lundi 6 juillet 2015

6 juillet 2015 : les peuples se rebiffent aussi !


Elle veut [l'écriture] sans fioriture. Loin de tout fabriqué. Loin des petits-fours verbaux qu'adore la "populace cultivée". [...] Se proposant d'user de la langue comme d'une arme, et de combattre le langage infâme de la pub, du marché, de la politique politicienne, de ce qu'elle appelle la langue des escrocs, afin d'en dévoiler ce qu'elle charrie d'idéologie morbide et d'assujettissement mental.
(Lydie Salvayre, Ingeborg Bachmann in 7 femmes, Perrin, 2013)


Il se trouve que je viens de lire l'excellent roman historique de Rafael Sabatini, Scaramouche (trad. Jean Muray, Phébus, 2008). Essayons de résumer. Nous sommes en 1788. André Moreau, enfant trouvé, ignore ses origines. Il a été élevé par un petit seigneur breton, M. de Kercadiou, qui l'a envoyé faire son droit à Paris, d'où il est revenu pour travailler chez un notaire. Aline, la nièce de M. de Kercadiou, a aussi été élevée au château. Les deux jeunes gens s'aiment, mais Aline est promise au marquis de La Tour d'Azyr. Or voici que l'arrogant marquis, non content de faire assassiner les braconniers, tue en un faux duel le meilleur ami d'André, Philippe de Vilmorin, séminariste et adepte des idées nouvelles, prémices de la Révolution qui gronde. André juge que c'est un assassinat, puisque Philippe ne savait pas manier l'épée, et jure de venger son ami. Dans un premier temps, il tient des discours enflammés à Rennes et à Nantes, et devient un fugitif recherché par la police royale. André Moreau va se dissimuler dans une troupe de saltimbanques errants, où il endosse le rôle de Scaramouche dans des comédies improvisées sur canevas (commedia dell'arte). Puis, ayant une nouvelle fois fait scandale au théâtre de Nantes, en fustigeant les privilégiés dans une improvisation théâtrale, il doit de nouveau fuir et se fait embaucher chez un maître d'armes parisien qui lui enseigne l'escrime : il y devient de première force. La révolution gronde ; Moreau devient député du Tiers-État. Il réussit à provoquer en duel le marquis, mais lui laisse la vie sauve. Il retrouve Aline qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Donc un roman de vengeance et d'amour, mais aussi un roman politique, où l'auteur ne cache pas sa sympathie pour la Révolution française (ce qui est rare dans les romans anglais : voyons Un conte de deux villes de Dickens ou Le Mouron rouge, de la baronne Orczy). André Moreau est un homme du peuple, il n'a donc théoriquement pas le droit d'épouser Aline, jeune aristocrate. Le roman, assez différent du très bon film de George Sidney avec Stewart Granger, fourmille de personnages variés, pittoresques (les saltimbanques), réels (on aperçoit Le Chapelier et Danton) et mêle avec bonheur la fantaisie et la grande histoire, quand le peuple s'est rebiffé. 

Scaramouche -
 
Et voici que les Grecs à leur tour se rebiffent. Ce NON retentissant fait du bruit. Dommage que le gouvernement grec de Alexis Tsipras n'ait pas, dès son élection, empêché la fuite des capitaux ; comme toujours, les gouvernements de gauche font les yeux doux au Capital (qui ne leur fait, lui, aucun cadeau), et s'en mordent les doigts ensuite ! Et craignons que l'armée grecque à l'affût, suréquipée (c'est même la cause principale du surendettement grec : soi-disant pour résister aux menaces de la Turquie, les Occidentaux ont vendu des quantités énormes de matériels militaires à la Grèce ces vingt dernières années, et les précédents gouvernements grecs ont laissé faire - commissions juteuses probablement à l'appui -, alors que le pays n'avait pas les moyens réels de ces achats massifs), et par ailleurs très infiltrée par la CIA, ne nous refasse un coup d'état, comme celui des colonels en 1967 ! Personnellement, je n'en serai pas surpris. 
Car la démocratie, dès que le peuple vote mal (!!!), vole en éclat : les exemples fourmillent, je n'en citerai que quelques-uns ; nous l'avons vu en Espagne en 1939, au Chili en 1973, en Algérie en 1991 : dans ces trois cas, l'armée a pris le pouvoir ou annulé le résultat des élections (favorable au FIS dans l'Algérie de 1991). Et même en France, en 2005, le vote sur le traité européen a été en fin de compte considéré comme nul et non avenu. 
 

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