lundi 30 janvier 2023

30 janvier 2023 : le droit à la retraite


Que dit un escargot quand il croise une limace ? Oh, un naturiste.

(Jakub Szamałek, Tu sais qui, trad. Kamil Barbarski, Métailié, 2022)




Au moment où une nouvelle manif se profile demain, à laquelle je vais participer, bien entendu, il faut lire le texte de Karak, humoristique certes, mais non dénué de justesse et d’intérêt. Et ce n’est pas parce que je suis retraité que je vais accepter ce nouveau détricotage des droits sociaux à grands coups de canif qui va m’en dissuader. J’ai pu partir à 60 ans, et j’aimerais bien que ce soit aussi le cas pour les futures générations.

                                                            Dessin de Karak            

Ici commence le texte de Karak :

                        Vive la paresse !

"Et voilà Darmanin qui traite les travailleurs de paresseux. Mais mon pauvre chou, la paresse c’est la vie. Puis la paresse n’a jamais éborgné ou émasculé un manifestant, elle n’a jamais harcelé, violé, tué ni fait la guerre. La paresse est le comportement « d’une personne qui évite l’effort » et toute la société civilisée est basée là-dessus : « éviter l’effort ». Sinon faut supprimer les bagnoles, les ascenseurs, les engins de levage etc…etc. Puis, qui le premier a fait l’éloge de la paresse ?  C’est Dieu ! Ben oui, ce zigoto a travaillé une semaine et depuis il glande, n’assurant même pas le service après-vente. Une semaine de boulot suivie d’une retraite éternelle. Même la CGT n’ose pas demander çà !

"Puis la paresse est créative, elle te libère le cerveau pour que tu penses par toi-même. C’est pas la fainéantise où tu restes affalé devant un écran à bouffer des sucreries et à gober ce qu’on te dit. Non !. Comment tu crois que j’écris et je dessine ? Oui, ce sont mes instants de paresse qui m’inspirent. Mais il n’y a pas que le créatif artistique, il y a aussi les sciences. Tiens, un jour un gars se coule dans la baignoire pour un moment de détente paresseuse. L’eau monte et là il crie « Eureka » c’est ce sacré Archimède et sa fameuse poussée. « Tout corps plongé, la tête en avant, dans l’eau avoue tout au bout de 3 minutes » non, merde, là c’est Barbie. Tu te rends compte, si Archimède avait pris une douce « tonifiante » il aurait trouvé quoi ? Que la pluie tombe de haut en bas ! Et c’est pas le seul exemple, tiens prends Newton. Le gugus va se faire une petite sieste sous un arbre, paf ! Une pomme lui tombe sur le pif et il découvre la loi de la gravitation. Convainquant non ? Moi je vous le dis la paresse n’est pas un droit, comme l’écrivait le gendre de Karl Marx*, C’EST UN DEVOIR !"


* Paul Lafargue, et son célèbre pamphlet Le droit à la paresse (1880, on le trouve en poche chez l’éditeur Mille et une nuits, 1994)

                                                Dessin de Marty (Sud-Ouest, 29 janvier 2023)
 

samedi 28 janvier 2023

28 janvier 2023 : la famille : sur trois films récents

 

Il y a une formidable espérance de vie dans la jeunesse.

(François Mitterrand / Élie Wiesel, Mémoires à deux voix, O. Jacob, 1995)



J’en ai un peu marre de voir les jeunes ne jurer que par le cinéma américains, par les séries américaines ou produites aux USA, celles de Netflix par exemple, et délaisser quand ce n’est pas vilipender le cinéma français, tout en ignorant superbement les films provenant des autres pays. Comme si nous étions colonisés par les USA qui nous dicteraient ce que nous devrions voir. En fin de compte, je me prive d’aller voir la plupart des films américains actuels. De toute façon, je vais souvent au cinéma, mais n’arrive pas à voir tous les films dont j’ai envie, provenant d’autres pays, car je me sens citoyen du monde.

