vendredi 7 novembre 2025

7 novembre 2025 : Festival Cinémed 2025, un bon cru.

 

9 mai 1922 : Il me semble que ma solitude n’est ni plus grande ni plus profonde que celle d’autrui. Chacun de nous est solitaire et réduit à soi-même. Chacun de nous est une énigme. Chacun de nous se dissimule sous mille voiles et quelle différence y a-t-il entre une personne solitaire et une autre, excepté que l’une exprime sa solitude et que l’autre la garde secrète ?

(Khalil Gibran, Lettres d’amour, trad. Claude Came et Anne Durouet, Librairie de Médicis, 1996)

 

                    Eh bien, me voici de retour de ma longue vadrouille en solo qui m'a mené d'abord à Lamalou-les-Bains (pour voir ma sœur Monique et son mari), puis à Montpellier (pour le Festival de cinéma Cinémed et pour l'exposition de Jean-Pierre Allano), et enfin à Nice (pour revoir mon ami de jeunesse Alain, pas vu depuis 2023). Le tout en train. Voyage tranquille, où j'ai pu éprouver la solidité de la qualité de ma solitude, autant que les contacts que j'ai pu lier. Je continuerai donc mes vadrouilles autant que mon état de santé le permet. D'ailleurs, rien que pour aller vois mes enfants et leur famille, ma fille en Angleterre, et mon fils presqu'en Suisse, ça m'oblige à de longs déplacements. Et je ne vais pas cesser d'aller voir le reste de ma famille et de ma belle-famille, et tous mes amis, disséminés à travers la France.

               Aujourd'hui, je vais simplement évoquer le Cinémed. J’ai envie de dire que ce fut un grand cru : presque tous les films que j’ai vus étaient de bons, voire d’excellents films. Un certain nombre d’entre eux vont sortir dans les mois qui viennent et j’aurai peut-être envie de les revoir et d’y entraîner des amis à ma suite. Les films en compétition, les films en avant-premières, les documentaires, les films d’animation, les courts métrages se côtoyaient, auxquels s’ajoutaient les rétrospectives : Dino Risi, Raymond Depardon, Fernando León de Aranoa, dont j’ai vu (ou revu avec plaisir) respectivement quatre, un et deux films.

                    Il se trouve que Les dimanches de  Alauda Ruiz de Azua, a obtenu l'Antilope d'or, la plus haute récompense. C'est un très beau film sur une famille espagnole dont la fille prend la décision de se faire bonne sœur ! Thème donc très inhabituel, surtout à notre époque de déchristianisation voire d'anti-religion massive. Autre film de consonance espagnole mais réalisé par la Marocaine Maryam Touzani, Rue Malaga se passe à Tanger dans la communauté hispanique de cette ville. Une vieille Espagnole (géniale Carmen Maura) née à Tanger mène une retraite paisible quand sa fille débarque en annonçant qu'elle va vendre l'appartement où la mère a toujours vécu.

                    Le film italien Gioia mia, de Margherita Spampinato : narre un été passé entre un jeune garçon et sa grand-mère. Encore un film de famille, Cette magnifique leçon de vie mêle tradition et modernité, Jeunesse et vieillesse, Lenteur et vitesse. Lent apprivoisement de l'un à l'autre, Ce fut ma découverte préférée. Mais le cinéma italien explorait déjà ce thème dans les années 60, J'ai vu aussi un film rarissime de Dino Risi Le jeudi, Il raconte la rencontre entre un père (Walther Chiari) esseulé. Sa femme l'a quitté à cause de ses fanfaronnades et mensonges imbéciles. Il n'a pas vu son fils depuis cinq ans. On le lui confie pour une journée seulement. Comédie un peu amère.

                    J'ai vu beaucoup d'autres films, mais j'en parlerai à l'occasion de leur sortie en France, s'ils sortent.


                     

 

                      

 

 

 

 

 

 

 

mardi 14 octobre 2025

14 octobre 2025 : la chanson du mois, Rezvani

 

Tant que tu ne m’oublieras pas, je vivrai dans ton cœur.

(Toshikazu, Kawaguchi, Le café où vivent les souvenirs, trad. Géraldine Oudin, Albin Michel, 2023)

 

                 D'avoir revu Mathieu le week-end dernier, et du fait que Mélanie et lui attendent un bébé, m'a rappelé le souvenir de la Guadeloupe et de sa toute petite enfance, et de la joie que nous avions, Claire et moi, de vivre cette découverte d'un petit être humain qui ne comptait que sur nous deux pour l'aimer, le nourrir, l'éveiller, le faire grandir, lui apprendre à marcher, à jouer, à sourire, à découvrir le monde, à s'émerveiller... Et évidemment, je sentais Claire toujours présente, à nos côtés, lors de notre promenade le long du Rhône. 

                Et je me suis souvenu qu'en 2005, pour les 85 ans de ma mère, nous avions chanté ensemble Les mots de rien, la chanson de Serge Rezvani que je propose ce mois-ci. Pour ceux qui ne connaissent pas Rezvani, il est originaire d'Iran, et c'est un écrivain que j'ai suivi dans ma carrière de bibliothécaire, un artiste aussi et un auteur-compositeur que j'ai connu depuis le beau film de Truffaut, Jules et Jim, où Jeanne Moreau chante sa chanson Le tourbillon. Mais Rezvani chante aussi lui-même ses œuvres, très différemment de Jeanne Moreau. En souvenir de Claire, je me suis offert il y a une dizaine d'années un coffret de toutes ses chansons, paru chez Actes sud.

