« je
vous remercie d‘avoir su être à la fois courtois et réservé, ce
qui n‘est pas tellement courant chez les hommes d‘Occident. »
(Alvaro
Mutis, Abdul Bashur, le rêveur de navires,
trad. François Maspero, Grasset, 1994)
Après
trois semaines de galère (ma box internet qui a rendu l'âme petit à
petit, ne m'autorisant que des petits quarts d'heure de connexion,
l'angoisse suscitée par mon opération de la cataracte et ses suites
– dont ne plus faire de vélo pendant dix jours, le souci que je me
faisais pour mes vieux amis poètes de Poitiers – j'ai appris ce
matin que Georges, à quinze jours de son quatre-vingt-dix-septième
anniversaire, a fait une nouvelle chute, et Odile, 91 ans, ne se
remet pas du décès de sa fille) à peine ensoleillées par la
survenue de ma fille, et avant mon départ pour Paris, un petit mot
sur le blog.
Après
tout, se déconnecter, n'est-ce pas ce que j'ai cherché dans mes
voyages en cargo ? Après tout, j'ai lu plus que d'habitude,
puisque je disposais de tout le temps que l'on perd souvent sur
internet : les formidables romanciers colombiens Juan Gabriel Vásquez et
Alvaro Mutis, une pièce de théâtre de Giraudoux : Judith,
un second volume de George Jackson : Devant mes yeux la mort
("la conscience de classe a perdu sa netteté. En pratique,
on peut dire que le secteur ouvrier qui tire à droite est une
nouvelle classe, une classe policière, porcine"), le
désopilant livre de la bordelaise Sandra Aimard, rencontrée dans un
atelier d'écriture : Un pavé dans l'édifice (j'étais
mort de rire et pourtant ça traite des relations houleuses entre les
pauvres et l'administration : "Tout le monde sait que les
pauvres sont des profiteurs, contrairement à Sarko-Nouille ou à
Cahuzac Rappetout and Co, hein ?")
faudra que j'en reparle (éd. La cause du poulailler !)
une nouvelle romancière
sarde, Michela Murgia et sa belle Guerre des saints, un beau
roman pour ados de la Belge Marian De Smet, le saisissant récit-essai
de Rezvani sur la maladie d'Alzheimer de sa femme : L'éclipse,
les Lettres à Véra du Tchèque Karel Čapek, le bien beau
Bal masqué de Lermontov (théâtre), l'excellent roman sur
les migrants de Mankell : Tea bag, le polar mexicain de
Taibo : Rêves de frontière, le nouveau et remarquable
recueil de nouvelles de Claude Andrzejewski : Comme un
Polonais, plusieurs poètes, etc !
il fera l'objet d'une prochaine chronique (éd. La Dragonne)
Après tout, j'ai pu
quand même aussi rendre visite à mon frère et passer de belles
journées avec lui et avec de délicieuses vielles dames. Et même pu voir quelques films de Cannes qui
m'ont bien plu : Ma Loute, par exemple, ou Julieta.
j'ai adoré : un mélo à fleur de peau
Donc,
je ne me plains pas. Je suis juste un peu rouillé, n'ayant presque
rien écrit pendant tout ce temps, et fort peu pédalé : j'ai
repris le vélo hier. Et demain, j'irai jusqu'à Talence voir Michel,
juché sur ma monture.
Je
suis d'assez loin la déliquescence du gouvernement Hollande – ou
son machiavélisme ? Je reste surpris de voir les automobilistes
organiser la pénurie d'essence par leur comportement excessif de
consommateur ; et j'apprécie rudement de n'avoir plus de
voiture. Il me reste un peu de voilure pour mon vélo (mes jambes),
un peu de toiture au-dessus de moi (tant qu'un kamikaze n'y précipite
pas son avion), et de l'aventure à gogo : car la vie en est
pleine, pour peu qu'on accepte de bouger, de regarder autour de soi,
de s'intéresser aux autres loin de son quant à soi. Je rêve
d'enregistrer des bribes de conversation (et de disputes) entendues
dans le parc, dans le tram, au bistrot, au supermarché, à la gare. Car j'en entends
de belles... Mais c'est une autre histoire.