Et je ne suis  pas un béni-oui-oui de l’oncle Sam. Sur les 10 plus gros succès du cinéma en 2022 en France, 10 sont américains. En 2021, 7 sur 10. En 2020, 6 sur 10. En 2019, 9 sur 10. En 2018, 5 sur 10. C’est dire si ça empire. On me dira : « Il n’y a pas eu de gros films français porteurs l’an passé. » C’est un peu vrai, mais la vérité, c’est que le public jeune, celui qui fait la queue au cinéma, s’est détourné du cinéma français. Il ne va plus au cinéma (ça s’est aggravé avec la pandémie), et s’il y va, c’est pour retrouver les films du même style que celui des séries made in USA, ou les grands succès que le rouleau-compresseur de la pub nous envoie d’outre-atlantique.

Dernièrement, j’ai vu trois films, deux français, un japonais, avec un plaisir immense, et qui traite tous du même thème : comment devenir soi-même dans une famille, comment devenir artiste ?

Divertimento (réalisé par Marie-Christine Mention-Schaar) raconte l’histoire de deux sœurs jumelles, Zahia et Fettouma, issues de l’émigration maghrébine, qui vont devenir, poussées par leurs parents, musiciennes classiques, l’une cheffe d’orchestre, l’autre violoncelliste. Le film joue avec les préjugés, se nourrit des injustices sociales et de la révolte. Car ce n’est pas gagné : il leur faudra garder la tête haute, rester dignes, quand venant du 93 elles sont transplantées dans une filière d’excellence (un lycée huppé parisien, pour leur année du bac) ; professeurs et élèves leur font comprendre qu’elles sont des intruses, à coup de remarques humiliantes, parfois sexistes, leur rappelant sans cesse qu'elles ne sont pas à leur place. Je n’en dis pas plus, c’est fort, c’est solide, ça m’a enchanté, autant que les livres d’Annie Ernaux !

Le film japonais La famille Asada (réalisateur Ryota Nakano) nous montre une famille japonaise, le père qui a cessé de travailler pour devenir "homme à la maison", la mère (qui fait carrière) et leurs deux enfants, dont le petit dernier, Masashi se voit offrir par son père un appareil-photo pour ses douze ans. Il va réaliser son rêve : devenir photographe. Adulte, le jeune homme glandouille un peu chez ses parents. C’est encore son père qui va lui permettre de se transformer en professionnel. Il va photographier sa famille, en dénichant chez son père, sa mère et son frère, leurs désirs les plus secrets et en leur permettant de les réaliser. Ce qui va lui faire faire un premier album de photos de famille qu’il va essayer de placer chez des éditeurs pour le publier. L’éditrice trouvée, il exploite son filon en photographiant les familles des autres. Et la catastrophe de Fukushima lui permettra de mettre en valeur sa personnalité et son humanité. Comme le film précédent, c’est un film tonifiant qui montre que la famille peut être un creuset pour un artiste.

Quant à Youssef Salem a du succès, (réalisatrice Baya Kasmi, qui s'inspire de sa propre histoire) il montre un Français d’origine maghrébine tenter de faire œuvre littéraire en s’inspirant de son histoire personnelle et familiale (cf Annie Ernaux encore). Mais la famille en question est susceptible de lire le roman, d’autant qu’il a un grand succès, Youssef passe à la télévision), l'auteur obtient même le Prix Goncourt (scène inénarrable de la réception alcoolisée qui suit). Il est malheureusement resté trop près de la réalité et il montre dans son roman Choc toxique les petits défauts de chacun, les secrets parfois honteux. Pourtant il prétend bien que c’est un roman, avec des personnages imaginaires. Mais son frère et ses sœurs l’ont lu et lui font des reproches. Et il fera tout pour que son père ne le lise pas ! On a affaire ici à une comédie mais un peu acide. Parmi les comédies française, souvent assez grossières, on trouvera ici un portrait assez fin d’un homme placé dans un entre-deux pas facile à vivre. Ramzy est excellent dans le rôle de Youssef.