 

Les mots de rien (Rezvani)


L’amour s’exprime avec des mots comme ça
Des mots de tous les jours
Des mots tout gris des petits mots de rien
Des mots de rien du tout

On dit au saut du lit :
« Bonjour, il fait beau, as-tu bien dormi ? »
Ces mots si tendres au tendre écho
Comme un pur reflet dans l’eau

Ces mots de moins que rien
Respirés par toi tissent mille liens
Ces mots de moins que rien du tout
Échangés de nous à nous

Ces mots qui viennent et coulent au fil des jours
Ces mots qui tournent court
Tous ces mots qui ne pèsent pas bien lourd
Pour moi sont lourds d’amour

On se dit à minuit :
« – T’as les plis aux yeux dans l’coin quand tu ris
– Quand j’ris, mais oui mais oui chéri
Et toi quand tu me souris »

Ces mots de moins que rien
Respirés par toi tissent mille liens
Ces mots de moins que rien du tout
Échangés de nous à nous

L’amour s’exprime avec des mots tout chauds
Des petits mots bien clos
Des mots petits petits tellement petits
Qu’ils ne riment que pour moi
Qu’ils ne riment que pour toi
Qu’ils ne riment que pour nous

https://www.youtube.com/watch?v=VEMuVAIteDY


 

dimanche 12 octobre 2025

12 octobre 2025 : la violence de l'ordre établi

Le crime devient payant

Les criminels sont prospères

Le crime s’appelle vertu

Le juste obéit au bandit

La force prime le droit

La terreur fait loi 

(Sénèque, Hercule furieux, trad. Florence Dupont, Actes sud, 2012)

 


 

                     Je viens de passer quelques jours très cinéphiles grâce au Festival International du Film de Bordeaux. J'y ai vu sept ou huit films intéressants, des fictions et des documentaires venant de divers pays, souvent des films en avant-première et qui sortiront ou pas dans les prochains mois. Car un certain nombre de films de festivals de cinéma sont à la recherche de distributeurs.

                    Je parlerai de trois d'entre eux seulement aujourd'hui.

                    Le film qui m'a touché le plus profondément est un film d'Alice Douard, Des preuves d'amour. Les réalisatrices étaient en force cette année. Le film raconte l'histoire de deux femmes qui se sont mariées entre elles. Nadia attend un enfant par PMA. Céline est très attentive à sa compagne ; mais, placée sous le regard des autres (familles, ami.e.s, docteurs, juristes, collègues, etc.) elle heurte à la difficulté d'exister dans la parentalité, d'être mère elle aussi elle aussi. Il faut beaucoup d'amour pour résister à la pression, voire à la violence de l'environnement sociétal peu averti de cette situation nouvelle. C'est un film qui m'a bouleversé par l'amplitude son humanité, d'autant plus que je connais dans ma famille proche un état de choses identique. Si le film pouvait faire évoluer les mentalités, j'en serais ravi, mais je crains que sa diffusion ne soit que trop discrète. J'irai le revoir à sa sortie.

                    Pendant plusieurs années, Laurie Lassalle a filmé la Z.A.D. de Notre Dame des Landes depuis l'abandon du projet d'aéroport,  Dans son film Forêt rouge, on voit donc ce laboratoire de vie, se transformer peu à peu en un terrain de lutte pour sauvegarder les acquis démocratiques des années précédentes : l'occupation d'une forêt en construisant un foyer de vie qui bouscule les conventions sociales et culturelles. C'est que les occupants cherchent à proposer une autre vision de l'avenir, plus écologique, loin des folies commerciales, un lieu convivial, en autogestion permanente. Au fil des saisons et des années, ils ont construit, ils ont cultivé, ils on enchanté et bouleversé le territoire, pour en faire une utopie concrète. Et voilà qu'ils sont rattrapés par la violence des forces de l'ordre prêtes à détruire, à, transformer leur refuge en un champ de bataille d'une fureur insensée. Cette répression de l'État m'a fait penser à la violence institutionnalisée d' Israël vis-à-vie des Palestiniens. Mais les zadistes font preuve (comme les Palestiniens) d'une, force d’âme pour résister au mépris et aux vexations institutionnelles,garder assez d’énergie pour ne pas avoir peur et pour reconstruire quand les soi-disant forces de l'ordre ont tout détruit, pour tenir face aux persécuteurs. La résistance, l 'obstination, la dignité de ces femmes et de ces hommes font plaisir. Si tous les êtres humains leur ressemblaient, au lieu de s'engluer dans notre société de consommation et de loisirs imbéciles !

 


                    Quant à L'agent secret, le film brésilien de Kleber Mendonça Filho, il suit les traces d'un universitaire menacé par la dictature des années 70 pour des raisons qu'on ne saisit pas tout de suite. C'est un thriller plein de fausses pistes, de situations tendues, oppressantes, qui ne cache rien de la complexité des choses, des labyrinthes permanents de  de la bureaucratie dictatoriale, des difficultés de vivre plus ou moins cachés, dissimulés sous de faux noms. Autant dire que le récit n'est pas linéaire. Pas question de s'endormir si on ne veut pas perdre le fil dans l'enchevêtrement des destinées;. Un film magistral que je reverrai volontiers quand il sortira.

                    Sur ce, en fin de semaine, je file vers Montpelleier assister à mon quinzième Cinémed, Festival de cinéma méditerranéen, où j'espère voir quelques bons films des pays du pourtour de la Méditerranée, quelques amis aussi et de la famille.