samedi 5 avril 2008

29 mars 2008 : le club des poètes apparus


Je dors comme un loir, n'ose pas me lever, n'entendant aucun bruit. De leur côté, Paul et Mimi ne souhaitant pas me réveiller, s'attardent aussi au lit. Ce qui pourrait durer longtemps... Mais j'ai un long trajet, une soixantaine de km, plutôt bosselés pendant les quarante premiers. Je sors du lit et file faire ma toilette. Comme par enchantement, ils surgissent eux aussi. Petit déjeuner, dernières vérifications, préparation du sac. Mimi me mitonne des sandwiches aux petits oignons, l'un au saucisson, l'autre au jambon, sans beurre naturellement, mais avec salade, rondelles de tomates.
Je suis prêt à partir. Adieux, non sans avoir ajouté leur numéro de téléphone dans mon portable... Et je quitte Ornézan... sous le soleil. Mais oui ! Il pointe enfin le bout de son museau, le coquin, après m'avoir fait faux-bond pendant des jours et des jours. Et il ne me quitte pas de toute la route.
A peine quelques km après Ornézan, à la faveur de la descente qui suit la première et rude côte, je m'aperçois que j'ai oublié mon cache-col. Mais pas envie de revenir en arrière, il fait beau, je n'ai pas froid. Je téléphonerai à Paul et Mimi pour leur dire que je reprendrai ça une autre fois, occasion de repasser les voir. Et la route défile, je suis l'itinéraire que Paul m'a suggéré, par Castelnau-Barbarens (Castelnau est l'équivalent de Châteauneuf), village situé sur un piton rocheux dominant la vallée de l'Arrats. Et qui possède des pousterles (rues accessibles seulement à des piétons, généralement très en pente), comme Auch. C'est coquet. Après je file vers Samatan, enfin, file, c'est façon de parler, car la route ne cesse de monter et de descendre, et ma moyenne ne dépasse pas les 14 km/h. Je ressens les fatigues accumulées par toutes ces lectures ajoutées aux étapes sous la pluie.
En fin de compte, je m'arrête pour pique-niquer sur les hauteurs qui dominent Samatan, même s'il n'est encore que 11 h 45... C'est tout bonnement délicieux. Parce que j'ai grand faim ! Je sais qu'après, ce sera du plat jusqu'à L'Isle-Jourdain, où m'attend une surprise, selon Anne-Marie, ma cicérone de la BDP. Donc, je savoure avant de m'élancer dans la dernière descente. Il y a même un reste du gâteau à l'ananas que les deux repas d'hier n'ont pas réussi à anéantir. Il est pourtant fameux. Et je bois aussi, ayant pas mal sué une fois de plus.
Enfin, j'arrive à Samatan, une des capitales du foie gras, et désormais je remonte vers le nord dans la vallée de la Save. Je passe près du château de Caumont, construit au retour des guerres d'Italie au XVIe siècle, et ayant appartenu au duc d'Epernon, un des mignons d'Henri III, un des personnages d'Henri III et sa cour de Dumas, si mes souvenirs de lecture sont bons. C'est devant ce château que je m'aperçois soudain que je n'ai pas ma ceinture : pas d'argent, pas de papiers !
Damned, j'ai oublié ça chez Paul. Un coup de téléphone portable (il est utile) à Anne-Marie pour lui dire d'aller chercher ceinture et écharpe avant de me rejoindre tout à l'heure à L'Isle-Jourdain, puis à Mimi. Et mon étourderie est réparée... Qui parlait de vérifications tout à l'heure ?
L'Isle-Jourdain : je passe à côté du lac et aperçois l'hostellerie où je dois être hébergé, ici pas d'accueil chez l'habitant, mais c'était prévu dans mon contrat. Le rendez-vous est fixé devant la mairie à 14 H, et j'y suis à 13 h 45. Evidemment, un cyclo-lecteur ne passe pas inaperçu. Un couple qui semble m'attendre se précipite vers moi, et on rejoue la grande scène de Stanley et Livingstone : "M. Brèthes, je présume ?"
Voilà donc la surprise. J'avoue ne pas les remettre, quoique la voix me dise quelque chose. Ce sont deux instituteurs en retraite qui étaient à l'école de Monferran-Savès du temps de mes tournées de bibliobus. Lui s'occupe maintenant de la Maison Claude Augé, elle de l'office de tourisme. Ah ! que ferait-on sans tous ces bénévoles associatifs ?
Ils me font pénétrer dans la Maison de Claude Augé, devenue un petit musée consacré à ce grammairien devenu éditeur chez Larousse, et créateur du Petit Larousse illustré. La commune a racheté et restauré la maison, et l'Association des amis de Claude Augé organise les visites. C'est un hôtel particulier construit vers 1904 et qui a la particularité de posséder de nombreuses fenêtres à vitraux "Art nouveau", dont celui de la Semeuse, emblème des éditions Larousse. Elle abrite aussi des documents concernant Claude Augé (collections de dictionnaires, de grammaires et de manuels d'histoire) et quelques autres personnalités de la commune. Je visite avec gourmandise, et finis par un petit goûter préparé à mon intention.
Puis je file à l'hôtel pour me préparer. Une baignoire ! Ma foi, je prends un bain prolongé - j'ai failli m'endormir dedans ! Puis un peu de relaxation sur le lit.
Je reprends le vélo pour rejoindre la bibliothèque, nouvellement créée dans la mairie, assez joliment d'ailleurs. Rien à voir avec l'ancien dépôt de livres, occupant une pièce à l'étage dans une tour ancienne, quand nous venions avec le bibliobus, et qui nous obligeait à de rudes efforts pour transporter au lieu final les lourds bacs chargés de livres.
Là m'attendent les deux charmantes bibliothécaires, et bientôt arrivent aussi Anne-Marie, puis Marie-Noël, également de la BDP et qui fut aussi ma collaboratrice à la fin des années 70. Peu à peu, le public afflue (n'exagérons rien, une vingtaine de personnes comme d'habitude, peut-être vingt-cinq, dont deux pré-adolescents), certains m'apportent des textes à lire, il s'agit de membres du club des poètes locaux, un groupe informel qui se réunit pour lire leurs propres oeuvres et celles d'écrivains.

