dimanche 28 juillet 2024

28 juillet 2024 : Loin de la foule enchaînée...

 

        Quand on est coureur, et que l’on est en méforme, on a vite tendance à se considérer mauvais en soi – au même titre que les gens, dans la vie de tous les jours, se rabaissent facilement après un échec.

        (Guiillaume Martin, Socrate à vélo, Grasset, 2020)

 

            Je m'excuse auprès de Thomas Hardy de pasticher le titre de son beau roman pour titrer cette nouvelle page de blog. Mais je suis obligé de constater, en regardant et en écoutant autour de moi combien nous sommes enchaînés de nos jours à tant de choses : 

            * enchaînés au canapé et à la télévision (avec les sports d'été, Tour de France, Eurofoot, tournois de tennis, J.O., séries de toutes sortes, infos en continu, etc.). Je ne nie pas l"intérêt de l'outil télé, mais quand ça devient un asservissement dont on ne peut plus se passer, je préfère mettre les voiles.

            * enchaînés à internet (sur ordinateur, tablette, smartphone...) dont, personnellement, j'essaie d'user le moins possible, tant l'addiction arrive vite ! Il n'est que de se promener dans les rues, de regarder les terrasses de café, les rues piétonnes : plus d'un quidam sur deux se laisse promener en laisse par son doudou favori, l’œil rivé dessus...

            * enchaînés à son automobile dont on peut presque plus se passer. Je suis personnellement content de ne plus en avoir. Tant pis pour moi, si je ne peux plus toujours aller où je le souhaiterais, ça ne m'empêche pas de me déplacer, de faire de belles rencontres dans les transports en commun (bus, tram, métro en ville, autocars et trains pour de plus longues distances). Je me sens plus libre que jamais.

            * Et la société nous engage à être enchaîné à bien d'autres choses : la climatisation par exemple, qui n'est pas pour rien dans le réchauffement climatique, du moins en ville : encore aujourd'hui, alors que je circulais à vélo dans une rue très étroite, tout d'un coup, je reçois une bouffée d'air chaud venant de l'appareil de climatisation voisin. Comme à Basse-Terre en Guadeloupe où, en 2020, j'avais trouvé la rue commerçante suffocante de chaleur accumulée par les climatisations !

            Et puis j'utilise surtout le vélo pour mes déplacements en ville (sauf les jours de pluie), ce qui me permet de joindre l'utile à l'agréable : le smartphone (quand je l'emporte) éteint, je baguenaude, je respire, mes jambes font de l'exercice, j'ai le corps et le cerveau en éveil (obligé, à 78 ans, mes réflexes ont bien diminué), et je vélosophe, comme dit dit si bien Guillaume Martin (lui-même coureur cycliste professionnel et titulaire d'un master en philosophie) dans le livre Socrate à bicyclette cité en exergue.


            Et je suis allé au théâtre jeudi dernier, où j'ai pu admirer le comédien Pascal Abadie nous conter avec humour et émotion ses tentatives entre 15 et 25 ans pour devenir un coureur cycliste faisant les courses de fêtes de village  en Gironde et dans l'Aquitaine.  C'est que comme écrit Guillaume Martin, "On ne naît pas cycliste ou philosophe, ou cycliste-philosophe, on le devient". Et on écoute le jeune Abadie narrer ses premières course, où il était largué dès le début, peu à peu réussir à s'insérer dans le peloton et à y rester, puis tentant de s'échapper, et enfin de gagner une course. L'heure et quart de spectacle est aussi une performance pour le comédien qui raconte, qui mime, qui se remémore son lointain passé (il doit avoir environ 60 ans) et qui restitue tout ça avec un bonheur communicatif. Le tout seul en scène, et sans autre décor qu'une chaise.

            Inutile de dire que j'étais aux anges !


                                         




lundi 22 juillet 2024

22 juillet 2024 : un peu de cinéma

 

      Nous ne supportons plus la durée. Nous ne savons plus féconder l’ennui.

    (Paul Valéry, Le bilan de l’intelligence, Allia, 2023) 

 

            Depuis deux mois, j'attendais l'été avec impatience. Il est enfin arrivé. Et j'en profite à plein depuis quelques jours : lever à 6 h pour profiter du vélo à la fraîche et avoir de longues matinées. Et très souvent l'après-midi, une ou deux séances au cinéma. Voici quelques notes sur des films récemment vus.

