dimanche 27 avril 2025

27 avril 2025 : une chanson de Brel

moi aussi j’allais disparaître. C’est tentant. Ça l’a toujours été. J’ai toujours tout réglé par les absences.

(Estelle Rocchitelli, Après la brume, Dalva, 2024)

 

            J'ai retrouvé dans mon crâne, ces derniers temps, cette chanson de Brel, qui m'avait tant impressionné à l'époque. Je ne savais rien de l'amour, de la passion, du sentiment, j'étais ignare. Je n'avais pas vécu, tout simplement. J'ignorais tout des vraies difficultés de la vie. Je ne compte pas dans ces difficultés la pauvreté de mon enfance, je n'avais pas d'autre désir que de manger à ma faim, d'être choyé par ma grand-mère et d'envisager de vivre au jour le jour.

            J'étais naïf, comme disait ma grand-mère, et je le suis resté. Ce qui m'a permis de traverser les vicissitudes de ma vie, en ne retenant que le meilleur. Tout ce qui a été moche ou mauvais, je l'ai oublié, je n'ai gradé que les événements heureux : les rencontres et les ami.e.s qui en ont découlé, les livres et les films que j'ai aimés, les découvertes pendant mes voyages, ma vie de famille avec Claire, ma vie associative, etc. etc.

            Et maintenant que j'approche de la fin du jour, je ne me plains pas, ce serait même un scandale si je me plaignais. Quand je vois les bombes et les drones qui pleuvent ici ou là , les millions d'enfants qui souffrent de malnutrition, les migrants à qui on met des bâtons dans les roues, les vieux isolés et tout ce qui fait la misère du monde, je n'ai pas le droit de ma plaindre.


La chanson des vieux amants

Bien sûr, nous eûmes des oragesVingt ans d'amour, c'est l'amour folMille fois tu pris ton bagageMille fois je pris mon envolEt chaque meuble se souvientDans cette chambre sans berceauDes éclats des vieilles tempêtesPlus rien ne ressemblait à rienTu avais perdu le goût de l'eauEt moi celui de la conquête
 
Mais mon amourMon doux, mon tendre, mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu saisJe t'aime
 
Moi, je sais tous tes sortilègesTu sais tous mes envoûtementsTu m'as gardé de pièges en piègesJe t'ai perdue de temps en tempsBien sûr tu pris quelques amantsIl fallait bien passer le tempsIl faut bien que le corps exulteFinalement, finalementIl nous fallut bien du talentPour être vieux sans être adultes
 
Oh, mon amourMon doux, mon tendre, mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore, tu saisJe t'aime
 
Et plus le temps nous fait cortègeEt plus le temps nous fait tourmentMais n'est-ce pas le pire piègeQue vivre en paix pour des amantsBien sûr tu pleures un peu moins tôtJe me déchire un peu plus tardNous protégeons moins nos mystèresOn laisse moins faire le hasardOn se méfie du fil de l'eauMais c'est toujours la tendre guerre
 
Oh, mon amourMon doux, mon tendre, mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu saisJe t'aime
 
Pour l'écouter rendez-vous sur youtube.



 



dimanche 20 avril 2025

20 avril 2025 : le poème du mois

 

Comme elles me sont amies les étoiles

ô qu’il m’est compagnon le soleil

et le mer et le vent 

(Philippe Forcioli, Routes de feuilles, G. Berenèze, 2008)

 

            Que la poésie est consolante, quand on a le cœur en berne, quand on souffre d'une solitude subie, quand on est frappé par la maladie ou le deuil, mais aussi bien quand le bonheur vous touche, qu'on reçoit la visite d'une amie, ou bien un jour de fête, et quand on va vers les autres.

            En ce jour de Pâques, où la plupart des gens ne savent même plus ce que ça signifie, qu'il est bon de s'écrier, comme les Crétois dans le roman magnifique de Nikos Kazantzakis Le Christ recrucifié, "Christ est ressuscité" chaque fois que se promenant dans la rue le jour de Pâques, ils rencontrent une ou des personnes (qu'ils connaissent ou pas). Et la personne répond, et ils s'embrassent. Et c'est un jour de joie indicible ; j'espère que cette coutume n'est pas totalement perdue aujourd'hui. Car c'est aussi un signe de poésie dans le réalisme parfois sinistre de notre vie quotidienne.

            Voici donc le poème du mois, d'une poétesse syrienne que j'ai eu le plaisir de rencontrer.

 

 

Tu me demandes

mon âge

comment peut-on demander

son âge à une femme



Je réponds

dix-sept années d’enfance

avant de te connaître

sept années de jeunesse

passées à t’aimer

et depuis que tu m’as abandonnée

le temps s’est mis à me rendre visite



(Maram Al-Masri, Je te menace d’une colombe blanche

trad. François-Michel Durazzo, Seghers, 2008)

 

 

samedi 19 avril 2025

19 avril 2025 : Gaza toujours et encore

En Palestine, l'incendie n'a jamais cessé. Mais comment le pourrait-il alors que tout un peuple est enfermé derrière les barbelés ?

(Arlette Laguiller, discoure du 12 mai 2008)

 

            Il faut toujours revenir aux origines : déjà, en 1947-1948, pour s'installer dans le territoire qui leur avait généreusement été octroyé par l'ONU, le gouvernement israélien avait chassé ignominieusement les gens qui y y habitaient. Car, selon leur fameuse théorie, les juifs colonisateurs étaient "un peuple sans terre" qui venait s'installer sur une "terre sans peuple". On voit bien le mensonge que recouvre ce slogan. 

