Gide, dans son Journal des faux-monnayeurs : "Ce qu'il y a d'irritant avec la plupart d'entre eux [les individus], c'est que ces opinions dont ils font profession, ils les croient librement acceptées, tandis qu'elles leur sont aussi fatales, aussi prescrites, que la couleur de leurs cheveux ou que l'odeur de leur haleine..." Et donc, je continuerai, contre vents et marées, à refuser le vote dit utile, à privilégier ceux qui me semblent préférer l'intérêt collectif, ceux qui ne planifient pas leur carrière politique, ceux à qui je ressemble un peu. Tant pis si je tombe sous la "réprobation de ceux qui « se rangent » contre celui qui reste fidèle à sa jeunesse et ne renonce pas" (Gide toujours dans le même livre). On ne se refait pas, et je ne vais pas commencer à me ranger à mon âge ! Je suis donc extrêmement méfiant envers les politiciens professionnels, dont l'unique objectif semble être la prise du pouvoir, la distribution des bons postes aux amis et commensaux, et après eux le déluge : "Combien de gens n'ont-ils pas risqué leur vie, simplement pour découvrir que les nouveaux gouvernants étaient d'aussi belles crapules que les anciens ?" ai-je lu dans Le mauvais œil, surprenant roman noir de Björn Larsson, qui se passe d'ailleurs en France.
S'il avait été candidat, j'aurais voté pour Bernard Ollivier, président de l'Association Seuil, dont je vous livre le beau texte suivant : "La tuerie innommable de Mohamed Merah aurait été dictée, nous dit la presse, par son séjour en Afghanistan. Certes, mais cette presse n’a que peu souligné l’étonnement de ses amis à sa sortie de prison. Avant, disent-ils, c’était un petit délinquant rigolard. Après, il est devenu un grand tueur. Combien faudra-t-il de Mohamed Merah pour qu’on comprenne enfin que la prison achève de déstabiliser ces jeunes souvent mal structurés? Si l’idée la plus répandue est celle du talion (œil pour œil…), la marche [L'Association Seuil propose à de jeunes délinquants de remplacer leur peine de prison par de longues marches à pied, sac au dos, en pays étranger, rude épreuve pour eux, mais positive, alors que le séjour en prison est toujours négatif], l’accompagnement, sont du domaine de la fraternité. La route est longue pour faire comprendre cette idée pourtant simple que ceux qui s’éloignent de la loi ne peuvent y être ramenés que par la conviction. Car la répression, au contraire, les rend plus durs et plus violents". Voilà qui ne va pas plaire à la majorité silencieuse, toujours plus soucieuse d'élever des murs et des prisons, un peu partout.
Conclusion : je sais que je suis minoritaire et qu'on se le dise, j'ai toujours préféré les minorités !
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