On notera que dans les trois films, les parents font tout pour que les artistes qu'ils ont mis au monde s'épanouissent !

 

dimanche 22 janvier 2023

22 janvier 2023 : migrants 16, sommes-nous encore libres d'être fraternels ?

 

Les combats on changé de nature. On ne pourchasse plus les militants blancs mais les immigrés arabes ou noirs. Supprimant les substantifs, restent les adjectifs. Ils ont le mérite de la clarté : on ne pourchasse plus les Blancs mais les Arabes et les Noirs.

(Dan Franck, Les champs de bataille, Grasset, 2012)



Cédric Herrou, l'auteur de Une terre commune (Seuil, 2023) , vit dans la vallée de la Roya, tout près de la frontière italienne ; il a commencé dès 2016 à accueillir des migrants (c’est-à-dire "d’autres hommes et femmes") réfugiés, ce qui lui a valu des ennuis policiers et judiciaires jusqu’à être poursuivi pour délit de solidarité. Soit en les amenant avec sa voiture, quand l’occasion le permettait, ou bien en les accueillant à la frontière. Très conscient que ces "hommes et femmes" avaient "pu encaisser une telle violence, un tel racisme primaire ordonné par une élite censée être la garante d’un pays de droit", à juste titre, en tant que citoyen, il a regimbé contre un tel déni d’humanité : il s’est senti "le devoir de dénoncer l’inacceptable, car notre silence nous rendrait complices".

Liberté, égalité, fraternité : la devise républicaine lui paraissait être malmenée : "sommes-nous libres d’être fraternels ?", s’est-il demandé. Et sa réponse a été OUI. Il a découvert des hommes et des femmes, des frères en humanité, "partis seuls de chez eux par obligation ou par nécessité, [qui] avaient vécu la souffrance du détachement familial, la violence de la Libye, le traumatisme de la traversée de la Méditerranée, puis vivaient maintenant l’abandon de l’Europe" !

"Les enfants comme les femmes, les hommes et les familles étaient systématiquement renvoyés de l’autre côté de la frontière, en totale contradiction avec les textes de loi en vigueur, les conventions de Genève, les droits de l’homme et les droits de l’enfant. Le droit était piétiné par ceux censés les faire respecter." Heureusement, il a pu rencontrer aussi des gendarmes chez qui "derrière l’uniforme se cachent des êtres en désaccord avec les ordres", sans doute insuffisamment nombreux, mais qui lui ont permis de ne pas désespérer de l’humanité.

Il a pu organiser le CCH (Centre Cédric Herrou) : sa ferme a été transformée en lieu d’accueil, où vivent et travaillent un certain nombre de réfugiés qui retrouvent le minimum de dignité pour continuer à vivre. Il a fondé l’association Emmaüs Roya (voir le site https://www.youtube.com/watch?v=D39YA4Ioifk), lieu de vie solidaire où quand l’un "d’entre nous souffre, c’est tout le groupe qui souffre : être empathique, sentir la souffrance de l’autre dans son propre corps." Où il s’agit de "faire corps pour se faire entendre des puissants qui méprisent l’individu esseulé ou le groupe marginalisé par l’oubli." Tout n’est pas facile, certes, les amendes, les procès se sont succédé, mais Cédric Herrou n’a jamais abdiqué. Il reçoit le soutien de beaucoup de personnes, non seulement en France, mais en Italie et dans le monde entier.

C’est un homme encore jeune, mais un homme debout qui regrette que l’État s’attaque toujours aux petits. "Le Ministère de l’Intérieur [...] pourrait décapiter les organisations de trafic de drogue mais s’acharne contre les petits dealers en banlieue. Il pourrait lutter contre l’évasion fiscale mais s’en prend aux bénéficiaires des aides sociales. Il pourrait lutter contre la corruption mais préfère s’acharner sur la petite délinquance. Et voilà qu’il s’étonne de la montée en puissance de l’extrême droite alors qu’il en incarne l’idéologie et la méthodologie."

