samedi 28 janvier 2023

28 janvier 2023 : la famille : sur trois films récents

 

Il y a une formidable espérance de vie dans la jeunesse.

(François Mitterrand / Élie Wiesel, Mémoires à deux voix, O. Jacob, 1995)



J’en ai un peu marre de voir les jeunes ne jurer que par le cinéma américains, par les séries américaines ou produites aux USA, celles de Netflix par exemple, et délaisser quand ce n’est pas vilipender le cinéma français, tout en ignorant superbement les films provenant des autres pays. Comme si nous étions colonisés par les USA qui nous dicteraient ce que nous devrions voir. En fin de compte, je me prive d’aller voir la plupart des films américains actuels. De toute façon, je vais souvent au cinéma, mais n’arrive pas à voir tous les films dont j’ai envie, provenant d’autres pays, car je me sens citoyen du monde.

Et je ne suis  pas un béni-oui-oui de l’oncle Sam. Sur les 10 plus gros succès du cinéma en 2022 en France, 10 sont américains. En 2021, 7 sur 10. En 2020, 6 sur 10. En 2019, 9 sur 10. En 2018, 5 sur 10. C’est dire si ça empire. On me dira : « Il n’y a pas eu de gros films français porteurs l’an passé. » C’est un peu vrai, mais la vérité, c’est que le public jeune, celui qui fait la queue au cinéma, s’est détourné du cinéma français. Il ne va plus au cinéma (ça s’est aggravé avec la pandémie), et s’il y va, c’est pour retrouver les films du même style que celui des séries made in USA, ou les grands succès que le rouleau-compresseur de la pub nous envoie d’outre-atlantique.

Dernièrement, j’ai vu trois films, deux français, un japonais, avec un plaisir immense, et qui traite tous du même thème : comment devenir soi-même dans une famille, comment devenir artiste ?

Divertimento (réalisé par Marie-Christine Mention-Schaar) raconte l’histoire de deux sœurs jumelles, Zahia et Fettouma, issues de l’émigration maghrébine, qui vont devenir, poussées par leurs parents, musiciennes classiques, l’une cheffe d’orchestre, l’autre violoncelliste. Le film joue avec les préjugés, se nourrit des injustices sociales et de la révolte. Car ce n’est pas gagné : il leur faudra garder la tête haute, rester dignes, quand venant du 93 elles sont transplantées dans une filière d’excellence (un lycée huppé parisien, pour leur année du bac) ; professeurs et élèves leur font comprendre qu’elles sont des intruses, à coup de remarques humiliantes, parfois sexistes, leur rappelant sans cesse qu'elles ne sont pas à leur place. Je n’en dis pas plus, c’est fort, c’est solide, ça m’a enchanté, autant que les livres d’Annie Ernaux !

Le film japonais La famille Asada (réalisateur Ryota Nakano) nous montre une famille japonaise, le père qui a cessé de travailler pour devenir "homme à la maison", la mère (qui fait carrière) et leurs deux enfants, dont le petit dernier, Masashi se voit offrir par son père un appareil-photo pour ses douze ans. Il va réaliser son rêve : devenir photographe. Adulte, le jeune homme glandouille un peu chez ses parents. C’est encore son père qui va lui permettre de se transformer en professionnel. Il va photographier sa famille, en dénichant chez son père, sa mère et son frère, leurs désirs les plus secrets et en leur permettant de les réaliser. Ce qui va lui faire faire un premier album de photos de famille qu’il va essayer de placer chez des éditeurs pour le publier. L’éditrice trouvée, il exploite son filon en photographiant les familles des autres. Et la catastrophe de Fukushima lui permettra de mettre en valeur sa personnalité et son humanité. Comme le film précédent, c’est un film tonifiant qui montre que la famille peut être un creuset pour un artiste.

Quant à Youssef Salem a du succès, (réalisatrice Baya Kasmi, qui s'inspire de sa propre histoire) il montre un Français d’origine maghrébine tenter de faire œuvre littéraire en s’inspirant de son histoire personnelle et familiale (cf Annie Ernaux encore). Mais la famille en question est susceptible de lire le roman, d’autant qu’il a un grand succès, Youssef passe à la télévision), l'auteur obtient même le Prix Goncourt (scène inénarrable de la réception alcoolisée qui suit). Il est malheureusement resté trop près de la réalité et il montre dans son roman Choc toxique les petits défauts de chacun, les secrets parfois honteux. Pourtant il prétend bien que c’est un roman, avec des personnages imaginaires. Mais son frère et ses sœurs l’ont lu et lui font des reproches. Et il fera tout pour que son père ne le lise pas ! On a affaire ici à une comédie mais un peu acide. Parmi les comédies française, souvent assez grossières, on trouvera ici un portrait assez fin d’un homme placé dans un entre-deux pas facile à vivre. Ramzy est excellent dans le rôle de Youssef.

On notera que dans les trois films, les parents font tout pour que les artistes qu'ils ont mis au monde s'épanouissent !

 

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