 


            Le moine et le fusil : ce film qui nous vient du Bhoutan (pays du BNB, Bonheur National Brut, ça a une autre gueule que notre PIB !) est non seulement beau par ses paysages, mais aussi par ses habitants, confrontés à un changement de régime politique ! Le roi abdique en faveur de la démocratie. Pour la première fois, on doit voter, et il faut apprendre. Ce n'est pas si simple ! Des fonctionnaires zélés vont donc venir en aide aux Bhoutanais. Et que viennent faire un moine, un fusil et un Américain qui convoite ledit fusil ? Vous le saurez en allant vois ce film beau, sensible, hilarant par moments et terriblement humain. Et ça fait du bien !!! Ma meilleure nouveauté de l'année.


            El profesor, un film argentin qui conte les luttes de pouvoir au sein d'une faculté de philosophie, après la mort inopinée du titulaire de la chaire. Son assistant, Marcello, est un formidable pédagogue (il faut le voir parler du Contrat social de Rousseau à ses étudiants !), mais timide et introverti, et il n'est pas choisi pour hériter de la chaire. Dialogues étincelants, acteurs épatants. Je le reverrai bien avec plaisir.


            Pourquoi tu souris ?, avec le trio Emmanuelle Devos (en bénévole humanitaire impénitente), Jean-Pascal Zadi (en prétendu sans-papiers perpétuellement souriant) et Raphaël Quenard (SDF inénarrable en allergique au travail), est une comédie humaine. Les deux Pieds nickelés, pris en charge par la bonne samaritaine, essaient d'inventer des plans foireux pour s'en sortir. Ils vont croiser le chemin de la vieille dans indigne que joue Judith Magre (97 ans). Un régal, j'en pleurais de rire.    

                                    

          Une formidable reprise : Les 7 samouraïs, un pur régal que ce grand classique du cinéma. Je ne m'en lasse pas, et le revoir sur grand écran me rend chaque fois heureux. La copie est superbement restaurée. C'est un des dix films que je vais revoir systématiquement à chaque ressortie !

             Et en août, j'aurai droit à une rétrospective Pagnol (dont l'inédit pour moi Jofroi) et à plusieurs Visconti, de quoi me réjouir avant mon départ pour Venise le 29 août...

 

 

 

 

vendredi 12 juillet 2024

12 juillet 2024 : le poème du mois

 

            De toute son existence, mon père n’a jamais fermé la portière de la moindre voiture. Ma mère verrouille sa maison à cinq heures du soir. Deux visions du monde.

               (Alba Donati, La librairie sur la colline, trad. Nathalie Bauer, Globe, 2022)

 

            Voilà que le mois de juillet s'avance, que les jours ont commencé à raccourcir, que le temps est toujours médiocre, mais que je me sens bien ! Je continue mes lectures en EHPAD, les personnes très âgées (moyenne d'âge 95 ans) commencent à me bien connaître. Je choisis des textes narratifs brefs entrecoupés de poèmes ; lundi dernier, ils étaient un homme et six femmes (3 en fauteuil roulant), je leur ai donné du Christian Bobin, Paul Auster, Jean-Philippe Blondel, et des poèmes de Victor Hugo. Et, entre chaque lecture, je les ai laissé parler, à la fois de ce qu'ils venaient d'entendre et de ce qui leur passait par la tête. C'était sympa, une bouffée d'air venue de l'extérieur et très appréciée.

            J'ai retrouvé les documents de mes cyclo-lectures et vous livre un des poèmes qui avait fait un tabac auprès des auditeurs. J'avais dû, sur leur demande, relire une deuxième fois cette berceuse en fin de lecture.  


Dors mon enfant


Dors mon enfant dors

Quand tu dors

Tu es beau

Comme un oranger fleuri


Dors mon enfant dors

Dors comme

La mer haute

Caressée par la tempête

De la brise

Qui vient mourir en woua woua

Au pied de la plage sablonneuse


Dors mon enfant dors

Dors mon beau bébé noir

Comme la promesse

D’une nuit de lune

Au regard de l’aube

Qui naît sur ton travail


Dors mon enfant dors

Tu es si beau

Quand tu dors

Mon beau bébé noir dors


Eblongué Epanya YONDO

(Kamerun ! Kamerun ! Présence africaine, 1960)

 

dimanche 7 juillet 2024

7 juillet 2024 : chanson du mois : la Marseillaise revisitée

 

                 Plus d'armes, citoyens !

                Rompez vos bataillons !

                Chantons, chantons et que la paix

                Féconde vos sillons !