Et il conclut ce petit livre salutaire par des paragraphes qui commencent par "Nous avons le devoir d’être utopiques, de rêver, sans pour autant être muet, […] non, il n’existe pas qu’une manière d’accueillir. Il y en a autant que d’hommes et de femmes sur terre."

Oui, il faut se battre pour un monde où l’on ne verra "pas des médecins légitimer leur refus de soigner, ou l’Aide sociale à l’enfance contester la prise en charge de mineurs isolés", où l’État ne décidera pas "de chasser migrants et aidants, sans discussion, sans concertation, par la force et la menace."

Vous l’aurez compris, voilà un livre tout petit, mais dont le pouvoir est grand, celui de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres. Il y avait longtemps que je n’avais lu un texte aussi roboratif, un texte qui nous rend plus fort, qui nous encourage autant à continuer à vivre.

 

vendredi 20 janvier 2023

20 janvier 2023 : la manif de Bordeaux


Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en prive, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

(Convention européenne des droits de l’homme, article 9, https://www.echr.coe.int/documents/convention_fra.pdf)



Dommage que je n’ai eu connaissance de cette convention que très récemment, j’aurais pu clouer le bec à tous ceux qui passent leur temps à vitupérer contre les religions, manifestant un racisme insensé particulièrement contre la religion musulmane, mais aussi bien contre les religions chrétiennes. Ils peuvent être fiers d’avoir vidé les églises et les temples. Ils auront plus de mal à vider les mosquées. Celle à côté de chez moi était pleine aujourd’hui, un monde fou à la sortie. C’est bien ce qui doit peiner nos laïcards : qu’en dépit de toutes les attaques verbales ou par dessin, un croyant reste un croyant.

Mais parlons de sujets qui fâchent moins. J’étais hier à la manif de Bordeaux. Je ne suis pas resté jusqu’au bout, car le temps était assez inclément, mais assez longtemps tout de même pour trouver de beaux panneaux tenus à bout de bras. Je décernerai un prix à ces deux-là :


     * * *

LE PHRASEUR

SAISON DEUX :

LA SOUPE RESTE IMMANGEABLE

                                    * * *

ÉTEIGNEZ VOTRE TÉLÉ

ÉTEIGNEZ VOTRE PORTABLE

ALLUMEZ VOTRE CERVEAU

* * *

Le plus marrant, ce fut la sortie de la manif. J’étais avec Anne, une amie de l’Utopia. Comme nous avions faim et que la pluie nous refroidissait, nous quittons la Place Gambetta pour la Rue Porte-Dijeaux. Mais à l’entrée de celle-ci, deux cerbères nous alpaguent : « Vous ne pouvez pas entrer en ville avec votre gilet jaune ! » J’avais en effet un gilet jaune qui couvre mon petit sac à dos de ville pour être vu sur mon vélo de jour comme de nuit. Je leur montre que ce gilet jaune fort anodin fait la pub pour Cyclo-biblio et les bibliothèques. « C’est égal, vous avez un gilet jaune, vous devez rester dans la manifestation » Je ne savais pas que c’était une manifestation de gilets jaunes.

J’ai dû batailler ferme pour leur dire que je voulais reprendre mon vélo que j’avais laissé près de la cathédrale. J’ai vu le moment où continuant à refuser de défaire l’enrobage de mon sac, j’allais être arrêté pour outrage à agent : ils ne cessaient de répéter que je n’étais pas sur mon vélo et que je devais donc le défaire et le mettre dans le sac. J’ai failli leur dire : « Vous feriez mieux de vérifier l’intérieur de mon sac pour voir si je n’y ai pas égaré un objet interdit qui risque de menacer une auto ou une vitrine ou peut-être même une personne ! » Mais là, pour le coup, ç’aurait été l’outrage à agent. Et eux de répéter : « Ce sont les ordres ! »

Ils ont vu que je ne céderai pas, Anne me défendait de son mieux, et je crois que c’est grâce à elle que je m’en suis tiré sans dommage collatéral et sans enlever le gilet jaune qui, d’être devenu l’objet d’un litige, menaçait d’en faire une jaunisse supplémentaire...

