Devant la grâce, la nature s‘incline. La vie ouvre grand ses portes.
(Yasmine Char, La main de Dieu)
Aucun doute là-dessus, l'homme est fait pour marcher, pour sauter, pour courir, et ce lui fut longtemps indispensable pour échapper aux prédateurs : il m'en a coûté de l'oublier une fois dans ma vie, et peut-être à d'autres aussi ! Je crois n'avoir pas encore signalé dans mon blog que depuis quelque temps, j'ai repris le footing, qui s'ajoute au vélo pour le plein air, à la gymnastique et aux exercices de musculation en salle. Oui, on a trop tendance à oublier que nous avons un corps, nous qui sommes, depuis l'invention de l'automobile, devenus les assis que stigmatisait Rimbaud, qui font tresse avec leurs sièges. Et il ajoute :
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour, […]
- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Soulignons que dans ce poème, Rimbaud se moquait des bibliothécaires de Charleville, mais presque tout ce qu'il a écrit dans Les assis pourrait s'appliquer au monde contemporain.
En tout cas, d'avoir renoué avec la course, fût-ce au petit trot, car je ne prétends plus galoper, m'a donné des ailes, et des envies furieuses de lire des livres ou de voir des films qui célèbrent le sport, et même d'aller en juin à Saint-Pétersbourg pour assister au marathon, ce qui va me rajeunir un peu.
J'ai ainsi lu le beau recueil de nouvelles de Jean-Noël Blanc, Le nez à la fenêtre, où j'ai relevé la phrase suivante : "On cherche des mecs dans ton genre, des gars qui ont faim, parce que moi, tu sais, les gars qui ont la classe naturelle mais qui n’ont pas faim, ça m’intéresse pas". Oui, c'est peut-être parce que j'avais faim que je m'étais mis à la course de longue distance. Je rappelle d'ailleurs à ce propos que l'homme n'a pas seulement faim de pain... J'ai apprécié récemment Le fils à Jo, sur le rugby, et dans le cadre du Festival Filmer le travail : Le petit boxeur, un téléfilm des années 70. Le film allemand Le braqueur, vu aussi il y a peu, traitait de la course à pied, avec un braqueur de banque qui faisait tout à pied, y compris fuir !
Mais La ligne droite que je viens de voir et que je vous conseille vivement, car ça fait des années-lumières que je n'ai pas vu un film français aussi bien éclairé, lumineux, m'a encore plus emballé. C'est vrai, on dirait que désormais les cinéastes se passent de projecteurs, sous prétexte (imbécile) de réalisme, car dans la vie on ne voit pas si bien : mais on n'est pas dans la vie, on est au cinéma. Et ici, on y est à plein. Dans ce mélo somptueux, digne de Douglas Sirk, Régis Wargnier trouve moyen de nous parler de la prison et du difficile retour à la vie réelle (l'héroïne, Leïla, en sort), du handicap (le héros, Yannick, victime d'un grave accident, a perdu la vue) et de la réinsertion dans la vie grâce au sport. Ici, la course à pied, magnifiquement filmée, aérienne, coulée, fluide, au ralenti même... Leïla qui fut avant sa détention, une sportive de haut niveau, va servir de lièvre à Yannick pour les courses handisport d'aveugles. C'est très beau, c'est émouvant, touchant, humain, aucun personnage n'est vu avec mépris, tous évoluent. Chacun des deux héros veut sortir de sa prison : celle que la société a imposé à Leïla (en lui enlevant son enfant), celle dont l'accident taxe Yannick : ils veulent tous deux vivre comme tout le monde et, en fin de compte, s'aimer peut-être... On l'a compris, il m'est arrivé d'enlever mes lunettes et d'essuyer mes yeux. Mais ça m'a fait du bien !!! Du reste, j'ai parfaitement compris l'ensemble des dialogues. Là aussi, sous prétexte (imbécile, je persiste et signe) de réalisme, les cinéastes font bouffer la moitié des paroles aux acteurs : il paraît que dans la vie on n'entend pas toujours tout : mais on n'est pas dans la vie, diantre, on est au cinéma. Un quadruple plaisir donc : une belle histoire, des belles images, un beau son, des acteurs magnifiés par tous ces éléments...
Courez-y vite avant que La ligne droite ne quitte l'affiche : à peine 70000 entrées en première semaine, alors que des conneries dépassent le million ! Mais je vous connais, vous courez plus vite que moi, et vous l'avez déjà vu !
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