             (cité dans Mélanie Fabre, Hussardes noires : des enseignantes à l'avant-garde des luttes, de l'affaire Dreyfus à la Grande Guerre, Agone, 2004)


                J'ai appris la Marseillaise, du moins les deux premières strophes et le refrain à l'école du village. Je n'en étais pas spécialement fier : déjà féru d'histoire et admiratif de la Révolution française qui avait octroyé un statut de liberté à mes ancêtres protestants, je n'ignorais rien des circonstances qui avaient entouré la création de cette chanson. La France était menacée, tant par l'ennemi intérieur (royalistes, aristocrates, Vendéens...) que par l'Europe toute entière coalisée contre la République. Cela expliquait ces paroles guerrières qui, pourtant, me choquaient déjà. Heureusement, j'ai appris depuis, que notre hymne national avait vu ses paroles détournées à maintes reprises : il y eut une Marseillaise féministe des cotillons (1848), une Marseillaise anti-cléricale (1881), la Marseillaise des requins de Gaston Couté (1911), etc. 

              Je m'arrêterai en particulier  sur le détournement par des enseignantes  des débuts de la IIIème République (1892), remis au goût du jour par Chanson plus bifluorée, sous le titre La Marseillaise de la paix :

              Pour l'écouter : https://www.youtube.com/watch?v=pBJ_93pHouc


Marseillaise de la paix

Adaptation Chanson Plus Bifluorée / C.J. Rouget de Lisle

Cette version de la Marseillaise fut d’abord chantée dans l’orphelinat expérimental de Cempuis (Oise) dirigé par le pédagogue libertaire Paul Robin (1837-1912)

De l'universelle patrie
Puisse venir le jour rêvé
De la paix, de la paix chérie
Le rameau sauveur est levé (bis)
On entendra vers les frontières
Les peuples se tendant les bras
Crier : il n'est plus de soldats !
Soyons unis, nous sommes frères.

Refrain :
Plus d'armes, citoyens !
Rompez vos bataillons !
Chantez, chantons,
Et que la paix
Féconde nos sillons !

Quoi ! d'éternelles représailles
Tiendraient en suspens notre sort !
Quoi, toujours d'horribles batailles
Le pillage, le feu, et la mort (bis)
C'est trop de siècles de souffrances
De haine et de sang répandu !
Humains, quand nous l'aurons voulu
Sonnera notre délivrance !

Refrain

Plus de fusils, plus de cartouches,
Engins maudits et destructeurs !
Plus de cris, plus de chants farouches
Outrageants et provocateurs (bis)
Pour les penseurs, quelle victoire !
De montrer à l'humanité,
De la guerre l'atrocité
Sous l'éclat d'une fausse gloire.

Refrain

Debout, pacifiques cohortes !
Hommes des champs et des cités !
Avec transport ouvrez vos portes
Aux trésors, fruits des libertés (bis)
Que le fer déchire la terre
Et pour ce combat tout d'amour,
En nobles outils de labour
Reforgeons les armes de guerre.

Refrain

En traits de feu par vous lancée
Artistes, poètes, savants
répandez partout la pensée,
L'avenir vous voit triomphants (bis)
Allez, brisez le vieux servage,
Inspirez-nous l'effort vainqueur
Pour la conquête du bonheur
Ce sont les lauriers de notre âge.

 


                    Plus tard,  j'avoue un faible pour Graeme Allwright (que nous vîmes, Claire et moi, au Festival des Musiques du monde de Vivonne dans les années 90) qui, en 2005, revisita à son tour les paroles :   

Pour tous les enfants de la terre
Chantons amour et liberté.
Contre toutes les haines et les guerres
L’étendard d’espoir est levé
L’étendard de justice et de paix.

Pour tous les enfants de la terre
Chantons amour et liberté.
Contre toutes les haines et les guerres
L’étendard d’espoir est levé
L’étendard de justice et de paix.

Refrain
La flamme qui nous éclaire
Traverse les frontières
Partons, partons, amis, solidaires
Marchons vers la lumière.

                Pour l'écouter, c'est ici :

https://www.google.com/search?q=la+marseillaise+graeme+allwright&client=firefox-b-e&sca_esv=0f377be67df6cd70&sxsrf=ADLYWIKtFDfZWg062vzElroG5Xpf1MQ_JA%3A1720333961263&ei=iTaKZuDSD7iskdUPtMS0mAU&oq=la+marseillaise+graeme&gs_lp=Egxnd3Mtd2l6LXNlcnAiFmxhIG1hcnNlaWxsYWlzZSBncmFlbWUqAggBMgUQABiABDIFEAAYgAQyCBAAGIAEGKIESKVFUNoIWIYpcAJ4AJABAJgBXKAB5wSqAQE3uAEByAEA-AEBmAIJoALlBcICBxAAGLADGB7CAgsQABiABBiwAxiiBMICChAuGIAEGBQYhwLCAgoQABiABBgUGIcCwgIZEC4YgAQYFBiHAhiXBRjcBBjeBBjgBNgBAcICBhAAGBYYHsICCBAAGBYYHhgPmAMAiAYBkAYGugYGCAEQARgUkgcDNi4zoAeaIw&sclient=gws-wiz-serp#