Vive les manifs ! 

 


lundi 16 janvier 2023

16 janvier 2023 : migrants 15, un roman grec

 

L’Europe avait grandi, elle était devenue plus riche, elle surveillait désormais ses frontières comme le chercheur d’or protégeant les pépites de son tamis, soucieux de grossir seul dans son opulence.

(Dan Franck, Les champs de bataille, Grasset, 2012)



Ça fait un bail que je n’ai pas présenté ici un livre, comme si je ne lisais plus. Or, je lis toujours beaucoup. Il est vrai que ces derniers temps, j’ai surtout lu des essais, mais l’autre jour, à la bibliothèque de mon quartier, je suis tombé sur un roman grec récent, Point de passage, d’un auteur de moi inconnu : Konstantinos Tzamiotis.

C’est le récit d'un naufrage sur les rochers d'une petite île de la Mer Égée ; d’habitude cette île récupérait des petites embarcations de migrants, mais cette fois-là, par une nuit d’hiver très froide, c’est une tempête effroyable qui jette à la mer sur les rochers un assez gros bateau, il y aura 300 à 400 naufragés sur cette île qui n’a que 130 habitants. Ceux-ci viennent assister à la catastrophe et secourir les survivants ou ramasser les cadavres. Le temps est glacial, il faut réchauffer les rescapés, hommes, femmes et enfants, les abriter dans le gymnase, les nourrir, les habiller même. Comment faire ? Il y a là le maire qui téléphone pour demander du secours au préfet de la grande île voisine, un médecin stagiaire (pas de poste fixe pour si peu d’habitants, mais des jeunes volontaires qui n’y restent que six mois), le pope, la police et quelques fonctionnaires ; les habitants se sentent impuissants devant un tel désastre. 

Plusieurs même se découragent devant l’accumulation de ces naufrages : "voilà trop longtemps que ça dure. Je ne peux plus faire semblant d’être forte, ni pour eux, ni pour qui que ce soit. Et je ne vais pas m’excuser d’avoir un toit au-dessus la tête et de manger à ma faim. Il faut que je pense à moi", dit une femme. L'île ne dispose que de peu de réserves de nourriture et la tempête qui dure ne permet pas de compter sur des secours rapides. Même le pope craint des problèmes : "Et ces pauvres gens sont si désespérés que je doute qu'ils soient encore en mesure de respecter les lois humaines et les lois divines. À nous de rester vigilants". Le capitaine de marine retraité rappelle que la loi de la "mer est claire : un homme qui échappe à la noyade est un homme à qui on doit les mêmes soins et la même attention qu'à son frère."

Les réticences des uns et des autres sont balayées : on vide les armoires pour vêtir les naufragés, on prépare une soupe chaude, des pains, on règle la discipline dans le gymnase où il n’y a pas de commodités, où la distribution de repas menace de tourner à la foire d’empoigne.

Je n’en dis pas plus sur ce roman choral où l’auteur s’intéresse aux réactions des îliens, une partie d’entre eux étant des exilés, chassés d’Anatolie, ils ont connu la misère en arrivant ici. Beaucoup sont vieux, les jeunes sont partis trouver du travail à Athènes ou en Allemagne. Là, la question qui se pose devant un tel afflux dans la tempête, c’est comment cohabiter ! "On ne pourrait jamais supporter tout ce monde", dit le maire, sans doute exaspéré par ces naufrages incessants et par la difficultés avec ses supérieurs. Au point qu’un vieil homme lui réplique : "C'est les maisons vides qui manquent ? Ou les champs de blé en friche qui ne vont pas donner de pain ? Qu'on les confie à des gens qui n'ont pas peur de travailler, et tout ça va revivre."