            Depuis, les Israéliens se sont emparés d'autres terres, les fameux "territoires occupés", notamment en 1967, après la fameuse guerre des six jours. Quelques mois plus tard, le grand Charles (qui s'y connaissait en matière d'occupation et de résistance) dans un non moins fameux discours, avait dit  "Maintenant, Israël organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation qui ne peut pas aller sans oppression, répression, expulsion, et il s’y manifeste contre lui une résistance qu’il qualifie de terrorisme". Ces paroles, les sionistres ne les lui ont jamais pardonnées.

            Aujourd'hui, ils bombardent, assassinent, emprisonnent, affament, chassent et déplacent des populations entières avec la bénédiction et le silence assourdissant des divers gouvernants de l'Occident, de nos médias (merdias ?) surpuissants, des actionnaires de nos marchands d'armes, comme témoigne le texte suivant publié par un gazaoui. Tant pis, je continuerai à tempêter dans le verre d'eau de mon blog, tant que ça ne cessera pas.

            Et, en fait, ça s'est même étendu à tout le territoire palestinien, à la Cisjordanie occupée, où les colons s'en donnent à cœur joie dans les destructions, pillages, assassinats, avec la bénédiction des forces armées qui laissent faire. Et on bombarde également le Liban et la Syrie. Pas un gouvernement au monde ne proteste !

 

le déplacement forcé à Gaza 

dans des conditions inhumaines

Déplacements forcés, pour certains à 5 ou 6 reprises

    Après avoir rompu les accords de trêve le 2 mars 2025, l’armée d’occupation a forcé 400.000 personnes à se déplacer à nouveau. Parmi eux, 300.000 sont obligés de vivre dans la rue, dans des tentes déchirées, au milieu des ruines, à côté des cimetières et des détritus. Les tentes et les caravanes n’entrent plus dans Gaza depuis le début de l’agression.

    Depuis le 7 octobre 2024, 1.400.000 Gazaouis ont déjà été déplacés par la force dans la bande de Gaza (60 % de la population civile). Certains d’entre eux ont déjà dû évacuer à 5 ou 6 reprises.

Prévenus par flyers, les gens ont 6 heures pour évacuer

    L’armée d’occupation, qui auparavant laissait 24 heures aux déplacés pour se préparer à évacuer ne leur donne aujourd’hui que 6 h. pour s’organiser. Les habitants sont prévenus par internet (quand il y a du réseau) ou au moyen de tracts et de flyers largués depuis des avions et provoquant des scènes de panique dans la population. Les gens ne prennent qu’un petit sac, leur tente, un matelas et fuient en laissant tout le reste derrière eux. Hommes, femmes, vieillards, enfants, ils sont obligés de partir à pied dans les rues défoncées pour se rendre dans un autre quartier où ils ne seront pas en sécurité quand même.

    De plus, il n’y a plus de voiture, plus de camion, plus aucun moyen de déplacement à Gaza. Et s’il y en avait encore, il n’y a plus d’essence. Les habitants, vieillards, hommes, femmes, enfants, sont obligés de marcher 5, 10 km, dans les rues défoncées. Ils ne peuvent rien transporter et laissent tout derrière eux.

    Pour la plupart, ils n’ont plus d’argent car, pendant la trêve, ils sont retournés chez eux et ont dépensé leurs dernières économies pour essayer de réparer leurs maisons détruites ou acheter des panneaux solaires.

Les déplacés fuient Rafah et se réfugient à Khan Younes

    Aujourd’hui, Rafah, la plus grande ville du sud de la bande de Gaza, est presque vide. Ses130’000 habitants ont été obligés d’évacuer pour trouver refuge à Khan Younes.

    Au nord, la ville de Gaza abrite aujourd’hui 1.400.000 habitants. Elle abrite 300’000 déplacés qui viennent de Beit-Hanoun, Jabalya et Beit Lahia.

Situation inhumaine

    A cette situation inhumaine s’ajoutent, depuis le 2 mars, la fermeture de tous les passages et la non-entrée des aides humanitaires. Il n’y a pas d’endroits prévus pour accueillir les déplacés qui ont fui les bombardements intensifs. Sans aide ni assistance, les déplacés sont obligés de vivre à 20 ou 25 par tente, dans des conditions inhumaines.

    On sent la colère et la tristesse. Les ordres d’évacuation deviennent toujours plus fréquents. Il n’y a aucun endroit sûr à Gaza.

Pas d’assistance, pas de moyens

    Les tentes neuves et les caravanes promises sont bloquées et ne peuvent entrer dans Gaza. En hiver, il faisait très froid dans les tentes ; cet été, il fera trop chaud.

    Souvent, les camions citernes qui transportent l’eau potable ne peuvent plus passer dans les rues défoncées par les bombardements et le passage des tanks israéliens. Tout est détruit, creuser des puits d’eau est difficile. Il n’y a ni gouvernement, ni autorité, ni organisation internationale ou locale pour aider les déplacés.

    Les organisations internationales qui apportaient assistance à la population n’entrent plus dans la bande de Gaza.

    Dans le silence complice de la communauté internationale, 2.400.000 Gazaouis survivent aujourd’hui dans des conditions catastrophiques et inhumaines.

Par Ziad Medoukh, enseignant à l’université de Gaza 

(quand il pouvait enseigner)

 

Alors, j'ai envie de crier, comme les manifestants de tous pays :  

Free Palestine 

Free Free Palestine / Free Free Palestine

Free Free Free Palestine 

Free Free Free Free Palestine