(photo Anne-Marie Turon)

Pas mal du tout ! Comme il y a beaucoup de textes, j'en choisis quelques-uns seulement que je rajoute à mon programme. Parmi ces textes, un hommage à Nelson Mandela.
Je me surpasse quelque peu, ne voulant pas décevoir ce club qui doit m'accueillir ensuite pour un couscous !

(lecture de Navratil, album en mains, photo Anne-Marie Turon)

Aussi pour que les deux jeunes ne s'ennuient pas, mais je vois sur leur visage qu'ils écoutent avec attention, rient quand il le faut, et vibrent même parfois, surtout sur le dernier texte, qui traite du SIDA. Et je termine avec beaucoup d'émotion. Le pot qui suit est l'occasion d'échanger quelques impressions...
Le club des poètes est tout à fait réduit pour le fameux couscous : l'hôtesse, qui a préparé le repas (ancienne institutrice, d'origine pied-noir, et qui a été victime l'an passé d'un AVC qui l'a laissée sans parole et sans mémoire pendant quelques mois, mais elle a bien repris) et un couple, dont justement j'avais lu les textes tout à l'heure. Les autres ont filé écouter un concert : eh oui, je ne suis pas la seule vedette à passer dans le coin ! Et Anne-Marie, qui est aussi invitée, ayant organisé ce passage à L'Isle-Jourdain. Repas absolument succulent, comme les précédents, et heureusement que je quitte le Gers, sinon je ne rentrerais plus dans mes pantalons et peut-être écraserais-je même Rossinante sous des rondeurs replètes inattendues !
Dans la nuit presque claire, je rejoins l'hôtel, en faisant bien attention à ne pas rouler sur les éclats d'étoiles !


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