C’est un livre assez bref, mais qui nécessite une grande concentration de lecture, à cause du grand nombre de personnages, et du fait que l’auteur donne successivement d’un chapitre à l’autre la parole aux uns et aux autres, naufragés aussi bien qu’îliens, multipliant les points de vue, ce qui nécessite d’être vigilant pour ne pas se perdre dans ce foisonnement ou cet éparpillement. Dans cette fresque comportementale, l’auteur nous montre des faits, des conversations, sans jugement de sa part, et nous fait réfléchir à la problématiques des migrations qui vont sans doute s’aggraver avec le dérèglement climatique.

Un très bon roman...

 

mercredi 11 janvier 2023

11 janvier 2023 : ce qui change pour moi cette année

 

ce qui nous fait le plus souffrir ou ce que nous redoutons le plus, ce n’est pas la mort, ni l’incertitude de nos cheminements, ni même l’agonie, mais l’espace que nous laisserons vide, les choses que nous ne regarderons plus, les mots que d’autres viendront chercher sur nos lèvres, pour se trouver face à un trou béant.

(Ignacio Padilla, Spirale d’artillerie, trad. Svetlana Darbin, Gallimard, 2997)


Me voici en train d’activer mes neurones pour bouger moins de Bordeaux et bouger davantage dans Bordeaux et périphérie : y voir davantage ma famille, mes amis français ou migrants, et mes "vieux", en somme moins vadrouiller, même si je continuerai à partir ici ou là voir les habitués, ceux que je vois chaque année, fréquenter quelques festivals de cinéma, et peut-être de marionnettes ou de théâtre : il y a de quoi faire en France. Et, bien sûr, aller voir mes enfants en Angleterre et en Allemagne et dans ce cas pousser jusqu’en Pologne pour un dernier passage. 

                                           repas au restaurant à Lyon le 30 décembre dernier

Tout cela si ma santé se maintient, pas forcément au beau fixe, mais suffisamment pour me permettre encore de voyager et cela, grâce à l’usage intensif du vélo (3200 km en 2022, j’espère faire davantage cette année) ! Après tout, le temps viendra où je ne pourrai plus voyager pour des raisons physiques (je n’oublie pas que j’ai dû changer de vélo en début d’année, je ne pouvais plus grimper sur un cadre d’homme) et mentales (préparer les réservations de transport par autocar ou train, le bagage et les lieux de chute, tout le monde ne pouvant pas toujours m’héberger).

                                                          Londres : le grand-père lecteur

Je continuerai mes activités habituelles cette année, atelier d’écriture, gym pilates, kiné, cinéma et spectacles, bibliothèques de quartier, maisons de quartier, conférences, animations au cinéma Utopia... Mais j’ai prévu de m’inscrire à un atelier théâtre (j’ai fait la séance d’essai, et pour l’instant, ça me plaît), un atelier chanson (je n’y resterai que si ça me plaît, ça commence lundi prochain par une séance d’essai que je vais d’ailleurs rater, il va falloir que je privilégie ces activités qui nécessitent du suivi), sans compter des activités plus ponctuelles...

                        Photo de Noël chez Marie-France et Lenny, avec Mathieu et Mélanie à droite

Et bien sûr poursuivre mes lectures (romans, nouvelles, théâtre, poésie, essais divers, revues...), mes écritures (lettres et cartes postales, poésie, nouvelles et récits, essais littéraires, souvenirs), rencontres avec des individus et des groupes, ou associatives. Côté militant, je me limite au soutien à la librairie et au cinéma, aux sans-papiers, aux immigrants et aux Palestiniens, ce qui est déjà pas si mal. Et on me voit de temps en temps dans une manif qui ma plaît par ses objectifs.

Et vogue la galère...

                                        Londres : Sasha au restaurant, dans les bras de Papa