Comme je m'absente pour quelques jours, je n'ai pas le temps d'alimenter directement mon blog.
Je vous propose de méditer sur un texte de René Naba :
Je vous propose de méditer sur un texte de René Naba :
La bataille de Poitiers n’a sans doute jamais eu lieu
Poitiers,
haut lieu de la controverse coloniale, dispute à Toulouse le lieu
d’une mythique bataille, qui n’a sans doute jamais eu lieu, en
tout cas certainement pas à Poitiers, si tant est qu’elle ait
jamais eu lieu, qui nourrit néanmoins la légende française et son
cortège de fantasme. Mais nul ne l’ignore, toute conscience se
pose en s’opposant et ceci pourrait expliquer le fait que Poitiers
se revendique comme un fait d’armes français… virtuel. Maigre
consolation pour une puissance d’empire en voie inexorable de
relégation à l’échelle des Nations, au moment où l’Islam se
hisse au deuxième rang des grandes religions de France.
La
vérité historique commande toutefois de le proclamer urbi et orbi :
La guerre de Poitiers n’a sans doute jamais eu lieu. Plus
prosaïquement, à l’annonce du décès du calife, le prince Abdel
Rahman leva le siège de Poitiers pour retourner en Andalousie
participer à la guerre de succession. Au terme de l’hiver, Charles
Martel constata la levée du siège, trois mois après le départ des
troupes arabes. Plein d’étonnement et d’incrédulité, il poussa
un cri de soulagement si fort que ses partisans l’assimilèrent à
une victoire. Quant à l’exploit de Toulouse, il a consisté à
pourchasser les traîne-savates de l’arrière-garde arabe à leur
passage dans la région Midi-Pyrénées. Un fait d’armes glorieux
qui relève davantage de la gloriole. Rendons donc grâce néanmoins
au Prince Abdel Rahman, le chef des troupes arabes, d’avoir donné
prétexte à Poitiers, et à Charles Martel, le Maître de céans, de
forger la conscience française et son identité nationale, sur la
base d’un anti-arabisme primaire. Sans se douter que treize siècles
plus tard, les Arabes voleront au secours de la France – à deux
reprises au cours du XXe siècle, fait unique dans l’histoire –
pour préserver son intégrité, sa souveraineté et sa dignité,
sans qu’il soit question à l’époque de seuil de tolérance, de charters de la honte ou d’aspersion nauséabonde, mais
de sang à verser à profusion.
Treize
siècles après, que reste-t-il de ce fait d’armes ? Poitiers est
devenu un haut lieu du tourisme, grâce à la reconstitution du site
du champ de bataille, sa vie universitaire menacée par un nouveau
barbare, Jean Pierre Raffarin, l’ancien premier ministre centriste,
artisan des délocalisations universitaires vers sa bourgade de
Chasseneuil-du-Poitou, Charles Martel, une marque de bière, très
prisée par les soiffards du Front National, 732, un éphémère code
secret de l’attaché-case de Bruno Gollnisch, l’éternel
postulant au magistère de la formation d’extrême-droite. Dérisoire ambition, s’il en est, au regard de la légende, de
l’histoire, et, surtout de la passion que ce fait a suscité dans
l’imaginaire français. Et aux côtés de la superbe cathédrale de
Poitiers, dans l’enceinte même de ce qui devait être le périmètre
de défense de la cité, se dresse désormais une superbe Mosquée,
préfiguration sans doute de la convivialité islamo-chrétienne et
franco-arabe. Au grand dam de Brigitte Bardot et des nostalgiques de
l’Empire français. Tout cela pour cela ?
La
France baigne dans son legs colonial, sans toutefois vouloir
l’admettre, sans peut-être s’en rendre compte. Ses villes et
villages en portent l’empreinte et sa langue en est imprégnée, à l’insu des Français, d’une manière impensée.
Très
peu savent que Ramatuelle, rieuse bourgade du sud de la France, tire
son origine d’une action de grâce des migrants infidèles
arrivant à bon port, invoquant la miséricorde de Dieu (Rahmatou
Llah), Carcassonne, d’une reine arabe (Karkachouna). Que la France
communique avec l’extérieur par le truchement (tourjoumane,
interprète) de ses diplomates. Que les Field Medal décernés à ses
mathématiciens résultent de leur maîtrise de l’Algèbre et du
Logarithme (al jabr, al khawarizmi), que les grades de l’armée
française empruntent à l’ordonnancement arabe de l’Amiral (Amir
al Bahr, le seigneur des mers), au capitaine (Al Qabda-la poigne et
par extension Qobtane, l’homme qui assure la maîtrise). Que le
meilleur coup de colère, enfin, n’est jamais mieux exprimé que
dans le langage du bled (al bilad, le pays), surtout lorsqu’on vous casse les glaouis, suscitant, en retour, une envie de les niquer, sans doute le terme le plus usité de la langue française,
devant les exorbitants droits de douanes (diwan, canapé installé à
l’entrée des villes pour prélever les taxes), dont on aimerait
être exonéré, de même que les honoraires du psychanalyste après
passage sur son divan, sauf à recourir à l’alcool (al kouhoul)
pour soigner les blessures du corps, de même que les blessures du
cœur, à moins d’y célébrer l’alchimie (al kimia’) de la
belle symbiose linguistique franco-arabe.
La
France a un sérieux problème de mémoire, dont elle veut se jouer,
en occultant ses aspects hideux, qui se jouent finalement d’elle.
Des embardées répétitives comme autant de remugles mal digérés
de l’histoire tourmentée de ce pays, qui expliquent les dérives
du débat public en France. Le seul pays qui soit traversé
périodiquement par le débat sur l’identité nationale, signe
patent d’une pathologie mémorielle.
Pour lire la suite : http://www.renenaba.com/la-controverse-de-poitiers-1-2/
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